BricoPrivé : le groupement Les Mousquetaires étudie l'offre d'un repreneur toulousain

La fermeture annoncée du spécialiste toulousain du bricolage BricoPrivé et la disparition annoncée des 174 emplois, sur décision de son actionnaire, le groupement Les Mousquetaires, a motivé un investisseur à présenter une offre ferme de reprise. Laurent Pussat, le président de la filiale de ITM équipement de la maison, qui regroupe les enseignes Bricomarché, Brico Cash, Bricorama et BricoPrivé, révèle à La Tribune son identité et les chiffres économiques qui ont poussé le propriétaire de l'enseigne Intermarché à se séparer de l'acteur du e-commerce acheté seulement en 2020. Les détails.
BricoPrivé, que son actionnaire veut fermer, pourrait être sauvé par un repreneur basé à Toulouse.
BricoPrivé, que son actionnaire veut fermer, pourrait être sauvé par un repreneur basé à Toulouse. (Crédits : Rémi Benoit)

C'est un rebondissement dans le dossier BricoPrivé, qui agite l'écosystème toulousain et celui du e-commerce. Le groupement Les Mousquetaires, notamment détenteur des enseignes Intermarché et Bricomarché, a reçu une offre de reprise pour son actif toulousain spécialisé dans la vente en ligne d'accessoires pour la maison, le jardin et d'outils pour le bricolage. « Il est venu à nous », confie à La Tribune Laurent Pussat, le président de ITM équipement de la maison, qui regroupe les enseignes Bricomarché, Brico Cash, Bricorama et BricoPrivé.

Selon la direction du groupement Les Mousquetaires, il s'agirait de la société BJ Invest, une société d'investissement toulousaine, qui détiendrait 140 millions d'euros d'actifs sous gestion, à en croire son site internet. Ce fonds, qui dispose de bureaux à San Francisco et à Paris, a été fondé par l'entrepreneur toulousain Benjamin Jayet. « Nous avons fait quelques recherches sur lui, mais son nom ne nous parle pas. Nous attendons d'en savoir plus, commente Karoline Vitrant », la porte-parole du CSE de BricoPrivé. Selon l'actionnaire unique de la plateforme de e-commerce, le candidat serait prêt à reprendre la totalité des effectifs de l'entreprise. Contacté par La Tribune, Benjamin Jayet n'avait pas encore donné suite à nos sollicitations lors de la publication de cet article.

« BJ Invest nous a contacté en nous demandant des renseignements économiques sur BricoPrivé et nous a fait parvenir une offre écrite et ferme pour la reprise des 174 CDI présents dans l'entreprise. Maintenant, nous devons prendre le temps d'étudier l'offre sur le plan économique, mais surtout social. Nous ne voulons pas un candidat seulement intéressé par la marque BricoPrivé, qui va réaliser un plan social derrière. Nous présenterons l'offre au CSE le 11 avril », promet Laurent Pussat.

« Ils perdaient plus d'un million d'euros par mois »

Cela fera ainsi trois mois que les collaborateurs de l'ancienne étoile montante toulousaine - qui a touché du doigt les 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en moins de dix d'existence - auront appris la fermeture prochaine de leur entreprise et la disparition annoncée de leurs emplois. Le groupement Les Mousquetaires, fort pourtant d'un chiffre d'affaires de 53 milliards d'euros en 2023, a pris cette décision trois ans après avoir déboursé plus de 60 millions d'euros pour acquérir une part majoritaire de l'actionnariat de l'entreprise fondée par Julien Boué et Marc Leverger.

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« Par rapport au business plan prévisionnel lors du rachat, nous avons contracté 60 millions de pertes supplémentaires. Depuis 2020, le chiffre d'affaires a dégringolé de 30% et tout autant pour le résultat de l'entreprise. En 2023, BricoPrivé c'est 13 millions d'euros de pertes. Mais ce n'est pas cet exercice qui nous a fait prendre cette décision de fermer BricoPrivé, plutôt la multiplication des contre performances économiques depuis notre arrivée », détaille Laurent Pussat.

Lors de la prise de contrôle par le groupement Les Mousquetaires, la décision a été prise de maintenir les deux fondateurs et de leur laisser la direction opérationnelle de leur entreprise. Seulement, ces mauvaises performances économiques ont poussé au divorce entre les deux parties et le départ du duo en septembre 2023. Si Julien Boué et Marc Leverger, joints par La Tribune, évoquent une démission, le groupement Les Mousquetaires parle davantage d'un licenciement. Une bataille d'avocats est désormais entre les deux parties.

« Les salariés n'étaient pas au courant qu'ils perdaient plus d'un million d'euros par mois sous l'ancienne direction (...) Si le groupement Les Mousquetaires n'avait pas été là, BricoPrivé serait tombé avant je pense », estime le président de ITM équipement de la maison, aussi propriétaire et gérant de deux magasins Bricomarché.

Pour l'actionnaire, plusieurs raisons expliquent cette mauvaise santé de l'entreprise toulousaine, elle qui affichait pourtant une croissance folle auparavant. Tout d'abord, le marché a beaucoup évolué en très peu d'années, selon le dirigeant. Si en 2020 les enseignes de bricolage comme Bricomarché, Castorama ou encore Leroy Merlin n'étaient pas très à l'aise avec la vente en ligne, elles ont depuis pris le sujet très au sérieux par la force des choses.

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« À l'époque, nous voyons des acteurs comme BricoPrivé ou ManoMano en très forte progression d'activité, contrairement à nous. Nous étions dans l'obligation de devenir des enseignes avec une stratégie omnicanale. Puis le marché s'est retourné assez rapidement après la Covid et les consommateurs ont eu besoin de revenir dans les magasins et bénéficier d'un SAV qui peuvent rencontrer en cas de problème », estime le dirigeant.

Par ailleurs, le modèle économique de BricoPrivé, qui repose sur des ventes promotionnelles, a subi un coup aussi avec la crise sanitaire, les fournisseurs étant moins enclins à laisser partir leurs rares stocks au rabais. Enfin, le RGPD a aussi réduit considérablement la base de données de l'enseigne toulousaine, au point de jouer avec les lignes jusqu'à cette sanction de la CNIL en 2020.

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La confidentialité du dialogue social, bientôt un mauvais souvenir ?

Une fois ce constat établi, le groupement Les Mousquetaires souhaite désormais trouver une issue favorable aux 174 salariés de BricoPrivé, lui qui fait de ce dossier « une priorité » en interne, si jamais l'offre de prise est jugée non crédible. Indemnités financières, reclassement dans le groupe, financement de formations... Toutes les pistes sont sur la table.

« Certains collaborateurs ont déjà envoyé leur CV au groupement pour trouver des postes ailleurs qu'à Toulouse (...) Les conditions de ce PSE seront discutées avec le CSE de l'entreprise à l'occasion d'une réunion prévue mercredi 3 avril. On nous reproche de ne pas proposer suffisamment d'offres de reclassement en local mais les profils de BricoPrivé sont assez spécifiques et leurs compétences correspondent davantage à des besoins que nous avons en région parisienne. Mais les personnes de la logistique se sont vues proposer des offres de reclassement dans des Intermarché de la région, par exemple », fait savoir Laurent Pussat, qui se réjouit qu'un dialogue constructif ait été renoué ces derniers jours avec le CSE.

La réunion de mercredi prochain est d'ailleurs très attendue par ce même CSE et la direction, après les tensions qui ont mis fin prématurément au dernier round de négociations, jeudi dernier, au point de devoir faire appel aux forces de l'ordre pour escorter la direction.

« Le dialogue a repris, confirme Karoline Vitrant. Le directeur général de ITM équipement de la maison est venu au siège à Toulouse ce mardi pour rencontrer les collaborateurs, puis s'est rendu sur notre base logistique, avant de tenir une visioconférence avec nos équipes lyonnaises. La direction a pris conscience de certaines choses, c'est une petite victoire pour nous », ajoute la représentante du personnel.

La levée de la confidentialité des négociations du PSE sera également étudiée par la direction, qui semble prête à faire un pas en ce sens afin de débloquer davantage la situation. Jusqu'à présent, les délégués du personnel ne peuvent communiquer aux salariés de BricoPrivé les contours des discussions et donc ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. Un point qui agace certains élus locaux, comme Carole Delga.

« J'ai écrit au président du groupement Les Mousquetaires et la direction sera reçue par mon vice-président à l'économie la semaine prochaine. Je refuse de recevoir les dirigeants tant que les conditions du dialogue social avec les salariés ne se seront pas améliorées », prévient la présidente de la région Occitanie.

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