« Il était enfin temps d'installer l'imprimante 3D Métal dans le module Columbus », annonce l'astronaute danois Andreas Mogensen le 1er mars dernier sur les réseaux sociaux. Il aura fallu quatre heures à l'astronaute de l'agence spatiale européenne pour fixer la machine de 180 kg dans le compartiment dédié au coeur du module Colombus, le laboratoire européen de la station spatiale internationale où sont concentrées toute une série d'expériences menées en microgravité.
Cette imprimante 3D développée depuis Toulouse par Airbus Defence & Space pour le compte de l'ESA et opérée par le Cadmos (la structure du CNES chargée d'organiser les missions spatiales habitées) est en passe dans les prochaines semaines de devenir la première au monde à fabriquer des pièces métalliques en orbite.
Dès 2014, l'astronaute américain Barry Wilmore avait réalisé la première impression 3D d'un objet plastique en apesanteur. Il avait produit un outil nécessaire à sa mission dans la station spatiale internationale grâce à une machine développée par la startup Made in Space. « Mais ce sera la première fois au monde qu'une telle impression 3D métal est réalisée en microgravité. Imprimer des pièces en métal en orbite permet d'imaginer la fabrication de pièces structurelles en orbite puisque le métal à la différence du plastique permet de résister à des efforts », souligne Gwenaëlle Aridon responsable du département projets avancées et robotique.
Challenges techniques
Microgravité oblige, il était impossible d'imprimer en 3D via le dépôt d'une poudre qui se serait immédiatement dispersée. À la place, c'est un laser qui chauffe un fil d'acier inoxydable à une température de 1.500°C pour le faire fondre. Ce procédé soulève plusieurs challenges techniques. « En chauffant à une telle température, le risque est que le laser fasse aussi fondre des pièces à proximité. C'est la raison pour laquelle, l'imprimante 3D est placée dans un coffre-fort », avance Sébastien Girault, ingénieur système de l'imprimante 3D au sein d'Airbus.
Avant d'ajouter : « L'autre risque est la toxicité. Faire fondre du métal génère des vapeurs qui peuvent être toxiques. Nous avons mis en place un système de filtration de l'air de manière à ce que 99,99% des polluants émis soient capturés. Les astronautes pourront ouvrir la boîte quand l'impression est finie sans danger. »
Une technologie de pointe développée par Airbus avec le fabricant clermontois d'imprimantes 3D AddUp, la startup High Ftech pour l'étanchéité du coffre-fort et l'université de Cranfield, spécialiste des lasers.
40h d'impression
De son côté, le Cadmos va piloter depuis Toulouse les opérations de fabrication menées dans l'ISS.
« La première impression de six éprouvettes, qui commencera le mois prochain, devrait prendre cinq semaines. Il existe des contraintes de bruit notamment qui nous limitent à 4 h d'impression par jour à bord de la station. Nous allons scruter couche après couche si les pièces sont bien imprimées et éviter un effet Tour de Pise », décrit Nicolas Sprenger, responsable des applications technologiques du Cadmos.
De premières pièces en métal de quelques centimètres de longueur vont être imprimées en 3D depuis l'ISS. (Crédits : ESA)
D'ici la fin de l'année, l'objectif est de fabriquer trois autres types de pièces métalliques avec un volume total de 40 heures d'impression. Pour le moment, l'imprimante peut déposer de la matière métallique sur un cylindre de 5 cm de diamètre. Elle peut ensuite reculer au sein du coffre-fort pour imprimer en profondeur et aller jusqu'à des pièces de 9 cm de long, soit l'équivalent d'une canette de soda. Les astronautes n'ont besoin d'intervenir uniquement pour récupérer la pièce une fois la fabrication terminée.
Vers la fabrication autonome sur la Lune
Le démonstrateur doit constituer une première étape dans la production de pièces de plus en plus grandes et sophistiquées en orbite. Au-delà d'une meilleure connaissance des effets de la microgravité, cette expérimentation pose des bases vers la fabrication dans l'espace.
« Beaucoup de démonstrations sont prévues dans les années à venir pour réaliser des services en orbite par exemple pour étendre la durée de vie des satellites (notamment via le ravitaillement de carburant, ndlr). L'étape suivante sera d'utiliser des moyens robotiques pour assembler de grandes structures en orbite. Airbus compte mener une démonstration avec un bras robotique en 2027. La phase ultime est la fabrication autonome depuis l'espace sans engin robotique », développe Gwenaëlle Aridon.
Une fabrication autonome indispensable dans la perspective de futures missions lunaires. « L'idéal pour nous, ce serait de pouvoir recycler les matériaux disponibles sur place dans une approche circulaire. On pourrait réutiliser des composants en fin de vie issus de rovers, de cargos ou des pièces métalliques diverses. En extrayant, l'oxygène de la régolithe (poussière présente sur la Lune), on obtient une poudre résiduelle qui peut être utilisée pour une impression », conclut l'ingénieure.
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