Autoroute A69 Toulouse-Castres : les confessions du groupe Pierre Fabre sur son investissement

Critiquée pour son implication financière dans l'autoroute A69 entre Toulouse et Castres, la direction des Laboratoires Pierre Fabre a pris pour la première fois longuement la parole sur le sujet. Son directeur général, Éric Ducournau, était convoqué devant la commission d'enquête parlementaire à ce propos. Il a ainsi confié les coulisses de l'investissement de son entreprise dans le projet, les raisons de ce soutien financier à travers une holding et rappelé les ambitions du fondateur du groupe à ce propos. Les détails.
Le directeur général des Laboratoires Pierre Fabre, Éric Ducournau, a été interrogé par les députés, sur l'implication de son entreprise dans le dossier de l'autoroute A69 Toulouse-Castres.
Le directeur général des Laboratoires Pierre Fabre, Éric Ducournau, a été interrogé par les députés, sur l'implication de son entreprise dans le dossier de l'autoroute A69 Toulouse-Castres. (Crédits : Rém Benoit)

« Je vous rappelle que vous êtes sous serment Monsieur Ducournau », lance un député au directeur général du groupe Pierre Fabre, à l'issue d'une salve de questions du premier à destination du second. Une manière de rappeler avec élégance que les membres de l'Assemblée nationale attendent des réponses claires sur l'intervention, ou non, du groupe pharmaceutique et dermo cosmétique basé à Castres (Tarn) sur le projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Le dirigeant était ainsi convoqué, jeudi 30 mai, à la chambre basse du Parlement, dans le cadre de la commission d'enquête dédiée au montage juridique et financier de cette infrastructure autoroutière de 53 kilomètres qui doit être mise en service en 2025.

Sans surprise, la présence du groupe Pierre Fabre dans l'actionnariat de la société « Tarn Sud Développement » a été évoquée, après les révélations dans la presse à ce sujet datant d'avril dernier. Pour mémoire, cette entité est entrée il y a quelques mois au capital d'Atosca, concessionnaire et futur exploitant de la future autoroute A69 entre Toulouse et Castres.

« Nous n'avons jamais été demandeurs d'être actionnaire de la concession autoroutière. C'est NGE Concessions qui est venue à notre rencontre en nous proposant un véhicule financier, à nous et d'autres acteurs économiques locaux, dans le souci de participer au développement du territoire », confie Pierre Ducournau.

Si la société Tarn Sud Développement n'a été créée qu'en août 2023 et a pris dans la foulée 5,3% du capital d'Atosca, c'est bien grâce au soutien du groupe Pierre Fabre, actionnaire numéro un de cette structure. Devant les députés, le directeur général a évoqué un investissement de 5,2 millions d'euros contre 57% du capital de cette holding. « Nous avons craint pour l'intégrité de nos salariés et la sécurité de nos sites », a par ailleurs souligné le dirigeant pour justifier son silence à ce propos pendant plusieurs mois, face à la contestation croissante contre le projet.

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Lettre au ministre des Transports

S'il a été question de la forme du soutien de Pierre Fabre au projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres - dont les travaux sont avancés à 50%, selon Carole Delga, la présidente de la région Occitanie quelques heures plus tôt par cette même commission - le fond et les raisons de ce soutien ont aussi été abordés.

« Je rappelle que le projet d'une liaison routière rapide et sécurisée était porté par Pierre Fabre lui-même (...) Son objectif était de désenclaver le sud du Tarn, territoire pour lequel il avait une vision pour son avenir (...) Il n'a jamais précisé s'il parlait d'une autoroute précisément mais il défendait l'idée d'une liaison routière rapide et sécurisée entre Toulouse et Castres », a ainsi témoigné Eric Ducournau, lui qui a été le directeur du cabinet de la présidence de cette société par le passé.

Le groupe pharmaceutique n'a jamais indiqué quelle était sa préférence entre un projet d'autoroute ou bien un projet d'aménagement de la RN 126 existante, contrairement à Carole Delga quelques heures plus tôt devant ces mêmes députés. « Nous regrettons d'avoir désormais une route payante et nous avions privilégié le réaménagement de la RN 126 », a indiqué l'élue régionale, mettant la responsabilité de ce choix sur l'État.

Cependant, si le dirigeant fondateur du groupe castrais, Pierre Fabre, n'a jamais indiqué sa préférence pour une autoroute, l'actionnaire numéro des Laboratoires Pierre Fabre, la Fondation Pierre Fabre qui détient 86% du groupe, a écrit un courrier au ministre des Transports en octobre 2023 pour indiquer son fort soutien au projet a confié Eric Ducournau. « Je vous transmettrai ce courrier », a-t-il promis au rapporteur de la commission d'enquête, la député écologiste de Haute-Garonne, Christine Arrighi, farouchement opposée à ce projet d'autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Ce timing  interroge car le ministre des Transports de l'époque, Clément Beaune, avait ouvert la porte à un moratoire sur le projet et d'autres projets autoroutiers en France quelques mois plus tôt. À la mi-octobre, son ministère avait par la suite confirmé la réalisation de cette A69 en l'échange d'aménagements environnementaux de la part du concessionnaire, comme la diminution de la largeur de la chaussée.

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« L'entreprise aurait pu avoir une taille très différente »

Alors que le projet d'une autoroute de Toulouse à Castres a été mis sur la table pour la première fois au début des années 90, le directeur général des Laboratoires Pierre Fabre depuis juillet 2018 estime que son entreprise aurait un tout autre visage si elle était reliée à Toulouse par une autoroute.

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« Être relié à une autoroute est générateur de développement pour une entreprise, c'est évident (...) L'entreprise aurait pu avoir une taille très différente si elle était située à Paris, ou Toulouse. J'estime le différentiel de croissance à 5% par an par rapport à d'autres entreprises françaises de la dermatocosmétique (...) Nous rencontrons de grandes difficultés dans notre entreprise à recruter des collaborateurs de qualité en raison de notre éloignement géographique de Toulouse », observe le dirigeant à la tête d'un groupe qui a bouclé l'exercice 2023 avec 2,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Pour appuyer ses propos, le directeur général met en avant un service en lien avec l'activité cosmétique de l'entreprise qui était composé de 200 collaborateurs quand il était basé à Castres, contre 600 depuis qu'il a été déménagé à Lavaur, soit bien plus proche de Toulouse. Ce qui n'empêche pas le groupe Pierre Fabre d'investir dans un nouveau siège social à Castres, territoire où le taux de chômage frôle les 15% actuellement. « Ce territoire, qui a souffert de la désindustrialisation avec le départ de l'industrie textile, a besoin d'une marque d'attention. Il y a un sentiment d'abandon », estime Carole Delga. La commission, présidée par le député du Tarn (Renaissance) Jean Terlier, doit remettre son rapport au plus tard le 5 août 2024.

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2024 à 9:04
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"une route payante" est payée par une entreprise qui aura ensuite des taxes à payer sur les péages, et aussi une taxe d'occupation du domaine public (elle avait été augmentée de 50% par S. Royal et E. Macron + accord secret pour augmenter les péages ...

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