Reprise de Sigfox : Unabiz favori, Ludovic Le Moan jette l'éponge

À l'origine d'un réseau mondial bas débit pour l'internet des objets (IoT), la startup toulousaine Sigfox sera prochainement fixée sur son avenir. Après une audition cruciale au tribunal de commerce de Toulouse, mardi 5 avril, la société Unabiz semble tenir la corde pour reprendre l'ancienne star de la French Tech, mais un autre dossier n'est pas à écarter en raison des origines étrangères du favori qui pourrait bloquer le ministère de l'Économie. L'ancien fondateur et PDG de Sigfox et sa société Sentiens ont préféré se retirer, par manque de financements.
Sigfox sera fixée sur son avenir le 14 avril, au tribunal de commerce de Toulouse.
Sigfox sera fixée sur son avenir le 14 avril, au tribunal de commerce de Toulouse. (Crédits : Rémi Benoit)

C'était le grand jour pour les candidats à la reprise de Sigfox, du nom de cette startup toulousaine à l'origine d'un réseau mondial bas débit pour l'Internet des objets (IoT) et placée en redressement judiciaire fin janvier. Les entreprises intéressées pour sauver l'ancienne star de la French Tech ont été auditionnées, mardi 5 avril, par le juge du tribunal de commerce de Toulouse.

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Mais contrairement à ce qui était attendu, ce ne sont pas sept dossiers qui ont été défendus devant le juge, mais seulement quatre. "Certains ont pris la décision de se retirer du processus de reprise ces derniers jours, pour diverses raisons", raconte Antoine Maïer, le porte-parole du CSE de Sigfox depuis le déclenchement de la procédure.

Parmi eux, le groupe français Zekat, spécialisé dans le développement d'équipements numériques et mécatroniques, s'est retiré. "Ils nous ont envoyé un courrier la semaine dernière pour nous dire qu'ils passaient à autre chose, dans un contexte économique global incertain", fait savoir le représentant du CSE. Le candidat Iwire s'est également écarté de lui même face au flou qui entoure sa candidature. "C'est une société qui a une dette auprès de Sigfox, environ quatre millions d'euros, donc c'est étonnant de leur part de se positionner sur le dossier. Avec la plus grosse dette parmi les partenaires de Sigfox, ils ont participé à notre manque de trésorerie et ils partaient donc avec un déficit de confiance dans la procédure", commente Antoine Maïer. Enfin, la société Sentiens détenue par Ludovic Le Moan, le fondateur emblématique de Sigfox et ancien PDG de celle-ci, a également préféré ne pas donner suite en raison d'un tour de table pour du financement pas encore bouclé.

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Deux candidats fragiles sur le plan financier

Par conséquent, il ne reste plus que quatre candidats pour la reprise de Sigfox Corp et Sigfox France, qui regroupent 180 salariés : Actility, un acteur français basé à Lannion qui commercialise des solutions de connectivité industrielle, le fonds d'investissement anglais Greybull Capital LLP, OTEIS France, entité qui fait du conseil et de l'ingénierie dans l'immobilier et le bâtiment, ainsi que l'opérateur Sigfox (pour Singapour et Taïwan) Unabiz. Par ailleurs, Heliot Europe Gmbh aussi en lice, n'est intéressée que par la reprise de la filiale France.

Face à cette short-list, "la direction ne peut exprimer son avis et ses préférences dans cette période de délibéré afin de ne pas influencer la décision du juge. Une prise de position de la société pourrait être défavorable à certains candidats", commente la direction de Sigfox, joint par La Tribune.

À contrario, le CSE ne cache pas ses préférences et a exprimé au tribunal de commerce de Toulouse une position claire : deux avis défavorables, un avis réservé et un avis favorable. Pour mémoire, l'organe qui porte la voix des salariés s'est basé sur une trentaine de critères pour départager les offres des candidats.

Les deux avis défavorables concernent Actility et Greybull Capital LLP. Pour le premier cité, "le CSE y voit un gros risque financier", ne cache pas Antoine Maïer. "Dans sa structure financière, la société ressemble beaucoup à Sigfox, c'est-à-dire qu'aujourd'hui la société n'est toujours pas rentable. Donc ça serait un mariage extrêmement intéressant sur le plan technologique mais léger sur le plan financier", regrette le porte-parole.

Pour ce qui est du fonds d'investissement Greybull, qui a longtemps eu les faveurs de Sigfox en interne, aujourd'hui la donne est tout autre. "Depuis nos auditions, ils n'ont pas amélioré leur offre, notamment sur le volet social et beaucoup de questions restent sans réponse. Il y a aussi le montage financier qui ne nous met pas du tout en confiance car ils ont besoin d'investisseurs publics pour mener à bien leur projet de reprise", fait savoir Antoine Maïer. Concrètement, ils promettent 50 millions d'euros d'investissement, avec le système d'un euro de fonds privés couplé à un euro d'investissements publics. "En résumé, c'est plutôt une offre à 25 millions d'euros", commente l'élu du CSE.

OTEIS trop ambitieux ?

L'avis réservé est quant à lui attribué à OTEIS France. Bien que son coeur de métier soit assez éloigné de celui de Sigfox, ce dossier présente l'avantage d'être solide sur le plan financier.

"Ils sont dans une volonté de refinancer Sigfox plutôt que de le révolutionner avec une posture de gestionnaire. Sur ce point, nous n'avons aucun doute car ils sont très solides financièrement en dégageant des bénéfices chaque année. Les fonds proposés pour le projet Sigfox sont disponibles immédiatement", se félicite Antoine Maïer.

Cependant, le CSE juge les hypothèses de leur business plan "trop optimistes" et a des doutes sur la stratégie autour de l'avenir de l'entreprise. OTEIS France prévoit d'importantes coupes dans les effectifs du comité exécutif, qui établit cette stratégie, avec notamment en ligne de mire la direction générale, la direction technique, la direction administrative et financière, etc.

Unabiz grand favori mais...

Enfin, face à ces trois concurrents, ne reste plus que le Sigfox opérateur Unabiz. La société a donc l'avantage de connaître le mode de fonctionnement de Sigfox et d'y adhérer. Par ailleurs, cette entreprise de 70 salariés a, dans le cadre de cette procédure, le soutien de l'association des ambassadeurs de Sigfox ainsi que de la 0G United Nation qui est une association internationale d'opérateurs 0G dont Sigfox fait partie.

"C'est la plus intéressante sur le volet social avec 110 salariés repris sur les 180 concernés. Unabiz a aussi une culture d'entreprise très proche de la nôtre, ce qui limite le risque de fuite des talents après la procédure de reprise. Avec 25 millions d'euros de financement, c'est un projet qui, financièrement, tient également la route. La seule réserve que nous émettons dans ce dossier est qu'Unabiz devra maîtriser ses coûts et ne pas se disperser. En résumé, aux yeux de beaucoup, Unabiz est l'offre la plus complète et la plus équilibrée, et s'il devait y avoir un second favori ce serait OTEIS", résume Antoine Maïer.

Joint par La Tribune, la direction d'Unabiz ne souhaite pas faire de commentaire pour le moment. Néanmoins, au moment du placement en redressement judiciaire de Sigfox, son dirigeant Henri Bong avait fait savoir son admiration pour la technologie de la startup toulousaine. "Nous ne parlons pas de la fin de Sigfox, c'est même probablement un nouveau départ ! Ils ont un produit qui marche, une technologie formidable, avec un fort potentiel de développement, qui répond aux enjeux d'aujourd'hui et de demain. C'était peut-être le moment de faire un reset sur Sigfox. Avec cette procédure de redressement judiciaire, Sigfox devient extrêmement attractif", avait-il alors déclaré fin janvier.

Seulement, la décision du tribunal de commerce de Toulouse, attendue le 14 avril, pourrait être influencée par un élément important. Unabiz étant une société étrangère, son investissement dans une société française est conditionné à l'aval délivré par le ministère de l'Économie. Si celui-ci n'est pas convaincu, alors OTEIS France pourrait sortir vainqueur de cette consultation.

De la casse sociale, quoi qu'il arrive

Dans la short list des quatre candidats à la reprise de Sigfox, les offres vont de 90 salariés repris à 110, sur un total de 180 concernés par la procédure. Par conséquent, les sites de Labège (Haute-Garonne) et Paris, ainsi que certaines filiales, pourraient payer les pots cassés de ce changement d'actionnaire. "Mais l'ensemble des repreneurs ont accepté de contribuer au PSE en participant au financement des mesures d'accompagnement pour les salariés licenciés, notamment dans la création d'entreprise. Pour ces départs, il y aura également une possibilité de volontariat pour ceux désireux de développer leurs propres projets professionnels", tient à rassurer Antoine Maïer du CSE.

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