Aéronautique : comment les PME peuvent-elles se mettre à l'industrie du futur ?

Annoncé au salon du Bourget, le programme Industrie du futur porté par Space et le Gifas prévoit de débloquer 23 millions d'euros pour accompagner 300 PME de la filière aérospatiale vers l'industrie 4.0. Deux entreprises de la région toulousaine qui ont pu tester le dispositif en avant-première témoignent des opportunités mais aussi des freins à engager une telle démarche.
Les robots ont envahi les entreprises aéronautiques depuis quelques années.
Les robots ont envahi les entreprises aéronautiques depuis quelques années. (Crédits : Rémi Benoit)

"Notre activité, le traitement de surface et la peinture de pièces aéronautiques, reste un métier de main d'œuvre, peu automatisé", témoigne Xavier Saux, directeur des opérations chez Mecaprotec. Cette ETI compte 900 salariés répartis entre son siège social basé à Muret, au sud de Toulouse, (550 personnes), un site à Nantes (10 personnes), et un autre en Tunisie (350 collaborateurs). Pour elle, robotiser sa production n'allait pas de soi.

70 PME concernées en Occitanie

Pourtant, Mecaprotec fait partie des sept entreprises en France à avoir pu tester un an avant son lancement le programme Industrie du futur porté par le Gifas (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) et l'association Space. Après deux plans de performance industrielle, ce programme, dévoilé au salon du Bourget et doté de 23 millions d'euros, prévoit d'accompagner 300 PME de la filière aéronautique et spatiale dont 70 en Occitanie vers l'industrie 4.0.

Ces dernières années, de grands noms du secteur comme LatécoèreLiebherr AerospaceFigeac Aéro ont inauguré des usines dotées de fabrication additive et de robots à coups de dizaines de millions d'euros. Mais pour de plus petites entreprises du secteur, dotées de capacités d'investissement moindres, le cap de la digitalisation est loin d'être franchi.

"Toutes les PME doivent penser à la digitalisation et souvent elles sous-estiment les problématiques que cela engendre. Il ne s'agit pas seulement de logiciels mais de changer toute l'organisation du travail. Avec ce programme, nous allons aider ces entreprises à comprendre ce qu'il va falloir acheter comme outils numériques pour que in fine elles soient compétitives et qu'elles remplissent les critères que les grands groupes imposent.

Si ces sociétés ne le font pas, elles seront mises en position de faiblesse et risqueront de disparaître car elles ne seront pas compétitives", alertait en juin dernier Éric Trappier, président du Gifas, interrogé par La Tribune.

Ce programme se déclinera en quatre volets :

"Le Gifas va sensibiliser les PME à l'industrie du futur en leur montrant une vitrine de ce qui est possible avec les technologies. De son côté, Space se charge du deuxième volet qui consiste à établir un diagnostic et une feuille de route de la mise en place de solutions 4.0. Il s'agit notamment d'évaluer ce que rapporte pour une entreprise telle innovation mais aussi de les former au changement.

Ensuite, Boost Aerospace (plateforme numérique aéronautique européenne, ndlr) va accélérer la continuité numérique dans la filière en intégrant dans les PME la plateforme Air Supply (créée pour partager à la supply chain les informations concernant les commandes et livraison, ndlr). Elle se charge aussi d'un volet pour renforcer la cybersécurité des entreprises", détaille Christophe Cabaret, directeur des opérations chez Space.

Lire aussi : Industrie du futur : le Gifas lance un plan à 22 millions d'euros pour les PME

Comment automatiser sur de petites séries ?

De son côté, Mecaprotec va profiter de ce programme pour étudier l'automatisation d'une nouvelle partie de ses activités.

"Pour le moment, dans le traitement de surface nous robotisons seulement l'immersion des pièces dans les bains. Nous avons aussi testé sur l'application de la peinture. Mais sur de petites séries où il n'y a pas de modèle reproductible, c'est difficile. Nous traitons 20 000 pièces par jour avec 1 000 références différentes, décrit Xavier Saux. Avec le programme Industrie du futur, nous étudions l'automatisation d'une étape entre deux opérations d'usinage, le détourage manuel qui mobilise 10 personnes."

Mais si la robotisation pourrait en théorie rapporter des gains de productivité importants, l'ETI a été confrontée à des freins insoupçonnés. Un des clients destinataires des pièces a d'abord refusé le processus et puis la question s'est posée de la confidentialité de cette innovation qui lui permet de se différencier des entreprises concurrentes du même segment. Mecaprotec (44 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018) a prévu d'engager 150 000 euros pour continuer à évaluer la pertinence de robotiser cette activité.

Autre configuration chez Gillis Aerospace, TPE de 40 salariés, basée dans le Tarn-et-Garonne et spécialisée dans la fabrication de fixations et de vis aéronautiques.

"Nous avons des robots depuis trois ans pour charger et décharger les pièces. Avec le programme industrie du futur, nous allons engager 25 000 euros pour améliorer le temps d'utilisation de ces robots. Pour le moment, le robot se déplace sur un itinéraire pour récupérer les pièces mais nous voulons tester une configuration où les machines seraient directement en face de chaque poste de travail", avance Serge Dumas, directeur général de la société.

Avant de préciser : "Nous allons engager une étude pour évaluer les problématiques de robotisation, de digitalisation, de cybersécurité mais aussi au niveau des ressources humaines. Il faut sensibiliser les opérateurs et les chefs d'équipe pour qu'ils portent le projet".

Après ces premiers retours sur les projets pilotes, le programme va réellement débuter à partir de l'automne dans les différentes régions. "En Occitanie, nous allons commencer avec une première vague de cinq à six entreprises au mois de décembre 2019", conclut Ana Munoz, responsable du projet au sein de Space.

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