Comment le ballon manoeuvrant BalMan, développé à Toulouse, va révolutionner les pratiques dans la stratosphère

À Toulouse, le Cnes et son partenaire industriel Hemeria Airship (anciennement Cnim Air Space) développent un ballon manoeuvrant, le ballon BalMan. L'enjeu ? Doter la France d'un ballon stratosphérique capable de survoler une même zone géographique donnée sur une période voulue, plutôt qu'être dépendant des vents pour se déplacer. La Direction générale de l'armement (DGA) pousse pour voir ce projet aboutir dès 2025.
Le premier lâché du ballon manoeuvrant BalMan, développé à Toulouse, pourrait intervenir en 2024.
Le premier lâché du ballon manoeuvrant BalMan, développé à Toulouse, pourrait intervenir en 2024. (Crédits : Hemeria)

Nom de code ? BalMan. « C'est un projet qui nous occupe beaucoup en ce moment », confie Vincent Dubourg, le directeur de la division ballon du Cnes. Les forces vives de son équipe composée de 55 personnes, réparties entre les sites de Toulouse et d'Aire-sur-l'Adour (Landes) où se trouve une plateforme de tests, sont concentrées sur ce projet Balman depuis plusieurs mois car les enjeux associés sont importants.

Derrière ce nom original, le CNES a la volonté de mettre au point un ballon manoeuvrant. Pour le moment, il existe deux types de ballons stratosphériques. Il y a les ballons pressurisés stratosphériques, qui peuvent rester six à neuf mois dans l'atmosphère, et les ballons stratosphériques ouverts (à l'image d'une montgolfière) qui eux se maintiennent quelques heures à une altitude maximale de 45 kilomètres. Seulement, l'un comme l'autre sont dépendants des vents dans leurs mouvements. Avec ce nouveau type de ballon manoeuvrant, la volonté du Cnes est de contrôler cette dépendance et d'en faire une force pour contrôler la direction du ballon stratosphérique.

« Aujourd'hui, nous n'avons pas cet objet qui ne bouge pas. L'idée est donc d'avoir la capacité de rester au-dessus d'une zone géographique déterminée, à plusieurs dizaines de kilomètres d'altitude, bien plus longtemps que peut le faire un ballon dérivant, un avion voire un drone », commente Vincent Dubourg.

Cnes Ballon

Vincent Dubourg, le directeur de la division ballon au sein du Cnes dispose de deux sites pour faire aboutir ses différents chantiers (Crédits : Rémi Benoit).

Un savoir-faire unique en Europe

Dans cette aventure, le CNES s'appuie sur les compétences de la société toulousaine Cnim Air Space, par l'intermédiaire d'un contrat de R&D signé dans le cadre du plan France Relance. Mais l'entreprise a été rachetée tout récemment par le groupe Hemeria, en raison de difficultés financières, et son savoir-faire est désormais absorbé dans la filiale Hemeria Airship.

Lire aussiSpatial : Hemeria rachète Cnim Air Space et ses ballons stratosphériques

C'est une reprise (voire un sauvetage) importante puisque cette entité est la seule capable en Europe de produire l'un des éléments clés de ce futur ballon manoeuvrant, la membrane qui produit la forme du ballon. D'autant plus que BalMan sera tout d'abord  un bi-ballon.

« Il sera constitué d'un ballon pressurisé lobé rempli d'air, d'un diamètre de de l'ordre de 20 mètres, et contenant un ballonnet d'hélium, capable d'excursions verticales commandées entre 16 et 22 kilomètres », précise le Cnes.

Pour ce faire, Hemeria et son partenaire institutionnel misent sur la présence d'un compresseur à bord, qui permettra au ballon de descendre en aspirant de l'air étant plus lourd, ou de remonter - en expulsant de l'air - car plus léger. Ce compresseur sera alors piloté à distance et depuis le sol par un opérateur. De plus, il utilisera la direction des vents de la stratosphère pour se déplacer vers la zone géographique donnée. Devant de telles capacités, « la Direction générale de l'armement (DGA) pousse pour voir le projet aboutir », admet Caroline Laurent, la directrice des systèmes orbitaux et des applications au Cnes.

Au-delà des marchés de la défense et de la surveillance, des applications autour de la météorologie, l'observation de la terre, et des sciences dans leur ensemble pourraient trouver un intérêt en cette future technologie du ballon manoeuvrant.

« Aujourd'hui, Hemeria Airship, c'est 10 millions d'euros de chiffre d'affaires et 70 salariés. Nous espérons doubler les équipes et le chiffre d'affaires d'ici deux à trois ans face à la demande prévue et l'attrait autour du ballon manoeuvrant », projette Nicolas Multan, le CEO de Hemeria.

Un premier lâché captif au début de l'année 2024 ?

Pour doter la France de cet atout stratégique, qui renforcerait encore plus sa position de nation leader sur les ballons stratosphérique, le contrat passé entre le Cnes et Cnim Air Space avait permis de débloquer cinq millions d'euros de la part de France Relance pour enclencher le développement du produit, somme à laquelle il faut y ajouter un investissement financier de l'entreprise.

« Nous allons poursuivre le projet BulMan avec des fonds du programme 191 du Cnes qui est un programme de recherche duale (civile et militaire), mais aussi avec des fonds de la DGA », précise Caroline Laurent, qui estime qu'un tel ballon coûtera quelques centaines de milliers d'euros l'unité au maximum en fonction du poids de la charge utile.

Cnes

Au sein du site de Toulouse, le Cnes développe les nacelles dans lesquelles les charges utiles sont tractées par les ballons (Crédits : Rémi Benoit).

 Après avoir qualifié les systèmes de la technologie, le Cnes et ses partenaires comptent réaliser début 2024 le premier lâché captif jusqu'à 300 mètres d'altitude, c'est-à-dire attaché à sa rampe de lancement, sur son site d'Aire-sur-l'Adour, afin de valider les procédés de lâché de ce ballon BalMan. Quant à la première mise au plafond, à 20 kilomètres d'altitude, devrait se dérouler fin 2024. « Suite à notre campagne de tests, nous espérons mener la première campagne de vols dès 2025 voire 2026 pour nos clients de la défense et 2028 à 2030 pour des usages scientifiques », conclut la directrice des systèmes orbitaux et des applications au Cnes.

Lire aussiSpatial : Hemeria Airship remporte un contrat majeur pour les ballons de Flying Whales

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 12/05/2023 à 13:40
Signaler
Ne pas espérer le vendre sur le marché chinois... ils ont déjà ce qui leur faut !

à écrit le 12/05/2023 à 10:53
Signaler
Ce ballon stratosphérique qui ne bouge pas ne pourrait-pas servir dans l'observation et la prévention des incendies?

le 12/05/2023 à 14:28
Signaler
Ou remplacer les câbles sous-marins transatlantiques en cas de coupure "accidentelle". Pour maintenir une liaison entre la Métropole et la Polynésie, il faudrait aligner une grosse dizaine de ballons, avec les Antilles Françaises à mi-distance.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.