Figeac Aéro enregistrait avant la crise un taux de croissance annuel de 17%. Fin août, vous avez engagé un plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoit la suppression de 320 postes dans votre usine principale du Lot, soit un tiers de l'effectif. La survie du groupe est-elle en jeu ?
C'est un crève-cœur. J'ai créé cette entreprise il y a 31 ans, je l'ai fait grandir et je la croyais à l'abri des difficultés. Nous espérons des événements positifs pour réduire la jauge annoncée, mais pour l'heure nous ne les voyons pas arriver. Nous connaissons une baisse d'activité significative et durable. Le taux d'activité remonte tout doucement mais il reste aujourd'hui à 50%. Le PSE fait partie des solutions que nous avons dû engager face à cette baisse d'activité.
Par ailleurs, 600 emplois ont déjà été supprimés dans vos filiales à l'étranger. Le groupe indique que "d'autres mesures sont à l'étude en France et à l'étranger". Cela signifie des fermetures d'usines ? Une relocalisation des activités ?
La fermeture d'usine(s) n'est pas exclue. La relocalisation est une possibilité. Mais il faut garder à l'esprit que nous ne faisons que traverser une crise ponctuelle. Elle sera certes longue mais les affaires vont repartir quand nous retrouverons le niveau d'activité de 2019, probablement en 2024 ou 2025. Il faut que nous soyons prêts quand la reprise sera là. Nous ne pouvons pas décider de fermer une usine quand l'activité baisse et la rouvrir quand l'économie repart. Une fermeture d'usine est souvent définitive. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas imaginer la fermeture de plus d'une usine.
Figeac Aéro annonce vouloir jouer un rôle dans la consolidation de la supply chain. Vous êtes devenu il y a deux ans le premier sous-traitant aéronautique européen en termes de taille. Cela n'est pas suffisant pour tenir dans le contexte actuel ?
Nous sommes devenus le premier sous-traitant européen avec uniquement 440 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ce dernier est relativement faible par rapport à la taille du marché. La mécanique aéronautique, que ce soit les pièces usinées, les pièces de tôlerie ou les sous-ensembles, est un métier très éparpillé avec trop d'acteurs. Alors qu'il existe à l'heure actuelle très peu de fournisseurs de matières premières (moins de cinq pour la production de fixations par exemple), on dénombre plusieurs dizaines de fournisseurs de pièces usinées, de pièces chaudronnées ou de sous-ensembles. Ce n'est pas cohérent.
Les donneurs d'ordre sont tous d'accord pour dire qu'il faut restructurer la supply chain. Cela veut dire laisser disparaître certaines entreprises et en regrouper d'autres. À l'arrivée, les donneurs d'ordre auront moins de sous-traitants.
Des regroupements de sous-traitants sur ce modèle ont déjà vu le jour en France, à l'image de WeAre group ou Nexteam. Pourriez-vous rejoindre un tel regroupement ?
C'est une possibilité. Je ne dis pas que nous allons le faire mais c'est d'actualité. Nous y réfléchissons. Figeac Aéro a déjà acquis une certaine taille critique. Soit nous restons comme nous sommes et nous rejoignons un groupe plus important, soit nous fusionnons avec d'autres sociétés pour constituer une entreprise plus grande. Figeac Aéro a su être fort seul pendant 31 ans. Pour rester forts demain, il faut probablement collaborer davantage avec les autres acteurs de la supply chain d'une manière ou d'une autre.
Avec votre famille, vous détenez 76% du capital de Figeac Aéro. Envisagez-vous l'arrivée de nouveaux investisseurs et à quelles conditions ?
Il faut que la solution ait un sens, que j'adhère au projet industriel, commercial, financier du nouvel actionnaire et nous devons tomber d'accord sur des conditions financières. Les discussions démarrent tout juste. La crise peut être source d'inquiétude pour certains et ralentir des velléités de rapprochements. Chez d'autres, une crise stimule et donne envie de se préparer à la sortie de la crise. J'observe chez Figeac Aéro cette dualité : des acteurs qui auraient pu investir dans Figeac Aéro ne s'y intéressent plus à cause de la crise. Au contraire, des acteurs que ne s'y intéressaient se disent que c'est le moment.
Pourriez-vous vous tourner vers des investisseurs étrangers ?
L'industrie aéronautique est mondialisée depuis plusieurs décennies. Plus de 99% de la production d'Airbus est écoulée hors de France. Nous sommes contents de vendre notre production à l'étranger. Il faudra que nous admettions tous que de belles entreprises françaises peuvent être détenues par des investisseurs français bien sûr mais aussi par des investisseurs étrangers.
Malgré la crise, Figeac Aéro a décroché deux gros contrats. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le premier contrat porte sur la production de pièces élémentaires et sous-ensembles pour les programmes A320, A321 et B787. Il a été signé avec Collins. Ce dernier a regroupé des pièces de sa supply chain américain pour constituer un package et nous avons décroché le contrat en démontrant que nous étions plus compétitifs que nos concurrents américains, le tout en période de crise.
L'autre contrat a été conclu avec Rolls-Royce pour des pièces moteurs complexes du programme A350 qui seront produites dans notre usine du futur de Figeac. Là encore, Rolls-Royce a mondialisé ses achats depuis de nombreuses années. Cela veut dire que Figeac a démontré qu'il pouvait être plus compétitif que des fournisseurs anglais, américains, asiatiques, européens. Gagner un marché chez Rolls-Royce en pleine crise démontre notre grande compétitivité.
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