L'aéroport de Toulouse espère "15 à 20% du trafic habituel cet été" (Philippe Crébassa)

Quasiment à l'arrêt pendant deux mois et demi, le trafic de l'aéroport de Toulouse reprend légèrement au mois de juin. Dans un entretien à La Tribune, le président du directoire Philippe Crébassa évoque l'offre estivale, la mise au chômage partiel des effectifs, l'impact de la restructuration d'Air France mais aussi la trésorerie de la plateforme, durement touchée par la crise.
Philippe Crébassa, président du directoire de l'aéroport de Toulouse, révèle que la trésorerie de l'aéroport de Toulouse est attaquée de manière très vive par la crise.
Philippe Crébassa, président du directoire de l'aéroport de Toulouse, révèle que "la trésorerie de l'aéroport de Toulouse est attaquée de manière très vive par la crise". (Crédits : Rémi Benoit)

La Tribune : Pouvez-vous nous donner quelques chiffres pour mesurer l'impact de la crise sanitaire sur le trafic de l'aéroport depuis le mois de mars ?

Philippe Crébassa : Sur le mois de mars, le trafic a chuté de 58% par rapport à l'an dernier. En avril et en mai, il est tombé à moins de 1%. Autant dire que l'activité commerciale était à l'arrêt. Là où nous enregistrons habituellement à cette période 25 à 30 000 passagers par jour sur 150 à 200 vols, l'aéroport a accueilli 100 à 200 passagers quotidiennement et un seul vol commercial aller-retour, opéré par Air France vers Roissy, était maintenu. Pour autant, l'aéroport est resté ouvert 24h/24 pour faciliter, par exemple, le rapatriement des malades des régions plus touchées par le virus.

Quelle sera l'ampleur de la reprise du trafic au moins de juin ?

Nous devrions atteindre un trafic de 5 à 7 % par rapport au mois de juin 2019. Cinq compagnies vont opérer sur la plateforme. Air France met en place quatre vols quotidiens vers Roissy et l'offre pourra monter à six vols par jour. La compagnie va aussi proposer trois vols par semaine vers Lyon à compter du 8 juin. Surtout, nous attendons la décision d'Air France sur la reprise de la Navette étant donné que l'aéroport d'Orly doit rouvrir le 26 juin. Il faut rappeler que Toulouse-Orly reste la première ligne aérienne d'Europe avec une dizaine de vols quotidiens, elle est très importante notamment pour le monde économique.

Ensuite, Easyjet ouvre un vol quotidien vers Roissy et trois vols par semaine vers Nice à compter du 15 juin. De son côté, Volotea reprend cinq lignes : Ajaccio et Bastia en Corse mais aussi Caen, Nice et Strasbourg. Lufthansa rouvre Munich sur une base de cinq vols par semaine. Enfin, Air Corsica propose à nouveau à partir de la fin juin des liaisons vers Bastia et Ajaccio. Notre réseau commence vraiment à s'étoffer.

Quelle visibilité avez-vous sur le trafic de cet été ?

Cette visibilité est encore parcellaire. Ceci dit, Ryanair envisage une reprise de ses vols à compter du 1er juillet sur une base de 30 à 40% de son activité normale, avec des destinations telles que Londres, Dublin, Édimbourg, Naples, Lisbonne, Athènes et Milan. Les compagnies aériennes attendent comme nous les annonces gouvernementales sur la réouverture des frontières au sein de l'Union européenne. La reprise du trafic estival est essentiellement liée à cette décision. Si les choses se passent comme nous l'espérons, nous pourrions monter à 15% du trafic habituel en juillet et 20% en août.

Envisagez-vous une réouverture des boutiques de l'aéroport ?

Les concessionnaires des commerces cherchent un juste équilibre entre la nécessité de reprendre l'activité et un seuil de fréquentation qui garantisse un minimum de viabilité économique. Il est possible d'imaginer une réouverture d'une partie de l'offre commerciale, en particulier le duty free, entre fin juin et début juillet. Nous essayons aussi de mettre l'accent sur la restauration à emporter.

Depuis le mois d'avril, l'ensemble des salariés de l'aéroport a été mis en chômage partiel avec un taux d'activité moyen de 20%. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Au plus fort de la crise, le niveau moyen d'activité était de 20%. Tous les salariés ont été concernés et à tous les niveaux. En juin, pour accompagner la reprise de trafic, le taux d'activité moyen remonte légèrement en deçà de 30%. Autre chiffre : 75% de l'effectif sera à moins de 50% d'activité ce mois-ci. Malgré ce chômage partiel, les équipes sont pleinement mobilisées pour adapter le parcours passager au contexte sanitaire avec des points de distribution de gel, des comptoirs d'enregistrement équipés de plexiglass et des marquages au sol pour favoriser la distanciation sociale.

L'aéroport de Toulouse avait avant la crise environ 50 millions d'euros de réserves financières. Allez-vous faire appel au dispositif de prêt garanti par l'Etat (PGE) ?

Le sujet est encore en cours d'analyse et sera débattu lors de la prochaine assemblée générale des actionnaires le 24 juin prochain. En l'état, il n'apparaît pas nécessaire de recourir au PGE. Néanmoins, la trésorerie de l'aéroport est attaquée de manière très vive par la crise. À titre d'exemple, sur le seul mois d'avril, nous avons perdu trois millions d'euros. Ensuite, le taux de factures non payées de plus de 60 jours (alors que le délai normal est de 30 jours) a dépassé 85% à début juin. Cela représente neuf millions d'euros. L'aéroport de Toulouse n'est pas en urgence vitale et dispose d'une trésorerie suffisante pour faire face à la crise dans les mois à venir. Mais il faut rester extrêmement vigilant au vu de l'imprévisibilité de l'activité.

L'Union des aéroports français est montée au créneau fin mai pour demander à l'État des aides urgentes pour financer le chômage partiel et alerter sur la question de la taxe d'aéroport. En quoi cela menace-t-il votre modèle économique ?

La taxe d'aéroport permet de financer les missions régaliennes de l'aéroport notamment la sécurité et la sûreté. Chaque année, le niveau unitaire de cette taxe est calculé en fonction des charges et du trafic. Le trafic s'étant écroulé, le montant de la taxe n'est plus suffisant pour équilibrer les charges. Le ministère des Transports a estimé à 500 millions d'euros le manque à gagner pour les aéroports français sur l'année 2020 en prenant en compte un niveau d'activité réduit de moitié. À Toulouse, nous avons un non-paiement de trois millions d'euros sur les trois premiers mois de l'année.

Pour combler le déficit, il faudrait augmenter la taxe dans des proportions telles que les aéroports perdraient énormément en compétitivité. Au moment où Air France décide de couper drastiquement dans son réseau, qu'Easyjet réduit d'un tiers ses effectifs, les compagnies risquent de ne garder que les lignes les plus rentables en partance des plateformes où les coûts aéroportuaires seront les plus bas. Si nous ne pouvons pas rester dans la moyenne européenne, les compagnies se détourneront des plateformes françaises.

Air France doit réduire son trafic intérieur de 40% d'ici 2021. Quel impact craindre à Toulouse ?

Toulouse reste très important pour Air France rien que pour les lignes vers Orly et Roissy. Même si je n'ai pas d'information à ce sujet, il est possible que la compagnie prenne des décisions concernant des lignes vers Toulouse. Mais si Air France se retire et que la ligne est rentable, elle pourra être opérée par une autre compagnie. C'est la loi du marché.

Pour terminer, l'arrivée d'Eiffage dans l'actionnariat d'ATB laisse-t-elle présager une gouvernance plus sereine au sein de l'aéroport ?

Avec Eiffage, nous avons un vrai partenaire industriel, ancré dans le territoire. Il s'agit d'un acteur engagé sur le développement de l'aéroport sur le long-terme et toutes les séances de travail se sont déroulées dans un climat de sérénité et de coopération.

Lire aussi : Aucun dividende ne sera versé aux actionnaires de l'aéroport Toulouse-Blagnac

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Commentaires 3
à écrit le 09/06/2020 à 14:10
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Pour connaître les dessous du scandale de la privatisation de l'aéroport de Toulouse avec la vente de 49.9% de son capital à un intrigant chinois, , lisez "L'empreinte du Dragon" de Jean Tuan chez C.LC. Editions. Une lecture édifiante et jubilatoire ...

à écrit le 09/06/2020 à 0:52
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Pour ceux qui s'en souviennent : le problème de cet aéroport, c'est surtout l'ancien actionnaire chinois douteux qui en a été l'origine ...

à écrit le 08/06/2020 à 17:18
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Alors les Zadistes auraient sauvé les finances de Nantes ?

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