Aéronautique : « Figeac Aéro va doubler, voire tripler ses free cash flows en 2025 » (Jean-Claude Maillard, PDG)

INTERVIEW. Après avoir vu son chiffre d'affaires s'effondrer de 447 à 205 millions d'euros avec le Covid, Figeac Aéro annonce être remonté sur le dernier exercice à près de 342 millions. Dans un entretien à La Tribune, Jean-Claude Maillard, PDG du sous-traitant aéronautique lotois explique que le groupe devrait retrouver peu ou prou son niveau d'avant-crise à partir de 2025 mais surtout voir exploser ses free cash flows. De quoi le mettre en bonne position pour une éventuelle consolidation. Pour autant, Figeac Aéro fait face comme l'ensemble de la filière à d'importantes difficultés de recrutement.
Jean-Claude Maillard, PDG de Figeac Aéro.
Jean-Claude Maillard, PDG de Figeac Aéro. (Crédits : Rémi Benoit)

 LA TRIBUNE - Figeac Aéro vient de dévoiler un chiffre d'affaires, en forte croissance de plus de 20% à près de 342 millions d'euros sur l'exercice 2022-2023 et un Ebitda de plus de 40 millions d'euros. Quels enseignements tirez-vous de l'année qui vient de s'écouler ?

JEAN-CLAUDE MAILLARD - Sur le plan financier, l'année a été bonne. Petit à petit, nous retrouvons le niveau que nous avions avant le Covid. Sur le plan industriel, cela été une année relativement difficile parce que nous avons souffert des difficultés d'approvisionnement et pour trouver le personnel nécessaire pour faire progresser notre activité. Mais nous sommes confiants pour retrouver en 2025 un chiffre d'affaires et un Ebitda très proches de ceux que nous avions avant le Covid. Nous avons surtout profité de la crise pour investir un peu moins et réduire significativement notre besoin en fonds de roulement pour générer une performance financière bien meilleure qu'avant la crise. Nous avions des free cash flows d'une dizaine de millions d'euros et nous allons au moins doubler, voire tripler ce niveau en 2025.

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Avez-vous passé le plus dur de la crise ?

La restructuration financière est maintenant derrière nous. Nous avons réalisé une augmentation de capital de 54 milliards d'euros, nous avons cédé une usine au Mexique pour faire rentrer du cash et les banquiers nous ont donné quatre ans de plus pour leur rembourser ce qu'on leur doit pour arriver une maturité de la dette à l'horizon 2029 (Figeac Aéro a aujourd'hui une dette nette de près de 284 millions d'euros, ndlr).

Et comment voyez-vous l'avenir de Figeac Aéro après 2025 ?

Nous reprendrons à partir de 2025 une croissance qui sera beaucoup moins forte que celle que nous avions dans la période 2010-2020 où nous culminions à plus de 20 % par an. Cette croissance sera ramenée entre 5 à 10 % par an, de façon à sécuriser des free cash flows positifs pour très fortement réduire notre dette. Il ne faut pas perdre qu'après une crise aéronautique, la bonne conjoncture dure une dizaine d'années donc il faut que nous soyons peu endettés lorsque la prochaine crise surviendra. Quand le Covid est arrivé, nous étions relativement fortement endettés et cela a généré des difficultés. Devoir céder une filiale, faire une augmentation de capital, négocier avec les banquiers... c'est une situation qui n'est pas très agréable et que je ne veux pas revivre.

Vous revenez du salon du Bourget, une édition marquée par le retour des méga commandes notamment sur le programme A320. Quelles répercussions en attendre pour Figeac Aéro ?

Nous ne sommes pas inquiets sur le volume de commandes. Nous avons plus de trois milliards d'euros de contrats donc une activité qui est sécurisée pour quasiment les dix ans à venir. Figeac Aéro avait fait le choix avant la crise d'être très présent sur le programme A350. C'était un positionnement très intéressant dans la période 2010-2020 durant laquelle l'A350 est parti de zéro jusqu'à atteindre une cadence de dix avions par mois. Ce programme a généré jusqu'à 170 millions par an juste avant la crise avant de chuter à une trentaine de millions la première année. Sur ce programme, nous n'avons pas encore retrouvé le niveau d'avant-crise (comme le trafic aérien sur le long-courrier met plus de temps à remonter, ndlr). Par contre sur l'A320, nous dépassons les volumes de commandes d'avant le Covid.

Vous avez aussi annoncé fin mai un important contrat de 140 millions d'euros avec Safran Nacelles dont la production sera partagée entre votre usine du futur à Figeac et votre site au Maroc...

Oui, c'est une part supplémentaire d'un marché que nous produisons déjà à Figeac. La pièce en question sera toujours fabriquée dans le Lot mais le volume de production complémentaire sera réalisé au Maroc là où notre client assemblera cette pièce.

Figeac Aéro emploie aujourd'hui 3.000 personnes sur 14 sites de production répartis 8 pays dont la moitié en France. Quels sont vos besoins de recrutement et quels sont les postes les plus en tensions actuellement ?

Rien que sur l'usine de Figeac, nous avons 90 postes à pourvoir et dans le reste des usines françaises, une cinquantaine de postes sont ouverts. Pratiquement la moitié des postes à pourvoir dans le Lot concernent des opérateurs sur commande numérique.  C'est important de trouver ce personnel, pour produire ce que les clients attendent, pour être à l'heure, mais aussi pour assurer la performance financière de la société. Les machines à commande numérique constituent, et de loin, le gros de notre investissement donc avoir un outil de production qui coûte très cher et qui est sous-utilisé, c'est assez pénalisant encore. C'est pour ça que notre le service RH s'active très fort.

Avec la crise sanitaire, certains salariés de l'aéronautique ont changé de vie, monté leur foodtruck... Difficile de les faire revenir dans la filière...

Nous sommes tous étonnés d'avoir autant de mal à recruter après avoir malheureusement dû faire des plans de licenciement importants. Tous ces gens, qui ont perdu leur emploi, c'est super pour eux, pour le pays, de rebondir vers d'autres activités. De notre côté, nous devons nous reconstruire avec du personnel différent. Nous nous appuyons notamment sur notre école de formation qui depuis 20 ans forme des jeunes ou moins jeunes souhaitant entrer dans l'aéronautique.

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Quels sont pour vous les plus grands impacts de l'inflation ?

Les hausses de prix des matières premières n'ont aucune incidence sur notre situation financière puisque nous les répercutons contractuellement avec les clients. Par contre, nous devons négocier avec nos clients les hausses de prix de l'énergie, des transports, de la masse salariale... Nous n'avons pas trop de difficultés à répercuter les hausses de prix de l'énergie, quelques difficultés un peu plus importantes pour les prix, le transport de produits chimiques, de traitement de surface et de grandes difficultés pour les hausses de salaires. En revanche, la vague de problèmes d'approvisionnements de matières premières, très laborieux ces deux dernières années, est presque derrière nous.

Quid de la consolidation de Figeac Aéro ?

Nous ne travaillons pas dessus puisque nous sommes très concentrés actuellement sur notre plan pour redresser la performance financière de Figeac Aéro. J'aimerais d'abord retrouver mon niveau de chiffre d'affaires, mon niveau d'Ebitda avec des cash flow nettement supérieurs à ce que nous avions avant le Covid à partir de 2025 pour être quelque part en position de force, ou en tout cas en bonne position, pour discuter de l'avenir de Figeac Aéro. Seul ou accompagné, tout sera possible.

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Commentaire 1
à écrit le 06/07/2023 à 9:12
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On a du mal à croire que cette société va arrêter de brûler du cash, comme elle l'a fait allègrement depuis son introduction en Bourse, en plein accord avec la culture de l'Ebitda de la finance moderne. Et grâce au flou artistique des variations de j...

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