Sigfox : le favori à la reprise Unabiz disqualifié par le ministère de l'Économie ?

En redressement judiciaire depuis fin janvier, Sigfox semblait tenir son repreneur avec la société Unabiz. Parmi les quatre dossiers sur la table, celle-ci a les faveurs de la direction et des salariés. Mais son profil d'entreprise étrangère bloquerait le ministère de l'Économie, qui doit délivrer une autorisation IEF (Investissements étrangers en France) pour valider le dossier avant le 14 avril, date à laquelle le tribunal de commerce de Toulouse doit désigner le repreneur de Sigfox. Une situation que dénonce le CSE de Sigfox qui refuse que "l'élection présidentielle (en France) mettent en péril leur avenir", peste-t-il dans un communiqué de presse offensif publié dans la soirée du 12 avril. Cette situation pourrait favoriser d'autres dossiers, qui ont moins les faveurs des salariés. Explications.
La startup Sigfox, à la recherche d'un repreneur, fait face à des enjeux politiques en pleine élection présidentielle.
La startup Sigfox, à la recherche d'un repreneur, fait face à des enjeux politiques en pleine élection présidentielle. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est à la fois un coup de gueule, une alerte voire un cri d'inquiétude de leur part. Le CSE de Sigfox et les 180 salariés qu'il représente "refusent que l'élection présidentielle (en France) mettent en péril leur avenir", déclarent-ils dans un communiqué transmis dans la soirée du mardi 12 avril.

Pour comprendre, il faut revenir près de trois mois en arrière. Ancienne star de La French Tech grâce à sa technologie 0G, qui se présente comme un réseau de télécommunication bas débit pour l'internet des objets (IoT), la startup Sigfox est placée en redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce de Toulouse, le 26 janvier. Par l'intermédiaire de cette procédure, une dizaine de candidats se positionne pour reprendre la société qui emploie près de 300 personnes dans le monde dont une grande partie à Labège, au sud-est de la Ville rose, qui abrite le siège social.

Après auditions des candidats et échanges avec le CSE, suivis d'une audience décisive au tribunal de commerce de Toulouse mardi 5 avril pour présenter leur projet respectif, seulement quatre sont encore en course pour reprendre la maison mère, Sigfox Corp, et la filiale France, soit 180 salariés. Comme révélé par La Tribune, sur les quatre dossiers restants, deux sont écartés par l'organe représentative du personnel avec un avis défavorable, un dispose d'un avis réservé et un autre un avis favorable. Pour ce dernier, il s'agit d'Unabiz, un opérateur Sigfox pour la zone Taïwan et Singapour fondé et dirigé par un ancien salarié de la startup. Mais cette offre pourrait être jetée à la poubelle par le tribunal de commerce de Toulouse en raison d'un aspect juridique (mais aussi très politique), malgré qu'elle ait les faveurs de la direction, du CSE et des salariés...

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La direction souhaite Unabiz comme repreneur

Pas plus tard que jeudi 14 avril, le tribunal doit désigner le repreneur de la société Sigfox et l'offre d'Unabiz semblait jusqu'à présent partir avec une longueur d'avance sur ses trois concurrents grâce à cette adhésion. La société de 70 salariés a aussi le soutien de l'association des ambassadeurs de Sigfox, ainsi que de la 0G United Nation qui est une association internationale d'opérateurs 0G dont Sigfox fait partie.

"Une seule offre a totalement séduit les élus. Pour la direction de Sigfox également, cette offre sort du lot. Il s'agit de l'offre déposée par UnaBiz, un opérateur Sigfox en Asie, fondé et dirigé par deux entrepreneurs français, dont un ancien salarié de Sigfox (...)", écrit le CSE dans son communiqué. "L'offre déposée par UnaBiz est la plus intéressante sur le volet social. Le CSE a pu constater une culture d'entreprise proche de celle de Sigfox, ce qui diminue le risque d'une fuite des talents. Le financement proposé parait cohérent avec le projet. [...] Le CSE estime crédible et intéressante la diversification des sources de revenus expliquée dans la stratégie. UnaBiz est légitime et inspire confiance dans l'exécution de cette stratégie [...], ainsi que sur sa vision technique", ajoute Antoine Maïer, élu au CSE et porte-parole de l'organe dans cette procédure.

Malgré ces avis favorables, un voyant reste à l'orange pour le juge commissaire en charge du dossier Sigfox : étant une société basée à l'étranger, le ministère de l'économie doit délivrer à Unabiz l'autorisation IEF (Investissements étrangers en France). Ce qu'elle n'a toujours pas obtenu à moins de 48 heures du verdict du tribunal de commerce de Toulouse. "Bercy ne nous a toujours pas répondu et pourtant il connait la deadline", regrette son dirigeant Henri Bong, joint par La Tribune.

"Le ministère de l'Économie, contacté par le CSE, indiquait le 11 avril que le dossier était complet, mais toujours en cours d'instruction. C'est inquiétant pour les salariés dont le sort ne dépend que de cette autorisation. Différentes sources proches du dossier ont indiqué au CSE de Sigfox que le ministère de l'Économie temporisait et ne donnerait pas son accord avant le second tour de l'élection présidentielle prévu le 24 avril. Problème : le tribunal de commerce de Toulouse doit rendre sa décision ce jeudi 14 avril. Les salariés ne souhaitent pas que des enjeux politiques viennent perturber leur avenir, et ne comprennent pas que des considérations d'entre-deux-tours puissent les priver de leur emploi et mettre à risque la technologie pour laquelle ils ont tant investi. Ils demandent au ministère de l'Économie de terminer l'instruction du dossier d'UnaBiz sans délai, et de délivrer une réponse circonstanciée", écrit le CSE dans son communiqué du mardi 12 avril.

Le candidat français Actility relancé ?

Un silence de la part du ministère de l'Économie serait officiellement perçu comme un refus de délivrance d'autorisation par le tribunal de commerce de Toulouse, ce qui réduirait de fait tout espoir de succès pour Unabiz dans le dossier Sigfox. "Bercy fait l'autruche et on ne comprend pas pourquoi", peste une source proche du dossier, d'autant plus qu'Unabiz a pris des engagements officiels auprès de l'État français sur ses intentions à l'égard de la startup installée à Toulouse.

"Le ministère de l'Économie a demandé des engagements à Unabiz, sur une vingtaine de conditions potentiellement suspensives. L'ensemble des conditions ont été acceptées par la société, c'est tout sauf une formalité. Unabiz, à l'égard de Sigfox s'est engagée notamment sur un maintien du siège en France sur 10 ans et le maintien, pour la même durée, des activités sensibles et des capacités industrielles en France (autrement dit les emplois notamment, ndlr)", commente Antoine Maïer, joint par La Tribune.

Plusieurs sources proches du dossier, qui préfèrent garder l'anonymat pour leur part, font savoir que cette position de Bercy rabat totalement les cartes entre tous les potentiels repreneurs de Sigfox encore en lice. Et redonne un avantage à d'autres...

Dans le projet de reprise de la société française Actility, qui a reçu un avis défavorable du CSE, "BPI France, et donc indirectement l'État, est un investisseur dans le dossier", souligne une de ces sources, laissant sous-entendre que Bercy serait tenté de favoriser ce dossier en bloquant Unabiz. De plus, la Banque Publique d'Investissement ayant investi à plusieurs reprises depuis la naissance de Sigfox en 2011, "l'État verrait certainement d'un mauvais oeil que Sigfox passe sous giron étranger malgré les engagements d'Unabiz", dit-on en interne.

Par ailleurs, à la différence du candidat asiatique qui s'est positionné pour la reprise de la maison-mère et sa filiale française, Actility s'est positionnée uniquement sur la reprise de Sigfox Corp. Si le tribunal de commerce de Toulouse retient l'entreprise française dans ce dossier, alors il faudrait composer un binôme avec une société intéressée par la filiale. Une telle configuration donnerait ainsi toutes ses chances à Heliot Europe Gmbh, un investisseur étranger qui lui aurait obtenu le feu vert de Bercy selon des acteurs du dossier, et jusqu'à présent très peu évoqué car uniquement intéressé par la filiale française. Verdict dans moins de 48 heures.

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Contacté par La Tribune sur ce dossier, le ministère de l'Économie se refuse à prendre position. "Sigfox constitue un actif important pour l'économie nationale et une éventuelle prise de contrôle par un acteur étranger relève de l'article L151-3 du code monétaire et financier qui institue le contrôle des investissements étrangers en France. Elle nécessite donc une autorisation du Ministre de l'Economie qui ne peut être accordée que si les intérêts nationaux sont préservés. S'agissant d'actifs relevant de la souveraineté nationale, il n'est pas possible pour l'Etat de déroger aux règles en vigueur. Une demande a été déposée et nous ne faisons pas de commentaires sur les procédures en cours", se contente de commenter Bercy.

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Commentaire 1
à écrit le 13/04/2022 à 10:37
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L’État et ses participations (Orange, EDF, ...) a plombé Sigfox en investissant dans la technologie américaine concurrente (Lara). Et ce même État vient pleurer en voyant l'une des pépites technologiques françaises partir à l'étranger. Schizophrénie,...

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