Spatial : Aiko et Pangea veulent créer le premier système européen de propulsion chimique autonome

Face à la prolifération d'objets en orbite, l'évitement des collisions pourrait passer par l'intelligence artificielle. À Toulouse, l'Italien Aiko, spécialisé dans les logiciels d'intelligence artificielle pour l'industrie spatiale et l'Espagnol Pangea Aerospace qui développe un moteur réutilisable utilisant des carburants verts viennent de s'allier pour créer le premier système européen de propulsion chimique autonome. À la clé, des gains de rentabilité, des économies de carburant et un allongement de la durée de vie des satellites.
Depuis Toulouse, Aiko et Pangea Aerospace veulent créer le premier système européen de propulsion chimique autonome.
Depuis Toulouse, Aiko et Pangea Aerospace veulent créer le premier système européen de propulsion chimique autonome. (Crédits : Pangea Aerospace)

L'espace n'a jamais été aussi encombré. D'après l'Agence spatiale européenne, 36.000 débris de plus de dix centimètres gravitent en orbite. Cette prolifération d'objets en orbite n'est pas près de s'arrêter avec l'augmentation exponentielle d'objets en orbite et les projets de méga-constellations. Elon Musk veut à lui seul envoyer 42.000 satellites pour sa constellation Starlink. De quoi rendre de plus en plus ardu la gestion du risque de collision en orbite.

« On pourrait atteindre 2.500 satellites lancés par an à l'horizon 2030. Et encore, c'est sans compter les dernières annonces de méga-constellation de la Chine. Le nombre de manœuvres à réaliser régulièrement devient colossal. Starlink a annoncé avoir fait 25.000 manœuvres entre entre décembre 2022 et mai 2023 », lance Aurélie Baker, responsable de la nouvelle entité d'Aiko en France au cours de l'événement Future intelligence organisé ce mardi 7 novembre à Toulouse. À ses côtés, Marie-Laure Gouzy, à la tête de Pangea Aerospace France abonde :

« Nous ne sommes pas loin d'atteindre le seuil critique du nombre d'objets en orbite à partir duquel nous ne pourrons plus opérer manuellement les satellites dans des conditions correctes d'efficacité et de sécurité. Il faut vraiment changer de paradigme. Et pour nous, la clé de ce changement, c'est clairement l'intelligence artificielle. »

Raison pour laquelle l'Espagnol Pangea Aerospace, qui développe un moteur réutilisable utilisant des carburants verts ainsi qu'un système de propulsion innovant pour les microlanceurs, et l'Italien Aiko, spécialisé dans les logiciels d'intelligence artificielle pour l'industrie spatiale, ont signé à Toulouse un accord de partenariat pour créer le premier système européen de propulsion chimique autonome.

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Agir en temps réel face au risque de collision

« L'idée est de s'appuyer sur des catalogues de débris réalisés par exemple par des entreprises comme Look Up Space et les prévisions de leur trajectoire pour établir avec à l'aide d'algorithmes d'intelligence artificielle un plan de manœuvre du satellite. C'est valable pour l'évitement de collision mais aussi pour le maintien à poste du satellite qui est attiré en permanence par la gravité », développe Aurélie Baker. La startup a aussi l'intention de s'appuyer sur l'algorithme développé par des chercheurs toulousains du LAAS-CNRS pour calculer de manière à la fois fiable et rapide le risque de collision en orbite. Aujourd'hui, il faut attendre que les données de position du satellite descendent au sol et les opérateurs peuvent baser leurs décisions sur des informations qui ont potentiellement plus de 24h, voire 48h.

Avec l'autonomisation des manoeuvres en orbite, l'action d'évitement pourrait être déclenchée quasiment en temps réel depuis le satellite qui connaît en permanence sa position.

« Cela permet d'agir sans avoir besoin d'autant de ressources humaines. C'est important parce que les salles d'opération telles qu'on les voyait il y a quelques années, avec des contingents de personnel qui fourmillent ne sont plus du tout une réalité. Aujourd'hui, on mobilise une personne dans la salle d'opération. Et avec l'explosion du nombre d'objets en orbite, le risque c'est qu'à un moment donné, il n'y ait pas assez de capacité pour appuyer sur le bouton au bon moment et éviter la collision », avance Marie-Laure Gouzy.

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Des économies de temps et de carburant

Outre cet impact en matière de ressources humaines, l'autonomisation des manoeuvres pourrait générer des gains économiques substantiels. « Lors d'une manœuvre, le satellite n'est pas disponible pour réaliser ses opérations courantes et donc l'opérateur perd de l'argent. La décision en temps réel directement à bord du satellite va permettre d'économiser des coûts et de gagner du temps », fait remarquer Aurélie Baker.

Le recours à l'intelligence artificielle pourrait aussi générer des économies de carburant notamment via le système de propulsion que développe actuellement Pangea Aerospace. « Nous utilisons de la propulsion chimique et l'un des désavantages de ce type de propulsion c'est que l'on observe une diminution de la poussée au fil du temps. Les algorithmes d'intelligence artificielle vont nous permettre de gérer au mieux notre consommation de carburant et de tenir compte de la dégradation de performances. Cette approche va largement augmenter la durée de vie du satellite, donc sa rentabilité et la protection de l'environnement spatial », souligne Marie-Laure Gouzy.

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Un enjeu de souveraineté

Les deux sociétés espèrent réaliser une démonstration au sol de leur solution d'ici fin 2024. Histoire aussi de lever les réticences actuelles dans le milieu spatial à l'égard de l'autonomisation d'une partie des opérations spatiales. « Certains sont réfractaires à l'autonomisation d'une partie des manoeuvres spatiales comme certains étaient réfractaires à la réutilisation des lanceurs. Nous arriverons à les convaincre par l'expérience », assure Marie-Laure Gouzy.

Pour la dirigeante, il faudra faire vite : « Outre-Atlantique des sociétés à l'instar de Benchmark systems se sont déjà lancées dans la production et la commercialisation de systèmes de propulsion autonomes. L'Europe ne doit pas rater ce virage de l'autonomisation des systèmes car il s'agit d'un domaine ultra-stratégique. Sommes-nous prêts à confier la vie de nos satellites dans les mains de puissances étrangères ? » interroge la dirigeante de Pangea Aerospace en France.

Levées de fonds en 2024 pour Aiko et Pangea

Les deux pépites européennes du NewSpace continuent de grandir depuis leur arrivée à Toulouse. Pangea Aerospace, qui emploie sept salariés dans la Ville rose sur un effectif total d'une trentaine de personnes, prévoit une levée de fonds de 15 millions d'euros en 2024. La startup espagnole vient d'annoncer avoir validé la conception des chambres de combustion du moteur Aerospike ainsi que la conception de deux types de têtes d'injection imprimées en 3D. De son côté, Aiko espère lever 5 millions d'euros début 2024. L'Italien a remporté mardi à Toulouse le prix mention IA du Club Galaxie.

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