Forum zéro carbone : les villes confrontées au défi de la sobriété

Face à la crise énergétique, les villes sont contraintes à accélérer leur transition. Un thème au coeur des débats du Forum Zéro Carbone organisé le 14 octobre à Toulouse. Au-delà des initiatives des collectivités, des solutions portées par des entrepreneurs émergent pour gagner en efficacité énergétique.

"Je ne crois pas que les automobilistes qui font en ce moment la queue pour accéder aux stations essence sont contre le climat. C'est seulement qu'il n'existe pas aujourd'hui de solution de substitution. Dans une transition écologique juste, il faudrait que chaque citoyen ait la possibilité de se déplacer de manière décarbonée dans un rayon de 50 à 200 km autour de chez lui. Nous avons affaire à un problème systémique et il ne faut pas laisser tomber les territoires autour des villes", a plaidé Nadia Maïzi, professeur à Mines Paris-PSL et co-auteure du 6ème rapport du GIEC en ouverture du Forum Zéro Carbone organisé ce vendredi 14 octobre à Toulouse.

Sobriété et optimisation énergétique

Entre les conséquences de la guerre en Ukraine, l'urgence climatique et le fait qu'il ait suffi de six raffineries en grève pour qu'un tiers des stations-service en France se retrouvent en pénurie de carburant, la question de l'adaptation de nos sociétés face à une nouvelle donne énergétique n'a jamais été autant d'actualité.

La métropole toulousaine se prépare à ces nouveaux enjeux et a annoncé le 13 octobre 25 mesures pour répondre à la crise énergétique : chauffage à 19°C dans les bâtiments de la métropole y compris les écoles (excepté les crèches et les EHPAD, baisse de la température de 1°C dans les piscines, extinction de l'éclairage public à partir de minuit, équipement des éclairages du Stadium en LED, construction de 19 bâtiments à énergie positive d'ici à 2026... Dans une perspective d'adaptation plus globale au changement climatique, Jean-Luc Moudenc met en avant le plan Climat Air Énergie lancé dès 2017, l'instauration d'un plan vélo et de futures mesures "de rafraîchissement de la ville dès l'été 2023 pour atténuer les effets des canicules".

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Des solutions émergent aussi parmi les entrepreneurs. La société toulousaine Solar Paint a mis au point une peinture réfléchissante de couleur blanche à appliquer sur les toits pour limiter l'impact de la chaleur. "Cela fait des millénaires que les Grecs appliquent sur les maisons de la chaux blanche, nous avons remis au goût du jour cette solution en France. Cela permet de diminuer de 5 à 8°C la température à l'intérieur du bâtiment et de réduire de 15 à 20% la facture énergétique en utilisant moins de climatisation", explique Michel Rouault, CEO de Solar Paint. Avant d'ajouter : "C'est une solution complémentaire avec des panneaux solaires. Au-delà d'une certaine température extérieure, ces derniers ne peuvent plus produire. En combinant les pannneaux photovoltques avec notre peinture on gagner 10% de production électrique.

De son côté, Damien Notin, le directeur de cabinet à la délégation régionale d'EDF
en Occitanie, cite l'exemple du site de Thales à Portet-sur-Garonne qui a installé sur ses parkings des ombrières photovoltaïques. "L'énergie produite est autoconsommée en intégralité et permet de réduire leur facture énergétique de 15%, chose qu'ils ne regrettent pas aujourd'hui", fait-il remarquer.

Une optimisation énergétique qui sera cruciale face aux besoins attendus dans les prochaines décennies. "Le gouvernement a fixé pour objectif de baisse de 40% notre consommation énergétique d'ici 2050 alors que nos scénarios prévoient plutôt une augmentation des besoins de 35% à la même échéance. Il y aura 17 millions de véhicules à électrifier d'ici 2035", rappelle Stéphane Lesenechal, directeur territorial d'Enedis en Haute-Garonne.

Construire autrement

Au-delà des enjeux énergétiques, se pose aussi la question de la construction dans les villes. "30% de l'empreinte carbone est due au secteur du bâtiment. C'est considérable", a rappelé l'ancien député Cédric Villani.

Un constat que ne nie pas Antoine Lebrun, directeur RSE, organisation et transformation de LP Promotion : "Les méthodes traditionnelles de construction sont très carbonées. Et quand on me dit que cela revient plus cher de faire autrement, il faut aussi s'interroger sur le coût de ne pas changer de méthodes. Ces derniers mois, des usines de carrelage ont dû fermer face à l'explosion de leur facture de gaz, 60% de l'acier utilisé pour construire passe par la Chine..." Le directeur note également qu'on sait aujourd'hui fabriquer des maisons sans chauffage ou climatisation mais que pour une demande de prêt, la banque ne regarde aujourd'hui que le coût du logement et pas les économies générées par le bâtiment.

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Le futur des villes pourrait aussi passer de nouveaux processus pour loger les habitants. Sans expérience notable dans la construction, Cyril Moussard a fondé en 2012 la société ModuleM spécialisée dans la construction hors site depuis son usine toulousaine. L'entrepreneur dit s'inspirer des techniques de l'industrie aéronautique pour gagner en qualité dans le secteur du bâtiment. "On construit de la même manière depuis 50 ans et on a même régressé dans la qualité par rapport au passé. Même constat sur la productivité, où toutes industries confondues celles-ci ont augmenté la leur de 200% tandis que le bâtiment a vu la sienne régresser de 8% sur les vingt dernières années. Le taux de sinistralité a quant à lui bondi de 60% sur les cinq dernières années aussi lors des chantiers qu'après la livraison du produit, selon la SMABTP", pointe-t-il.

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Cela suffira-t-il ? Pas pour le collectif Scientifiques en rébellion qui a fait irruption sur scène lors du forum plaidant "pour une rupture" : "plus elle tarde plus elle sera subie". Encore faudra-t-il convaincre les citoyens. "L'acceptabilité sociale des mesures est fondamentale", glisse François Chollet pour sa part, vice-président de Toulouse Métropole, en charge de l'instauration d'une zone à faibles émissions dans la Ville rose, une mesure qui a fait par exemple l'objet d'un recours des motards.

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