Alors que la majorité des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont générées par les mobilités pour près de deux tiers, derrière, c'est bien le logement qui est "l'activité" la plus polluante. Dès lors, dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de l'environnement, le gouvernement français a mis sur pied la RE 2020, la future réglementation environnementale du BTP, présentée en novembre 2020.
Ces futures obligations imposent aux professionnels de la construction neuve de recourir à des matériaux et à des modes constructifs qui peuvent stocker le carbone. Par exemple, les matières biosourcées, d'origine renouvelable (biomasse), végétale (bois) ou animale. "L'idée est de limiter l'émission de carbone d'un bâtiment dans sa phase de construction, mais aussi pendant son exploitation, par le choix des matériaux notamment. La RE2020 prend également en compte le confort d'été (température intérieure l'été sans avoir recours à la climatisation, ndlr)", commente Stéphane Aubay, le président de la fédération des promoteurs immobiliers en Occitanie.
Hausse des prix de l'immobilier neuf ?
Dans cette région où la demande en logements neufs est forte en raison de l'arrivée de 55.000 habitants nouveaux chaque année, selon les dernières statiques de l'Insee, ces nouvelles règles du jeu ont du mal à passer. "La RE2020 va surenchérir les coûts de production de 10 à 20% ! Au bout d'un moment, nous allons avoir du mal à joindre les deux bouts", commente sur un ton agacé Pierre Aoun, le directeur général de LP Promotion, qui doit déjà faire face à une chute drastique de la délivrance des permis de construire depuis le début de la crise sanitaire.
"Indirectement, nous serons aussi touchés par cette nouvelle législation, et notamment nos acteurs du génie civile... Mais notre priorité reste de remplir le carnet de commandes", balaie Frédéric Charmasson, le président délégué de la fédération d'Occitanie des travaux publics, confronté quant à lui à une baisse de l'investissement public dans la région, le principal client de la filière. Pourtant, les conséquences financières pourraient être non négligeables à terme sur le secteur de l'immobilier.
"Selon des études demandées en interne à mes cabinets d'études, la RE2020, en l'état actuel, pourrait causer un surcoût TTC d'environ 200 euros par mètre carré. Aujourd'hui, un bâtiment neuf consomme entre 55 et 60 kWh par mètre carré, chaque année. Avec les nouvelles règles, on devrait réussir à diminuer de 30% la consommation énergétique des futurs bâtiments. Mais ces derniers kilowatt-heures sont les plus difficiles à aller chercher et donc les plus chers", explique Stéphane Aubay, aussi président du promoteur GreenCity Immobilier.
Une mise en application reportée ?
Ce dernier, tout comme Pierre Aoun, craignent que ces nouvelles contraintes ne se répercutent sur le prix de vente des futurs logements immobiliers, sans dispositif fiscal ou financier instauré par l'État, prochainement. Néanmoins, cela n'empêche pas certains de se projeter vers cette optique réglementaire.
À proximité de Toulouse, sur la commune de Cornebarrieu (Haute-Garonne), GreenCity Immobilier va lancer au cours du premier semestre 2021 le programme "Carré Flore", qui comprendra 91 logements à faible empreinte carbone et énergétique. En ayant notamment recours à 53% à des matériaux bio-sourcés, selon les chiffres avancés par le promoteur, la consommation énergétique sera diminuée de - 76% par rapport à un programme immobilier classique et aux mêmes caractéristiques. Une démarche que le conseil régional d'Occitanie a subventionné à hauteur de 2,5 millions d'euros, dans le cadre de son appel à projet "bâtiments NoWatt", pour une facture totale évaluée à 17,6 millions d'euros.
Si la livraison de ce programme est fixée au premier semestre 2023, la RE2020 devrait déjà être en vigueur d'ici là. Initialement prévue au 1er juillet 2021, la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, s'est dite ouverte à "des ajustements sur les délais" de son application face aux remous créés par ce projet au sein du secteur immobilier. La date du 1er janvier 2022 est donc désormais évoquée. "Quoi qu'il en soit, avec la RE2020, il y aura une période compliquée au démarrage, mais cette démarche s'inscrit dans le bon sens. Seulement, elle va pousser les industriels à faire évoluer leurs matériaux et de nouveaux isolants pourraient arriver sur le marché", déclare Stéphane Aubay qui se veut optimiste. D'ailleurs, le groupe LafargeHolcim vient d'investir trois millions d'euros sur son site de Toulouse afin de proposer à ses clients des bétons "bas carbone".
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