Sigfox : le potentiel repreneur Unabiz, écarté par Bercy, interpelle Emmanuel Macron

Favori de la direction de Sigfox et des salariés, le candidat à leur reprise Unabiz semble bloqué par Bercy pour son caractère étranger, étant basé à Singapour. À moins de 24 heures de la délibération du tribunal de commerce de Toulouse qui doit désigner le repreneur de la startup spécialisée dans l'IoT, le dirigeant d'Unabiz, Henri Bong, interpelle le président sortant et candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron, dans une lettre ouverte dans l'espoir de débloquer la situation.
Quelle entreprise reprendra à la barre du tribunal de commerce de Toulouse la startup Sigfox ?
Quelle entreprise reprendra à la barre du tribunal de commerce de Toulouse la startup Sigfox ? (Crédits : Rémi Benoit)

Dans la soirée du mardi 12 avril, La Tribune mettait en lumière les inquiétudes des salariés de Sigfox et de la direction, après publication d'un communiqué du CSE. "Le CSE interpelle le ministère de l'Économie pour ne pas disqualifier un candidat à la reprise de Sigfox".

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Placée en redressement judiciaire depuis fin janvier en raison d'une situation financière insoutenable, la startup toulousaine Sigfox est depuis dans l'attente d'un repreneur. Après un processus de plusieurs semaines, un candidat fait l'unanimité entre les salariés et la direction parmi la poignée de candidats : une société installée à Singapour du nom d'Unabiz. Mais...

"Sigfox constitue un actif important pour l'économie nationale et une éventuelle prise de contrôle par un acteur étranger relève de l'article L151-3 du code monétaire et financier qui institue le contrôle des investissements étrangers en France. Elle nécessite donc une autorisation du Ministre de l'Economie qui ne peut être accordée que si les intérêts nationaux sont préservés. S'agissant d'actifs relevant de la souveraineté nationale, il n'est pas possible pour l'Etat de déroger aux règles en vigueur. Une demande a été déposée et nous ne faisons pas de commentaires sur les procédures en cours", commente Bercy, joint par La Tribune.

Sans cette autorisation, Unabiz serait inévitablement "disqualifiée" avant le délibérée du tribunal de commerce de Toulouse, qui doit rendre sa décision en début d'après-midi jeudi 14 avril et ainsi désigner le futur repreneur de la startup qui a mis au point un réseau bas débit, surnommé 0G, pour l'Internet des Objets (IoT).

"Aujourd'hui, à moins de 24 heures avant la délibération du tribunal de commerce de Toulouse, j'apprends que notre demande IEF aurait été rejetée par Bercy sans aucune explication d'aucune forme", fait néanmoins savoir Henri Bong, le fondateur et dirigeant d'Unabiz, dans une lettre ouverte postée sur le réseau social Linkedin.

"Le sort de Sigfox est entre vos mains"

Celle-ci est adressée à Emmanuel Macron. Avec cette initiative, le dirigeant espère faire entendre sa cause auprès du président sortant et candidat à l'élection présidentielle, dans l'espoir de débloquer en sa faveur cet aspect du dossier. Avant d'en arriver là, plusieurs élus du CSE assurent qu'Unabiz a accepté une vingtaine de conditions formulées Bercy afin que ce dernier autorise son investissement, comme le maintien du siège de Sigfox en France et de ses équipes.

"Jusque-là, l'équipe chargée de la procédure IEF indiquait que les refus étaient très rares et que notre demande ne soulevait aucun élément particulier sortant de la procédure habituelle. J'interprète donc ce refus comme étant dû à des enjeux spécifiques certainement liés au contexte politique. Je comprends que les élections présidentielles soient une priorité pour vous aujourd'hui. Cependant, je peux difficilement comprendre et encore moins accepter que la politique puisse priver une société déjà en péril et ses employés de bénéficier du meilleur projet pour la sauver et encore moins de la priver de tous ses choix pour son propre futur. La communication ne doit pas l'emporter sur des intérêts économiques majeurs et sur la vie bien réelle des salariés de Sigfox. Ne les méprisons pas (...) Le sort de Sigfox est entre vos mains", écrit dans son courrier Henri Bong.

Selon Bercy, le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) a connu une activité record en 2021, avec 328 dossiers déposés, soit une hausse de 31% par rapport à 2020. De ce total, 124 opérations d'investissement étranger ont ainsi été autorisées en 2021, "et les autorisations ont été assorties de conditions dans un peu plus de la moitié des cas", précise le ministère, tout comme dans le cas d'Unabiz sur le dossier Sigfox. Malgré ce frein juridique, le dirigeant du potentiel repreneur de la startup toulousaine spécialisée dans l'IoT ne comprend pas cette situation au regard de ses engagements antérieurs.

"Je suis Français. J'ai consacré la moitié de ma carrière à servir les intérêts de la France dans plusieurs ambassades de France dans des services aujourd'hui baptisés "Business France". L'autre moitié a été dédiée à aider des sociétés technologiques françaises à se développer sur des marchés à l'étranger. Mon action la plus récente a été de fonder Unabiz à Singapour en 2016 pour servir la technologie prometteuse de Sigfox, que vous connaissez bien. Depuis, Unabiz est devenue le plus important contributeur et client de Sigfox au niveau mondial", écrit dans son poste destiné à Emmanuel Macron Henri Bong qui porte un projet de reprise aux cotés de quatre autres Français.

Le Français Actility, favori par conséquent ?

Plusieurs sources proches du dossier, qui préfèrent garder l'anonymat, font savoir que cette position de Bercy rabat totalement les cartes entre tous les potentiels repreneurs de Sigfox encore en lice.

Dans le projet de reprise de la société française Actility, qui a reçu un avis défavorable du CSE, "BPI France, et donc indirectement l'État, est un investisseur dans le dossier", souligne une de ces sources, laissant sous-entendre que Bercy serait tenté de favoriser ce dossier en bloquant Unabiz. De plus, la Banque Publique d'Investissement ayant investi à plusieurs reprises depuis la naissance de Sigfox en 2011, "l'État verrait certainement d'un mauvais oeil que Sigfox passe sous giron étranger malgré les engagements d'Unabiz", dit-on en interne.

Par ailleurs, à la différence du candidat asiatique qui s'est positionné pour la reprise de la maison-mère et sa filiale française, Actility s'est positionnée uniquement sur la reprise de Sigfox Corp. Si le tribunal de commerce de Toulouse retient l'entreprise française dans ce dossier, alors il faudrait composer un binôme avec une société intéressée par la filiale. Une telle configuration donnerait ainsi toutes ses chances à Heliot Europe Gmbh, un investisseur étranger qui lui aurait obtenu le feu vert de Bercy selon des acteurs du dossier, et jusqu'à présent très peu évoqué car uniquement intéressé par la filiale française. "C'est un dossier éprouvant et qui sera plein de rebondissement jusqu'au dernier moment et la décision du tribunal de commerce demain", juge un salarié de la société tech.

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