Sigfox : le repreneur de la startup finalement désigné le 21 avril

Placée en redressement judiciaire depuis fin janvier, la startup toulousaine Sigfox connaîtra finalement son repreneur le 21 avril. Le tribunal de commerce de Toulouse se laisse une semaine supplémentaire pour sceller l'avenir de l'entreprise spécialisée dans l'Internet des Objets, alors que le dossier prend une allure politique en pleine élection présidentielle.
Installée en région toulousaine, la startup Sigfox connaitra son repreneur le 21 avril.
Installée en région toulousaine, la startup Sigfox connaitra son repreneur le 21 avril. (Crédits : DR)

Cela devait être la fin d'un long feuilleton, entamé le 26 janvier, date à laquelle la startup Sigfox a été placée en redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce de Toulouse. Mais ce dernier en a décidé autrement ! Alors que la date du 14 avril avait été annoncée comme la date de rendu de la décision de l'instance, le juge commissaire a annoncé ce même jour le report de sa décision au 21 avril. "Aucune raison" n'a été présentée pour justifier ce choix, selon la direction de Sigfox. "Le CSE n'a pas eu d'information du tribunal de commerce", confirme l'instance représentative des salariés.

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En soit, cette annonce est moins surprenante qu'il n'y parait car le verdict final prend de plus en plus une tournure politique, selon plusieurs protagonistes du dossier. Et ce en raison du profil des cinq candidats finaux (quatre intéressés par Sigfox Corp et un uniquement par la filiale française, toutes concernées par la procédure avec 180 salariés dans la balance), et plus particulièrement leur origine géographique.

Un favori... étranger

Parmi les cinq dossiers sur la table pour reprendre la société toulousaine spécialisée dans l'Internet des Objets (IoT), un se détache en ayant la préférence à la fois de la direction de Sigfox mais aussi de ses salariés. "Une seule offre a totalement séduit les
élus du CSE. Pour la direction de Sigfox également, cette offre sort du lot. Il s'agit de l'offre déposée par UnaBiz, un opérateur Sigfox en Asie, fondé et dirigé par deux entrepreneurs français, dont un ancien salarié de Sigfox", rappelait encore le CSE de l'entreprise installée à Labège (Haute-Garonne) dans un communiqué mardi 12 avril.

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Mais comme l'indiquent les propos de l'instance représentative du personnel, cette société est étrangère et est plus précisément immatriculée à Singapour depuis sa création, en 2016. Ce qui, dans ce dossier, est tout sauf anodin. "Sigfox constitue un actif important pour l'économie nationale et une éventuelle prise de contrôle par un acteur étranger relève de l'article L151-3 du code monétaire et financier qui institue le contrôle des investissements étrangers en France. Elle nécessite donc une autorisation du Ministre de l'Economie qui ne peut être accordée que si les intérêts nationaux sont préservés", rappelait Bercy la veille de la décision du tribunal, contacté par La Tribune. En résumé, pour que le dossier d'Unabiz soit valable auprès du juge-commissaire, bien que favori, la société et son dirigeant Henri Bong doivent obtenir une autorisation IEF (investissement étranger en France), ce qu'ils n'auraient pas obtenu pour le moment.

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"Aujourd'hui, à moins de 24 heures avant la délibération du tribunal de commerce de Toulouse, j'apprends que notre demande IEF aurait été rejetée par Bercy sans aucune explication d'aucune forme", avait fait savoir mercredi 13 avril Henri Bong, le fondateur et dirigeant d'Unabiz, dans une lettre ouverte postée sur le réseau social Linkedin.

Par conséquent, le report de la décision finale du tribunal de commerce de Toulouse est perçu comme un bon point dans les rangs d'Unabiz, qui ne désespère pas de prendre le contrôle de Sigfox. "C'est une bonne nouvelle pour nous. C'est un peu court car nous aurions espéré que ce soir après le 24, mais cela nous permet quand même d'avoir une semaine supplémentaire pour convaincre le gouvernement", vient de réagir Henri Bong, joint par La Tribune.

Des enjeux politiques derrière le dossier

Si Henri Bong évoque la date du 24 avril c'est tout sauf un hasard. Celle-ci correspond au second tour de l'élection présidentielle en France, opposant le président sortant Emmanuel Macron, à la candidate du Rassemblement National, Marine Le Pen qui porte un projet politique de souveraineté très offensif. Alors, donner les clés de Sigfox, qui développe depuis la France un réseau mondial bas débit pour l'IoT, à une société asiatique, donnerait-il du grain à moudre à l'adversaire d'Emmanuel Macron, qui propose lui un projet plus libéral ?

"Différentes sources proches du dossier ont indiqué au CSE de Sigfox que le Ministère de l'Economie temporisait et ne donnerait pas son accord avant le second tour de l'élection présidentielle prévu le 24 avril (...) Les salariés ne souhaitent pas que des enjeux politiques viennent perturber leur avenir, et ne comprennent pas que des considérations d'entre-deux-tours puissent les priver de leur emploi et mettre à risque la technologie pour laquelle ils ont tant investi", écrivait ainsi le CSE dans un communiqué transmis dans la soirée du 12 avril.

Pourtant, ces dernières semaines, la société singapourienne a tout fait pour convaincre Bercy en acceptant par exemple une vingtaine de conditions, comme le maintien du siège social et des capacités industrielles en France pendant dix ans. Malgré ses engagements, le blocage dont est victime Unabiz à l'heure actuelle donne une chance de victoire dans le dossier Sigfox à OTEIS France voire à Actility, deux candidats... français pour leur part. Pour le dernier cité, dont le projet a reçu un avis défavorable du CSE en raison d'incertitudes financières, "BPI France, et donc indirectement l'État, est un investisseur dans le dossier", souligne un acteur du dossier en interne, laissant sous-entendre que Bercy serait tenté de favoriser ce dossier en bloquant Unabiz.

Désabusé par la situation, le dirigeant du candidat asiatique, Henri Bong, a écrit mercredi soir une lettre ouverte à Emmanuel Macron afin de tenter de le mobiliser sur la situation de Sigfox, société qu'il connait bien pour avoir accueilli parfois ses dirigeants dans l'avion présidentiel à l'occasion de voyages diplomatiques. "Le sort de Sigfox est entre vos mains" en s'adressant à Emmanuel Macron, a notamment écrit le patron qui dirige 70 salariés. Près de 24 heures après la publication, "je n'ai reçu absolument aucun retour de ma lettre ouverte (de la part du gouvernement, ndlr)", fait savoir Henri Bong. Plus pour longtemps ?

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