Eiffage : "La crise ne remet pas en cause l'intérêt stratégique de l'aéroport de Toulouse"

Pour la première fois depuis l'arrivée d'Eiffage dans le capital de l'aéroport de Toulouse, Marc Legrand, nouveau président du conseil de surveillance, prend la parole dans une interview accordée à La Tribune. Crise du transport aérien, gouvernance, dividendes... il se livre et dévoile son plan de bataille pour les prochains mois.
Marc Legrand est le nouveau président du conseil de surveillance de l'aéroport de Toulouse.
Marc Legrand est le nouveau président du conseil de surveillance de l'aéroport de Toulouse. (Crédits : Eiffage)

La Tribune : Eiffage a payé le prix fort, près de 500 millions d'euros, pour racheter aux Chinois de Casil Europe, les 49,99% de parts dans l'aéroport de Toulouse en fin d'année 2019. Depuis, avec la crise de la Covid-19, le trafic aérien s'est effondré. Dans ce contexte, quelles sont vos ambitions pour l'aéroport ?

Marc Legrand : Si nous avons souhaité devenir le premier actionnaire de l'aéroport de Toulouse, ce n'est pas dans une vision d'investisseur financier mais d'investisseur industriel et d'aménageur. Eiffage est très présent dans la région Occitanie avec 3 000 collaborateurs répartis sur une centaine d'agences et un chiffre d'affaires annuel de 600 millions d'euros. Nous nous efforçons de participer au développement des territoires et l'aéroport en est incontestablement un vecteur important. Nous avons dans ce domaine des connaissances que ce soit en matière de travaux ou de concessions.

Nous sommes désormais le premier actionnaire d'une société qui est concessionnaire de l'aéroport jusqu'en 2046. C'est dire si nous avons une vision d'actionnaire de long-terme et que si les circonstances actuelles posent beaucoup de problèmes et nécessitent la vigilance de tous les instants, cela ne remet pas en cause l'intérêt stratégique de l'aéroport de Toulouse et de ce choix. Nous allons nous inscrire largement dans la continuité de ce qui avait déjà été entrepris avec les adaptations nécessaires au court-terme où il nous faut déjà attendre le retour du trafic au niveau de l'année 2019. Nous sommes néanmoins dans une stratégie agressive de développement de l'aéroport, un développement équilibré pour respecter les contraintes des riverains.

Vous voulez participer à l'aménagement du territoire. Concrètement comment cela pourrait se traduire ?

En matière d'aménagement du territoire, je mettrai l'accent sur le volet touristique. Nous avons beaucoup à faire pour mieux faire connaître la région Occitanie avec les autres parties prenantes du conseil de surveillance. Ce n'est pas l'aéroport seul qui dirigera des actions de promotion touristique mais nous sommes prêts et demandeurs à participer à des opérations de divers ordres qui visent à développer l'attractivité de l'Occitanie vis-à-vis du marché français et international.

Au niveau de la gouvernance, contrairement à Casil Europe vous ne siégez pas au directoire mais seulement au conseil de surveillance. Pour autant, d'après Mediapart, le pacte d'actionnaires (qui stipulerait que l'État vote comme l'actionnaire principal lors du conseil de surveillance, ndlr) a été reconduit par l'État. Confirmez-vous cette information et qu'allez-vous mettre en place pour retrouver une gouvernance apaisée au sein de l'aéroport ?

Le conseil de surveillance regroupe les représentants des actionnaires qui valident les actions stratégiques de l'aéroport. Le directoire représente l'exécutif qui mène la conduite quotidienne de l'activité de la plateforme et qui formule des propositions. Eiffage a souhaité bien différencier les fonctions pour ne pas créer de confusion des genres, ce qui est signe d'une bonne gouvernance.

J'ai déjà eu un certain nombre de réunions avec nos organes de gouvernance et je ne peux que me réjouir du climat positif avec les différents représentants des actionnaires. Le contexte est très apaisé et orienté vers le développement de l'aéroport. Par exemple, la composition des organes de gouvernance a fait l'objet d'un vote à l'unanimité. Concernant le pacte d'actionnaires, je n'ai pas de commentaire à faire sur ce sujet.

Le président du directoire de l'aéroport, Philippe Crébassa, indiquait en juin dans une interview à La Tribune que la trésorerie de la plateforme est vivement attaquée par la crise avec trois millions d'euros perdus rien qu'en avril. Est-ce-que ATB pourra éviter un PSE et aura-t-elle la trésorerie suffisante pour passer la crise ?

Notre action est orientée pour que nous ayons à la fois la disponibilité financière et les ressources humaines pour redémarrer pleinement l'activité lorsque les conditions seront réunies. Nous faisons en sorte de conserver le personnel via le dispositif d'activité partielle. Concernant la disponibilité financière, la première mesure que nous avons prise et qui a fait l'objet d'un vote à l'unanimité au sein du conseil de surveillance est de ne pas verser de dividendes au titre de l'exercice 2019 (comme l'avait annoncé en exclusivité La Tribune, ndlr). Au vu des projections, nous aurions pu verser des dividendes et passer la crise des derniers mois. Mais comme nous sommes dans l'incertitude de l'ampleur de la crise, nous avons préféré être prudent et garder cet argent de côté.

Ces dernières années, la question des dividendes a cristallisé les tensions avec les collectivités locales. Êtes-vous favorable à une reconduction de cette mesure plusieurs années de suite si nécessaire ?

Nous sommes pragmatiques. Si cette raison de fond venait à subsister, année après année, il y aurait à se poser cette question. En ne versant pas de dividendes cette année nous avons accru nos réserves pour garantir la disponibilité financière nécessaire au redémarrage. J'espère que l'ampleur de la crise ne sera pas telle que la question se repose. S'il est prématuré de se projeter sur les prochains exercices, c'est l'état d'esprit optimiste dans lequel nous sommes qui compte.

L'aéroport de Toulouse a engagé depuis quelques année une diversification vers l'immobilier. Faut-il poursuivre dans cette direction et quelles pourraient être les autres pistes ?

L'immobilier est une voie prometteuse. Les initiatives en lien avec le développement durable, comme par exemple la station de production et de distribution d'hydrogène en sont une autre. Mais il ne s'agit pas de regarder tous azimuts. Pour investir, il faut avoir une vision apaisée de la situation économique. La première priorité est d'accompagner la reprise du trafic. L'aéroport a en la matière un atout puisqu'il est moins dépendant de la clientèle internationale. La reprise de l'activité affaires et domestique sera essentielle.

Est-ce que la crise met un coup d'arrêt à la politique de conquête des aéroports engagée par Eiffage depuis quelques années ?

Je ne sais pas si le mot de conquête est adapté. Notre stratégie est de regarder les opportunités là où nous sommes présents (et c'est le cas dans de nombreuses agglomérations en France et en Europe). Aujourd'hui, peu de processus sont engagés et ce n'est pas le meilleur moment. Notre motivation de fond reste que l'aéroport soit un vecteur de développement du territoire.

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Commentaire 1
à écrit le 07/09/2020 à 9:46
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Pour connaître les dessous du scandale de la privatisation de l'aéroport de Toulouse et la manière dont la Chine a dépecé un Airbus A320 pour le copier au profit de son avion commercial, lisez "L'empreinte du Dragon" de Jean Tuan chez C.LC. Editions....

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