La symbolique est rude. Au sein de La Cité, dans le quartier Montaudran à Toulouse, plusieurs entreprises innovantes se rêvent en champions de demain. Face à eux, se situe le récent siège social de la société toulousaine BricoPrivé, qui a réalisé près de 200 millions de chiffres d'affaires avec plus de 200 employés jusqu'au début des années 2020. Cette entreprise, spécialisée dans la vente par internet d'outillage pour le bricolage et l'amélioration de l'habitat, a ainsi fait figure de modèle pendant des années pour toutes ces jeunes pousses installées dans ce nouveau petit quartier d'affaires. Mais ce modèle est en train de vaciller.
Plusieurs inscriptions décorent désormais la façade du siège social de BricoPrivé, face au mécontentement des salariés de l'entité. Ils ont ainsi débuté une grève surprise au début du mois de mars, bien qu'un semblant de calme a regagné le quartier depuis.
« Actuellement, la grève n'est pas arrêtée mais elle est interrompue. Le ton va se durcir », met en garde Karoline Vitrant, représentante du CSE de BricoPrivé.
Depuis la mi-janvier, les salariés de l'entreprise de l'e-commerce ont été informés de l'intention de leur actionnaire de fermer le site internet de BricoPrivé et cesser leur activité. Propriété du groupement Les Mousquetaires (Intermarché, Bricomarché, etc.) depuis 2020 et le rachat de 66% des parts auprès des deux fondateurs de l'entreprise, celui-ci a bien confirmé l'information auprès de La Tribune.
« Il est envisagé d'arrêter l'activité de BricoPrivé et de privilégier le développement de Racetools (filiale du site dédiée à la clientèle professionnelle, ndlr), dont les résultats sont à l'équilibre », avait notamment déclaré le groupement Les Mousquetaires.
« Rien ne s'est passé »
Avant cette annonce, qui engendre la préparation d'un PSE pour 174 salariés à Toulouse, BricoPrivé a connu un profond changement de gouvernance. À la fin de l'été dernier, les deux fondateurs, Julien Boué et Marc Leverger, ont quitté le navire en revendant au groupement Les Mousquetaires les 34% du capital encore en leur possession. « Nous avons démissionné en septembre 2023 et revendu au groupement le restant de nos actions », avait confirmé Marc Leverger, joint par La Tribune. Ce qui ne semble pas être le déroulement de l'histoire communiqué en interne.
« Des représentants du groupement ont réuni les salariés le 9 octobre pour annoncer qu'ils avaient destitué nos deux fondateurs. C'est contradictoire (...) Par la même occasion, ils ont annoncé la nomination d'un nouveau directeur commercial, Stéphane Belloc (un ancien de CDiscount, ndlr) pour redresser la barre (...) Mais dès le début, ils savaient qu'ils nous fermeraient », peste la porte-parole.
Selon les salariés, ce même 9 octobre, la mise en place d'un plan de redressement a été annoncée aux équipes de BricoPrivé. En cause ? Un chiffre d'affaires en chute libre après les records d'activité provoqués par la crise sanitaire et une rentabilité qui se dégrade. Selon le site d'informations économiques L'Informé, la mayonnaise n'a jamais pris entre la marketplace toulousaine et son nouvel actionnaire. D'après lui, le nouvel actif du groupe a perdu 20 millions d'euros en 2021, puis 10 millions en 2022.
« Les résultats de BricoPrivé ont été, et sont toujours, en nette régression (une baisse du chiffre d'affaires à deux chiffres et une dégradation de la rentabilité encore plus forte) », avait souligné, il y a quelques jours, le groupement Les Mousquetaires.
174 emplois devraient être supprimés à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).
« Mais après cette annonce, rien ne s'est passé. Il n'y a jamais eu de plan de redressement contrairement à ce qui a été annoncé. Plus globalement, ils n'ont jamais joué le jeu avec BricoPrivé, pendant trois ans, ils nous ont regardés. Nous devions profiter de la puissance de leur centrale d'achat et de leur réseau de magasins, tandis que nous, nous devions les aider sur une stratégie de vente omnicanale avec notre savoir-faire sur le e-commerce. Rien du deal de départ n'a été respecté », observe Karoline Vitrant.
Une réunion programmée
Face à cette situation, certains élus locaux, dont Carole Delga, la présidente socialiste de la Région Occitanie, tentent de venir en aide au champion toulousain. Les politiques sont surtout interpellés par le manque de transparence dans le dialogue social, souhaité par le groupe, qui a bouclé l'exercice comptable 2023 avec 52 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Un indicateur en hausse de 7,8% par rapport à 2022.
« La direction nous a demandé et même imposé la confidentialité sur les mesures d'accompagnement proposées dans le cadre des négociations autour du PSE. Nous ne pouvons rien dire aux salariés mais ils nous proposent des conditions de départ dignes d'une petite PME ! Nous demandons à pouvoir communiquer ces propositions et qu'elles soient à la hauteur de l'entreprise. Selon eux, ce que nous leur demandons, c'est trop... », évoque la représentante du CSE.
Le dialogue social ne fait que commencer et une prochaine réunion décisive entre les deux parties est attendue le 21 mars.
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