Aéronautique : les acteurs des aérostructures à la croisée des chemins

OPINION. Alors que la filière aéronautique fait face à des difficultés de trésorerie, les experts du cabinet de conseil toulousain Cylad prennent la plume. Ils partagent leur vision pour redonner une bouffée d'oxygène financière aux acteurs des aérostructures.
Les acteurs de la filière aéronautique sont confrontés à des tensions sur la trésorerie.
Les acteurs de la filière aéronautique sont confrontés à des tensions sur la trésorerie. (Crédits : Reuters)

Le secteur de l'aéronautique sort à peine de plusieurs années de crise, et même si le
transport aérien a quasiment retrouvé son niveau d'avant-COVID, les fabricants
d'aérostructures connaissent encore des difficultés.

Lire aussiTransport aérien : la révolution verte... ou la mort

Avec la succession de crises, comme celle que connaît Boeing depuis quelques années
ou la pandémie de la Covid, l'ensemble des acteurs est impacté et leur niveau
d'endettement est historiquement haut. La fabrication d'aérostructures est en effet une
activité capitalistique très concurrentielle, avec des marges d'exploitation faibles et des
Besoins en Fonds de Roulement (BFR) élevés.

Chez certains de nos clients, les flux de trésorerie d'exploitation générés aujourd'hui sont insuffisants pour financer l'ensemble de leurs besoins : intérêts croissants de la dette et remboursement de celle-ci, recrutement et formation, investissements liés à
l'augmentation des cadences de production, R&D... Les entreprises ont dû faire et font encore appel à la dette, qui s'accumule inexorablement.

Certaines entreprises de petite taille sont d'ores et déjà en liquidation judiciaire, d'autres
de taille internationale sont en cours de reconfiguration. Il est essentiel qu'elles puissent
retrouver dès que possible une situation financière saine, afin d'accompagner la reprise
du transport aérien, les montées en cadence associées et préserver ou renforcer leur
place sur le marché.

L'effet boule de neige de la dette

Chez CYLAD, nous constatons chez les entreprises* que nous accompagnons un effet
boule de neige, avec 4 phénomènes :

- Les marges d'exploitations se sont redressées (5,2 % en 2022, toujours à -2,5 % par rapport aux 7,7% de 2019.)

- Les BFR continuent d'augmenter (+22 % depuis 2019) alors que sur la même période le chiffre d'affaires n'a en moyenne progressé que de 5%. L'augmentation du BFR est principalement liée à deux éléments :

- Le cycle de conversion des liquidités a augmenté de 15 jours (131 jours en 2022 contre 116 en 2019);

- Les niveaux de stocks restent élevés en 2022 (couverture de 108 jours, soit + 21 jours par rapport à 2019).

Les niveaux de dette sont historiquement élevés et ont explosé depuis 2019 : En moyenne, l'actif économique des entreprises est majoritairement financé par de la dette : en 2022 la structure financière se répartit entre 58% d'endettement net et 42% de capitaux propres. En parallèle, les entreprises du secteur ont été fortement fragilisées par la crise COVID, et le nombre d'entreprises en grande difficulté (c.à.d. dont le Résultat d'Exploitation est négatif ou inférieur aux intérêts à payer) a doublé entre 2019 (19%) et 2022 (36 %).

Dans l'ensemble, les flux de trésorerie d'exploitation générés ont chuté entre 2019
et 2022, passant de 2 à 0,5 M€ après un passage par un minimum à 0 en 2021. Ces flux ne suffisent pas à couvrir les besoins en investissement, en particulier dans un contexte où les avionneurs tirent sur toute la chaîne d'approvisionnement pour augmenter leurs cadences de production. Ceci oblige tous les acteurs à maintenir et accroître leur outil de production.

* Analyse réalisée en 2022, sur un échantillon de 56 entreprises

Les principaux leviers des entreprises pour améliorer leur santé financière

La situation requiert des actions immédiates, à la mesure de la situation spécifique de
chaque entreprise. La magnitude des mesures à prendre nécessite à la fois de
considérer l'ampleur du problème financier et la vitesse d'exécution du plan d'actions.
Aussi, nous conseillons à nos clients d'activer de concert trois grands types de leviers :

1/ Leviers de compétitivité

  • Être fort sur ses bases :

- Assurer une performance opérationnelle satisfaisante (livraisons en temps et en
heure, complètes et conformes en qualité). C'est une évidence mais sans
livraison pas de Chiffre d'Affaires, exposition à des pénalités, surcoûts de
rattrapage, et disqualification potentielle des appels d'offres des clients. En ces
temps perturbés, être un fournisseur fiable devient un avantage compétitif.
- Renforcer les compétences de base (gestion de la production, gestion des
fournisseurs, gestion de configuration et conformité, planification, gestion de
programme), en particulier alors qu'il faut recruter de manière significative.

  •  Reconsidérer le périmètre d'activité, via des réflexions 'Make or Buy' ou 'Low Cost Country' ;
  • Elaborer un plan d'amélioration des coûts de production : achat, sous-traitance, productivité, procédés, non-qualité, stock et encours de production ;
  • Définir un plan d'adaptation des coûts fixes pour faire face aux nouvelles conditions économiques.

2/ Leviers de revenus

  • Renégocier les prix et conditions contractuelles avec les clients, de manière à compenser l'inflation (ex : matière, énergie, salaire) à condition de savoir le démontrer factuellement ;
  • Négocier une contribution à l'impact du décalage des baisses de cadences, pour une durée minimale permettant au plan de compétitivité de produire ses effets lors de missions menées par nos consultants.

3/ Leviers de financement

  • Négocier le financement par les clients de tout ou partie des investissements requis pour suivre l'augmentation des cadences ainsi que du Besoin en Fonds de Roulement ;
  • Négocier des aides / subventions publiques ou client via des partenariats pour les investissements nécessaires à une décarbonation ;
  • Considérer un refinancement de la dette voire une recapitalisation.

 En appliquant ces leviers, voici quelques exemples d'impacts sur la performance d'une entreprise :

  • plus de 10 millions d'euros de gains récurrents potentiels pour un sous-traitant de rang 1 grâce à une stratégie de Make or Buy
  • +35% d'augmentation du taux de service (OTD), de 68% à 92%, pour un fournisseur de rang 1
  • 92% de l'inflation achat subie répercutée aux clients après 3 mois grâce à la renégociation des contrats client chez un fournisseurs de rang 1

Savoir adapter sa stratégie pour retrouver une situation financière saine, c'est
l'assurance de pérenniser son entreprise, pour renforcer sa place sur le marché et
accompagner la reprise du transport aérien !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.