Aéronautique : dans les coulisses de Rossi Aero, « le pompier d'Airbus »

Avion cloué sur le tarmac, problème de production sur la chaîne d'assemblage, besoin de prototype... depuis 15 ans, la PME familiale toulousaine Rossi Aero s'est imposée dans la fabrication de pièces dans l'urgence pour Airbus, Safran, Daher mais aussi à destination des compagnies aériennes. Après le trou d'air traversé durant la crise sanitaire et l'arrivée de Mecachrome dans son capital, l'entreprise voit le bout du tunnel et pourrait même contribuer à une duplication de son modèle à l'étranger.
Mathieu et Céline Rossi dirigent la PME familiale.
Mathieu et Céline Rossi dirigent la PME familiale. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est le cauchemar de toute compagnie aérienne. Dans le jargon aéronautique, on parle d'AOG (Aircraft on ground) pour désigner l'impossibilité pour un avion d'effectuer un vol commercial sauf intervention en urgence sur place, pour de la maintenance ou un échange de pièces. « C'est le plus haut niveau d'urgence dans l'aéronautique. Il nous est déjà arrivé d'être appelé le vendredi à 16h30 et de livrer dès le lendemain matin une pièce pour un avion cloué au sol, » se remémore Jérôme Durand, directeur de site au sein de Rossi Aéro.

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Rossi Aero emploie 250 salariés dans la région toulousaine. (Crédits : Rémi Benoit)

Spécialisé dans la fabrication de pièces dans l'urgence

Cette PME fondée en 1976 au nord de Toulouse par la famille Rossi, s'est imposée depuis une quinzaine d'années comme un sous-traitant aéronautique de rang 1 pour les grands acteurs du secteur comme Airbus, Daher, Latécoère, Safran et côté compagnies aériennes de Lufthansa ou d'Emirates en misant sur le speedshop, autrement dit la fabrication de composants à la demande dans des délais très courts. « On dit souvent que nous sommes le pompier de service. Il est vrai que lorsqu'une pièce est manquante, on appelle souvent Rossi Aero », fait remarquer Mathieu Rossi, le président de la société créée par son grand-père.

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Rossi Aero mise sur le speedshop depuis une quinzaine d'années. (Crédits : Rémi Benoit)

« Quand je suis entré dans la société en 2003, il fallait trouver un moyen de se démarquer dans le monde aéronautique. Nous sommes rapidement partis vers l'idée que le service porté sur tout ce qui peut dysfonctionner dans l'aéronautique était une piste non-négligeable au regard effectivement des montées des cadences annoncées déjà il y a une quinzaine d'années. Nous faisons aujourd'hui partie d'une petite famille de fournisseurs qui avons décidé de faire du speedshop une identité de marque », ajoute le dirigeant.

 « La réactivité est au coeur de notre métier »

Au-delà de la livraison de pièces pour les avions cloués sur le tarmac, Rossi Aero est sollicité pour fabriquer des pièces spéciales, des prototypes en petite quantité ou pallier la défaillance d'un fournisseur. « Il n'y a pas si longtemps, un gros fournisseur avait eu un problème dans ses usines et il nous a envoyé la commande avec une cinquantaine de pièces constitutives d'un ensemble que nous ne connaissions pas à livrer en trois semaines », illustre Mathieu Rossi.

La société fournit également des pièces manquantes pour les avions en assemblage final par Airbus, l'avionneur représentant 50% de son chiffre d'affaires. Une seule pièce manque à l'appel et c'est toute la ligne qui peut s'arrêter en freinant les cadences de production. « La réactivité est au coeur de notre métier », confirme Jérôme Durand.

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Jérôme Durand, directeur de site au sein de Rossi Aero. (Crédits : Rémi Benoit)

Pour être prête à répondre à des demandes à n'importe quel moment, la PME s'appuie sur des équipes avec une plage horaire très flexible et une partie de l'effectif en usinage peut être mobilisée pour travailler de nuit. L'entreprise dispose également d'un stock de matières premières assez conséquent pour s'adapter aux différentes commandes. « Nous travaillons avec de l'aluminium, de l'acier, du titane et même du plastique. Les demandes varient beaucoup, cela va de pièce unitaire à une commande récente pour pallier les difficultés de production d'une société avec près de 5.000 pièces à fabriquer un mois et demi, » ajoute le directeur.

Pour honorer les commandes, Rossi Aero assure entre les murs de ses deux sites au sein d'Eurocentre au nord de Toulouse l'usinage des pièces mais aussi des finitions manuelles de peinture et un contrôle qualité. Son troisième site au sud de la Ville rose, à Muret, est quant à lui centré dans la tôlerie et la chaudronnerie.

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 Rossi Aero assure l'usinage des pièces mais aussi des finitions manuelles de peinture et le contrôle qualité. (Crédits : Rémi Benoit)

« Le Covid aurait pu nous faire disparaître »

Mais cet « artisanat industriel », comme le nomme Mathieu Rossi, aurait pu être balayé par la crise sanitaire. « Le Covid aurait pu nous faire disparaître. Une société comme la nôtre n'existe qu'à partir du moment où des avions volent. Au mois de mars 2020, les avions ont été tous cloués au sol. Le modèle de service à l'aéronautique était complètement déstructuré et du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés avec plus rien à faire dans les usines », rappelle-t-il.

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Rossi Aero a été durement impacté par la crise sanitaire. (Crédits : Rémi Benoit)

Durant cette période de turbulences, le chiffre d'affaires de Rossi Aero a plongé de 32 millions d'euros en 2019 à 20 millions d'euros en 2020 et l'effectif est tombé de 300 à 180 collaborateurs durant la crise sanitaire avec l'arrêt des contrats en CDD et des intérimaires ainsi qu'une trentaine de départs volontaires. Mais l'entreprise s'est refusée à procéder à des licenciements.

« Nous avons gardé 180 personnes alors que l'activité économique ne le permettait probablement pas parce que ces collaborateurs étaient attachés à des procédés ou à des compétences particulières. Sans eux, nous n'aurions pas été capables de faire face aux demandes au moment du redémarrage du trafic aérien et cela aurait été très compliqué sur un certain nombre de métiers de reconstruire ces compétences », fait remarquer le chef d'entreprise.

En situation financière très difficile, Rossi Aero est passé fin 2021 sous le contrôle de Tikehau devenu son actionnaire majoritaire. Puis en septembre 2022, Tikehau, également actionnaire de Mecachrome, qui lui a cédé les parts acquises dans Rossi Aero.

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Montée des cadences et avion à hydrogène

 Aujourd'hui, l'entreprise familiale voit le bout du tunnel puisque son chiffre d'affaires devrait atteindre 33 millions d'euros cette année et donc retrouver le niveau d'avant-Covid. Ses effectifs sont remontés à 250 collaborateurs et une vingtaine de postes supplémentaires sont à pourvoir dans les mois à venir.

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Rossi Aero est un fournisseur de Mecachrome qui est aussi son actionnaire majoritaire depuis un an. (Crédits : Rémi Benoit)

Rossi Aero devrait à nouveau avoir un rôle-clé dans le soutien au ramp-up. « Les montées de cadences vont en première intention venir tester la capacité de la supply chain à produire en quantité des pièces qui sont déjà existantes. Cela concerne des acteurs comme Mecachrome, Figeac Aéro ou Nexteam. Aujourd'hui, Rossi Aero est identifié comme fournisseur de Mecachrome (qui représente 10% du chiffre d'affaires de la PME). Avec les montées de cadences, Mecachrome doit faire face à un certain nombre de besoins non prévisibles et Rossi Aero va venir l'aider sur un certain nombre de plans », précise Mathieu Rossi.

Outre les remontées de cadences, la PME est sollicitée pour réaliser des prototypes dans le développement de l'avion décarboné. Rossi Aero a ainsi fourni à la startup franco-américaine Universal Hydrogen des éléments pour deux prototypes de cuves à hydrogène

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Un modèle bientôt dupliqué à l'étranger ?

La société a été également contactée pour faciliter la création à l'étranger d'autres unités de speedshop basées sur le modèle de Rossi Aero. « Notre entreprise a malgré tout un plafond de verre. 300 personnes pour entre 35 et 30 millions d'euros de chiffre d'affaires, c'est le maximum que le groupe peut faire en Europe pour garder une agilité et s'adapter aux besoins des clients. Tout ce qui va concerner les autres avionneurs en Amérique du Nord ou pour d'autres avionneurs européens, comme ATR ou Dassault, cela passera par des développements basés sur des croissances externes », commente Mathieu Rossi. L'entreprise reste ouverte à des opportunités de croissance externe en direction de petits fournisseurs qui ont un rôle-clé dans la supply chain.

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