La course à l'aviation à hydrogène s'accélère. A l'été 2022, le Singapourien H3 Dynamics, qui dispose d'un pôle R&D à Toulouse, réalisait en France le premier vol d'un drone cargo de 25 kg équipé de son système de propulsion à hydrogène. A l'automne dernier, Airbus faisait décoller le planeur Blue Condor avec de l'hydrogène au-dessus du Nevada, aux Etats-Unis. Ce mardi, la startup toulousaine Beyond Aero annonce avoir réalisé « le premier vol habité entièrement à l'hydrogène et à l'électricité en France » à bord d'un ULM du constructeur G1.
La société a réalisé un rétrofit de cet avion ultra-léger sur lequel a été intégrée une chaîne propulsive de 85 kilowatts, composée d'un moteur électrique alimenté par une pile à combustible à hydrogène mais également des batteries.
La chaîne propulsive avait été testée au sol au printemps dernier, depuis les locaux de la startup à l'aéroport Toulouse-Francazal. (Crédits : Frédéric Scheiber)
Trois ans après sa création, Beyond Aero vient de boucler une campagne complète d'essais en vol depuis l'aérodrome de Gap Tallard (Hautes-Alpes) avec dix décollages dont deux vols complets, avec un ratio d'hybridation de deux tiers d'hydrogène gazeux pour un tiers de batteries.
« Nous venons de clore un premier chapitre de l'histoire de l'entreprise. C'est important pour l'entreprise, mais aussi à l'échelle de l'industrie puisque si des avions électriques commencent à se développer, c'est le premier vol d'un avion en France avec de l'hydrogène. Nous sommes fiers de montrer que la France, qui a été pionnière dans toute l'histoire de l'aviation, continue de l'être encore aujourd'hui », réagit auprès de La Tribune Eloa Guillotin, directrice générale de Beyond Aero.
Interrogé mi-février, lors des résultats annuels d'Airbus, sur ces nouveaux projets d'avions à hydrogène, le patron du géant aéronautique Guillaume Faury avait déclaré : « Nous sommes heureux de voir de nouveaux acteurs entrer sur le terrain de l'hydrogène. Cela permet de casser le syndrome "cela ne marchera jamais" et démontre qu'il est sérieux et possible de faire voler des avions à l'hydrogène », a ajouté le dirigeant, alors que le constructeur compte faire voler un avion à l'hydrogène en 2035.
Un avion d'affaires « avant 2030 »
Après l'envol de cet ULM, Beyond Aero va désormais se concentrer sur le développement de son projet phare, la création d'un avion d'affaires électrique à propulsion hydrogène. Lors du dernier salon du Bourget, la société avait présenté un teaser de One, un aéronef qui pourra accueillir quatre à huit passagers et voler à 575 km/h et jusqu'à 1.500 km. L'appareil sera doté de deux moteurs électriques alimentés par une pile à combustible à hydrogène fournissant une puissance mécanique d'un mégawatt.
Beyond Aero développe un avion d'affaires électrique à propulsion hydrogène. (Crédits : Beyond Aero)
Pour le moment, la startup ne se risque pas à annoncer de calendrier précis pour la mise en service de son avion, se fixant seulement une échéance « avant 2030 ». Le design de l'appareil pourrait connaître des évolutions dans les prochains mois mais une chose est sûre, il fera moins de 8,6 tonnes, ce qui permettra à la société de viser la certification CS 23.
Décarboner l'aviation d'affaires
Beyond Aero cible dans un premier temps les vols d'affaires car c'est le segment où elle estime que « la nécessité d'alternatives décarbonées est la plus forte : en moyenne 10 fois plus émettrice par passager que l'aviation commerciale ». La société identifie en priorité le marché européen pour effectuer des liaisons entre Paris, Londres, Genève, Nice voire Berlin ou Milan. Sur ce segment, la société affirme ne pas avoir « de concurrence frontale ».
La startup fait partie des neuf projets sélectionnés dans l'appel à projets France 2030 sur la production d'aéronefs bas carbone, doté de 49 millions d'euros et annoncé en juin dernier par Emmanuel Macron. Parmi les autres lauréats, figure notamment la société Blue Spirit Aero, en train de développer un premier prototype d'aéronef à hydrogène de quatre places appelé à faire son premier vol d'essai fin 2024, avant l'étape de la certification prévue pour 2026. Ce dernier veut contribuer au renouvellement de la flotte d'avions qui équipent les aéroclubs.
Pour sa part, Eloa Guillotin affirme totaliser « pour 580 millions de dollars de lettres d'intention, ce qui correspond à 72 avions ». La startup a levé 24 millions d'euros depuis sa création et prépare un nouveau tour de table. L'entreprise compte 35 collaborateurs et aimerait recruter 20 personnes supplémentaires.
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