La gigafactory dédiée aux batteries de Verkor ne s'installera pas à Rodez

La startup grenobloise Verkor, soutenue par un consortium d'investisseurs importants, travaille sur la construction en France d'une gigafactory dédiée aux batteries, notamment pour l'automobile. Selon nos informations, l'agglomération de Rodez a été étudiée comme lieu d'implantation potentielle, au point que les élus locaux ont déjà proposé un site pour accueillir cette usine. Seulement, la proposition et certains aspects en lien avec la desserte en transport du territoire auraient provoqué la sortie de Rodez de ce listing restreint. Explications.
Rodez Agglo a déjà identifié un site pour accueillir Verkor, néanmoins celui-ci semble inapproprié selon nos informations.
Rodez Agglo a déjà identifié un site pour accueillir Verkor, néanmoins celui-ci semble inapproprié selon nos informations. (Crédits : Rodez Agglo)

Pas moins de 2.000 emplois directs et un investissement de 1,2 milliard d'euros. Voilà les chiffres vertigineux communiqués par la jeune société Verkor sur sa prochaine gigafactory, ou grande usine, qu'elle veut voir sortir de terre dès 2023. Pour garantir la pérennité d'un tel investissement, la startup grenobloise annonce vouloir révolutionner le marché mondial des batteries dédiées à la mobilité et plus particulièrement sur le segment de l'automobile. Pour ce faire, elle vient de s'associer avec Schneider Electric, EIT InnoEnergy, Capgemini et IDEC Groupe.

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Appuyé par ce consortium d'investisseurs, la jeune pousse va tout d'abord faire construire un centre d'essai et d'innovation dans la région grenobloise, contre plusieurs dizaines de millions d'euros, selon les informations de La Tribune. Parallèlement, les investigations pour arrêter le lieu d'implantation de sa gigafactory dans le sud de l'Europe se poursuivent. Verkor avait d'abord établi une première liste d'une quarantaine de sites en France, en Espagne et en Italie, dont faisait partie l'agglomération de Rodez. Dans les rangs de Rodez Agglo, on se vante ainsi de préparer "le coup du siècle" grâce à "un projet industriel bien plus gros que l'usine de Bosch à Rodez", en référence à la pré-sélection de la zone par Verkor.

"Il ne faut pas donner de faux espoir aux salariés de La Bosch"

Si cette comparaison vient naturellement à l'esprit des décideurs locaux, c'est tout sauf anodin. Depuis quelques années, le département de l'Aveyron accumule les mauvaises nouvelles concernant l'industrie et l'emploi. Plusieurs petits et moyens acteurs industriels ont fermé leurs portes et des majeurs sont en difficultés. Tout d'abord, le sous-traitant automobile la SAM et ses 400 salariés, basé à Viviez, sont dans l'attente d'un repreneur à l'issue une audience au Tribunal de commerce de Toulouse prévue début mars. Et surtout, le premier employeur privé du département, Bosch, qui emploie aujourd'hui 1.200 personnes dans une usine à Rodez (contre plus de 2.000 il y a encore quelques années), menace de fermer dans les prochaines semaines ce site, frappé par la chute du marché de la motorisation du diesel.

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Bosch Rodez

Le groupe Bosch est implanté à Rodez depuis le milieu du 20ème siècle (Crédits : Pierrick Merlet).

Cette rumeur, ou ce projet encore immature, se présente comme une lueur d'espoir pour un bassin de vie qui s'inquiète pour l'avenir de "la Bosch" comme la surnomme les habitants et ses ouvriers. "Les espoirs de voir cette usine se construire ici ? Ils sont minces mais on ne peut que jouer notre carte à fond !", a d'ailleurs reconnu le maire de Rodez et président de l'agglomération, Christian Teyssèdre, pour sa première prise de parole publique à ce sujet lors d'un conseil d'agglomération le 9 février, lui qui refuse toute intervention dans les médias à ce propos.

"Il ne faut pas donner de faux espoir et respecter l'inquiétude des salariés de La Bosch. Nous sommes dans une situation grave et préoccupante. Dans les pistes de diversification pour cette usine, il y a l'hydrogène, l'aéronautique et la piste des batteries électriques, mais à moyen terme. D'ici deux à trois ans (selon le calendrier de Verkor, ndlr), c'est complément irréaliste et ce n'est pas moi qui le dit mais la ministre déléguée chargée de l'Industrie (Agnès Pannier-Runacher, ndlr)", répond la présidente du conseil régional d'Occitanie, Carole Delga, interrogée par La Tribune à ce sujet.

Lors d'une entrevue jeudi 4 février avec l'intersyndicale de l'usine menacée, la membre du gouvernement n'a même pas hésité à écarter ce projet de gigafactory de Verkor comme une solution de court ou moyen terme pour les 1.200 salariés de l'usine Bosch à Rodez. "Nous, nous voulons préserver nos emplois dans cette usine, c'est notre unique priorité ! On ne regarde pas ce qu'il se fait ailleurs ou ce qui est potentiellement prévu", balaie d'ailleurs d'un revers de la main Cédric Belledent, délégué du syndicat Sud à l'usine à "La Bosch".

"Aujourd'hui, les actionnaires majoritaires de Verkor cherchent un partenaire commercial, autrement dit, ils cherchent un acheteur pour leurs batteries. Donc, laissons-les faire ce travail car ce partenariat industriel conditionnera fortement le choix du site et il faut être clair que les constructeurs automobiles ne sont pas dans le Sud de la France... Ils ne sont pas en Occitanie, ni en Nouvelle-Aquitaine, ou en PACA, c'est une réalité. Bien sûr, avec l'entreprise Verkor, je suis en lien car des projets comme celui-ci il y a deux ou trois projets de la sorte en Europe et nous travaillons sur le sujet de leur implantation avec notre agence de développement économique. Une fois que Verkor aura défini son projet industriel avec le client, nous verrons comment nos entreprises régionales comme la Bosch peuvent être en partenariat avec Verkor", ajoute l'élue régionale Carole Delga.

Un site inapproprié qui a poussé Verkor à sortir Rodez de la short-list ?

Pourtant, le territoire à quelques avantages à faire valoir, malgré la quasi-absence de sites industriels notables dédiés à l'industrie automobile sur la zone. Au-delà de la présence de Bosch à Rodez et du savoir-faire de son millier de salariés, la région Occitanie accueille l'équipementier automobile Continental à Toulouse, mais aussi le centre de R&D Software Labs Toulouse du groupe Renault, qui travaille sur les systèmes embarqués de la voiture de demain, ou encore EasyMile qui conçoit des mobilités autonomes électriques tout en étant associée à Alstom. Par ailleurs, "nous recherchons un terrain, à l"image d'une friche industrielle, qui offre un potentiel de croissance et de volume dans la durée, et nous regarderons à la fois les sujets logistiques, la desserte énergétique, ainsi que les bassins de compétence tout en regardant comment s'intégrer dans la stratégie de nos clients, et en particulier les constructeurs automobiles", affirmait récemment à La Tribune pour sa part Benoît Lemaignan, l'un des fondateurs de Verkor et ingénieur pour Airbus par le passé.

Dans ce sens, les élus ont dévoilé, le 9 février, lors du conseil d'agglomération de Rodez un site étudié pour l'installation de Verkor correspondant aux critères énoncés par Benoît Lemaignan. "Le projet d'installation concernerait une zone à l'Ouest de Bel Air et du Trauc, pour une superficie d'environ 150 ha. Cette superficie est nécessaire pour installer des bâtiments de production industrielle sur une emprise foncière d'environ 1 km par 1,5 km. Ainsi, pour prendre en compte le développement de cette future activité, il est nécessaire de réviser le Schéma territorial des infrastructures économiques (STIE, ndlr) sur le secteur Ouest en agrandissant le focus sur le potentiel foncier de la zone de Bel Air", peut-on lire dans le compte-rendu de l'assemblée. Néanmoins, certaines difficultés demeurent.

gigafactory Rodez

Entouré d'un trait noir, la potentielle zone d'implantation de Verkor et une zone d'extension possible, identifiées par les élus de Rodez (document produit par Rodez Agglo).

"Les terrains visés appartiennent à des agriculteurs, qui ne sont pas vendeurs et ils sont en zone agricole et donc non constructibles. De plus, il reste également à régler la question de la puissance électrique et du débit d'eau nécessaire pour une telle activité. Cela passe par une modification du Plan local d'urbanisme, avant une expropriation et rien que toute la procédure administrative prend quatre ans, c'est un coup politique !", pointe du doigt un acteur local proche du dossier.

D'ailleurs, l'assemblée des élus de l'agglomération le reconnaît dans son rapport de séance. "La teneur et l'ampleur du projet ne peuvent s'anticiper et aucune zone constructible ne permet de recevoir une telle entreprise. En conséquence, les documents réglementaires en vigueur sur le territoire ne sont pas adaptés", concèdent-ils. Par ailleurs, l'absence d'une autoroute jusqu'à Rodez pourrait être préjudiciable au territoire dans ce projet, tout comme le fait de ne pas avoir une infrastructure ferroviaire en mesure d'accueillir des convois industriels. Plusieurs aspects qui auraient, selon nos informations, conduit Verkor à retirer Rodez de cette short-list pour sa future gigafactory. Ainsi, l'emplacement ruthénois ne ferait pas partie des sept derniers sites retenus, tous français. Une mise de côté que ne veut pas commenter pour le moment la startup... Quoi qu'il en soit, le lieu d'implantation doit être arrêté en juin 2021.

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Commentaire 1
à écrit le 17/02/2021 à 16:34
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Si c'est pas à rodez, pourquoi pas à decazeville l'installation de cette usine de batterie.

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