Comment le fonds de soutien à l'aéronautique va participer à la consolidation de la supply chain

Face à une crise aéronautique sans précédent, le fonds ACE Aéro Partenaires lancé cet été a vocation à soutenir les sous-traitants aéronautiques en difficulté en apportant des fonds propres. Dans une interview à La Tribune, Erwin Yonnet membre du directoire d'ACE Management, structure présidée par Marwan Lahoud qui gère ce fonds d'urgence, détaille quelles sont les entreprises ciblées et la nouvelle consolidation à l'oeuvre dans la supply chain.
Erwin Yonnet, managing partner chez Ace Management, détaille les enjeux du fonds d'urgence pour soutenir la filière aéronautique.
Erwin Yonnet, managing partner chez Ace Management, détaille les enjeux du fonds d'urgence pour soutenir la filière aéronautique. (Crédits : Rémi Benoit)

La Tribune : Pouvez-vous rappeler l'état d'esprit du fonds ACE Aéro Partenaires et de quelle manière interviendra-t-il en soutien à la filière aéronautique?

Erwin Yonnet : ACE Aéro Partenaires représente le volet consolidation et apport en fonds propres du plan national de soutien à la filière aéronautique, filière qui a connu des baisses de chiffre d'affaires très significatives depuis la crise. Ace Aéro Partenaires a pour objectif de renforcer les fonds propres de la filière à la fois pour des entreprises qui ont des besoins de transformation opérationnelle (liés à la crise ou plus structurants face à un nouveau modèle industriel), mais aussi des sociétés qui ont des projets de consolidation, de rachat d'autres entreprises pour atteindre une taille critique. Le fonds est doté dans un premier temps de 630 millions d'euros répartis entre les industriels (Airbus, Safran, Dassault, Thales) à hauteur de 200 millions d'euros, l'Etat via BPIFrance (200 millions d'euros) et Tikehau Capital, notre maison-mère, qui a investi 230 millions d'euros.

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ACE Aéro Partenaires ne pourra pas soutenir toutes les entreprises en difficulté mais cible celles qui sont critiques pour la filière. Comment définissez-vous une entreprise stratégique pour la supply chain ?

C'est une entreprise disposant d'une position de marché en termes de technologie ou de performance opérationnelle (livraison en temps, en heure et en coûts) en ligne avec les attentes des grands donneurs d'ordre. Il s'agit d'entreprises visibles au niveau des grands industriels, et qui, si elles rencontraient des difficultés ou devaient faire l'objet d'appétits étrangers, pourraient préoccuper les industriels de la filière. Nous ciblons des sous-traitants ayant atteint une taille critique suffisante pour être identifiés comme des partenaires de long-terme par les industriels. Nous visons également des entreprises plus petites également critiques en raison d'un savoir-faire particulier, d'une présence dans un marché de niche clé dans la supply chain. Je pense par exemple au traitement de surface ou à la fonderie. Des groupes comme Satys ou encore Tecalemitdont nous sommes partenaires, font partie de ces entreprises stratégiques sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour réaliser de la consolidation.

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Une première étape de consolidation a déjà eu lieu il y a quelques années avec l'émergence de regroupements de sous-traitants comme Nexteam ou Weare group, qui font partie de votre portefeuille au sein d'ACE management. Quelle forme pourrait prendre cette nouvelle restructuration ?

Les fonds historiques Aerofund ont construit le premier étage de la fusée, en facilitant le passage de PME au statut d'ETI. Nous investissions fréquemment dans des entreprises qui réalisaient 30 à 50 millions d'euros de chiffre d'affaires et nous les amenions à franchir un niveau de plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. C'est le cas par exemple de Nexteam ou We are group. Dans le domaine de la peinture d'avions, Satys réalisait 40 millions d'euros quand nous sommes entrés au capital et atteint en 2019 plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. Avec Ace Aéro Partenaires, l'objectif est de parvenir à construire le deuxième étage de la fusée. Il faut que ces entreprises visent des tailles critiques beaucoup plus importantes pour faire face à la concurrence d'acteurs américains ou asiatiques beaucoup plus consolidés. Sur des segments avec des marchés à fort volume, le milliard d'euros peut être une cible à atteindre. Sur d'autres métiers, davantage de niche, l'idée est de créer des acteurs structurants sur leur filière. Nous n'excluons a priori aucun schéma mais serons néanmoins contraints d'être sélectifs.

Dans une interview à La Tribune, Jean-Claude Maillard, le fondateur de Figeac Aéro faisait remarquer que son chiffre d'affaires de 445 millions d'euros est "faible par rapport à la taille du marché". Partagez-vous cette analyse ?

Le marché des pièces élémentaires est encore très fragmenté. D'autres filières sont plus consolidées à l'instar de la filière amont comme celle des métaux. Nous voulons faire en sorte que les PME puissent se consolider entre elles, via pourquoi pas des schémas de rapprochement entre ETI et PME ou entre ETI. L'ambition étant de viser des modèles plus résilients face à des crises.

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Quid de la diversification de la supply chain ?

Il faut aller vers une diversification du portefeuille client en évitant que les entreprises soient trop dépendantes de l'un ou l'autre des donneurs d'ordre. Nous constatons que les entreprises ayant un pied dans l'aéronautique civil et un pied dans l'aéronautique militaire sont plus résilientes. L'entreprise Rafaut, dont nous sommes partenaires, dispose d'activités dans ces deux secteurs et résiste mieux à la crise. Beaucoup d'entreprises de notre portefeuille ont entamé de la même manière cette diversification. C'est le cas de Weare, présent dans l'aéronautique et le médical ou de Satys avec des activités à la fois dans l'aéronautique et le ferroviaire. Je suis plus prudent en revanche quand une entreprise envisage d'aller vers un secteur qu'elle ne connaît pas.

La filière avait beaucoup investi dans l'industrie du futur en automatisant les processus de production en prévision de la montée en cadence des programmes. Ces investissements sont-ils vains ou restent-ils stratégiques ?

La digitalisation et l'automatisation restent des éléments pertinents afin de préparer la reprise, dans un contexte de concurrence mondialisée où les fournisseurs, notamment asiatiques, peuvent proposer de la disposer de la compétitivité coût/main d'œuvre. Il faut que les trésoreries mobilisées pour ces investissements puissent être pérennisées. Les PGE (prêts garantis par l'Etat) ont permis de passer le cap à court-terme. La question est de savoir ce qu'il va se passer d'ici le premier semestre 2021 avec des entreprises qui auront dont les trésoreries auront été assez fortement sollicitéesL'objectif est également d'aider les entreprises de la filière à contribuer, aux côtés des grands industriels, au développement innover vers d'un avion décarboné, dans le cadre d'une approche de solidarité entre les différents maillons de la filière, à la fois au niveau européen, national ainsi qu'à l'échelle des territoires.

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Commentaire 1
à écrit le 25/09/2020 à 11:53
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supply chain, damned ! pourquoi pas la chaine des approvisionnements ? c'est vrai que ca fait ringard en francais dans le texte.

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