La filière aéronautique cherche désespérément de l'électricité pour son avenir

Oui à un transport aérien décarboné. Oui aussi à un approvisionnement énergétique, et tout particulièrement électrique, bien plus conséquent qu'actuellement, pour y parvenir. Entre réindustrialisation, production des carburants durables et avion bas carbone, les besoins en électricité seront beaucoup plus importants au sein de l'industrie aéronautique demain. Voilà l'un des enseignements à tirer de la soirée des 10 ans de l'AéroForum, organisée par La Tribune jeudi dernier. Les détails.
MIchel Wachenheim, Nathalie Duquesne, Jean-Christophe Lambert et Éléanor Sohier n'ont pas manqué de rappeler tout le chemin qui reste à parcourir pour la filière aéronautique afin de maîtriser son poids environnemental, à l'occasion des 10 ans de l'AéroForum, organisé par La Tribune jeudi 9 novembre.
MIchel Wachenheim, Nathalie Duquesne, Jean-Christophe Lambert et Éléanor Sohier n'ont pas manqué de rappeler tout le chemin qui reste à parcourir pour la filière aéronautique afin de maîtriser son poids environnemental, à l'occasion des 10 ans de l'AéroForum, organisé par La Tribune jeudi 9 novembre. (Crédits : Rémi Benoit)

« Qu'on ne nous dise pas que d'ici 15 ou 20 ans nous n'aurons pas une aviation propre et décarbonée ! Mais pour cela, il faut absolument se remettre au travail (...) Depuis 50 ans, nous avons optimisé. C'est bien, mais cela ne suffit pas. Ce n'est pas avec de l'optimisation que nous allons atteindre nos objectifs de la décarbonation pour 2050 », a lancé le docteur Bertrand Piccard, en ouverture des 10 ans de l'AéroForum, organisé par La Tribune jeudi 9 novembre à Toulouse. Le ton était alors donné pour ce grand raout annuel de la supply chain aéronautique, pointée du doigt alors qu'elle n'est responsable que de 3% des émissions mondiales de CO2.

« Sur ce sujet, il faut être modeste. Qu'est-ce-que sera le transport aérien dans 20 voire 30 ans ? Nous ne le savons pas vraiment. On essaie de le construire, mais cela dépendra des décisions que nous prendrons aujourd'hui. Il y a un certain déficit de ce côté », tempère Michel Wachenheim, le président de l'Académie de l'Air et de l'Espace.

Pour cet ingénieur de formation, un enjeu sera au coeur du transport aérien de demain :« il faudra beaucoup d'électricité ». « Le besoin est gigantesque. L'Europe aura besoin de multiplier sa production d'énergie décarbonée par quatre. Cela représente un investissement annuel de 250 milliards d'euros, soit 6.000 Térawatt-heures de plus qu'aujourd'hui », ajoute-t-il. À l'heure où la France s'est lancée dans la course aux mini-centrales nucléaires, la position de l'une de ses rares filières industrielles encore puissante pèsera certainement lourd dans la balance à l'heure des choix (politiques).

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« 40 mégawatt-heures, c'est la consommation d'un avion A320 pour faire un Toulouse-Paris actuellement. C'est aussi ce que consomment 10 foyers français pendant un an. Nous devons nous demander comment on amène cette énergie décarbonée jusque dans nos avions. Ce chiffre pourrait être l'occasion de faire de l'aéro-bashing mais il est surtout le symbole des challenges à relever », appuie Nicolas Favarcq, le CTO de Spherea Group.

Une nécessité pour le SAF

Même si un avion électrique (ou bas carbone) n'est pas pour aujourd'hui, l'industrie aéronautique est déjà en quête d'électricité tout d'abord pour la production des SAF (sustainable aviation fuel), ou carburants durables. Ce changement permettrait de réduire le poids carbone du transport aérien sans un bouleversement technologique majeur de l'appareil. Au sein du monde du transport aérien, cette option technologique est celle qui semble ainsi tenir la corde à court et moyen termes.

« Le premier défi de notre secteur sera de produire ces carburants durables. Nous savons les faire mais l'apport en énergie (pour produire en masse) pose question. Il faut investir encore plus dans le nucléaire. Nous souhaitons prendre un virage mais certains investissements ne sont pas là... », estime Nathalie Duquesne, la directrice générale de Liebherr Aerospace.

Au-delà de l'approvisionnement, son coût pose aussi question, bien que ces deux points soient intimement liés. Actuellement, voler avec du SAF revient trois à quatre fois plus cher pour les compagnies aériennes.

« Il y a des possibilités avec l'hydrogène sur des avions pour de la courte distance, mais personne ne promet un avion long courrier à hydrogène en 2035, ce sera au-delà de 2050. La filière commence à comprendre qu'il faut mettre l'accélérateur sur les SAF pour tenir nos engagements 2050 sur le climat. Il faut savoir que 80 % de nos émissions proviennent des vols supérieurs à 500 kilomètres. Pour encourager les compagnies à avoir recours au SAF, il y a la méthode américaine qui consiste à subventionner le SAF pour arriver au même prix que le kérosène. Puis, la méthode européenne qui consiste à taxer le kérosène pour l'amener au même coût que le SAF (...) Je vous laisse définir la meilleure méthode... », peste Michel Wachenheim, qui estime que les courbes prix des deux produits se rejoindront entre 2040 et 2050.

La coopération, une obligation

En plus de la problématique des carburants durables, l'avion bas carbone est confronté à des challenges technologiques majeurs. « Par exemplesur l'usage des piles à combustible, nous avons encore des challenges à relever sur leur température à l'usage Le gros enjeu de ces avions à hydrogène sera le challenge thermique et réduire les besoins en froid tout particulièrement », souligne Nathalie Duquesne. « Actuellement, la filière aéronautique semble prendre la voix de l'hybridation électrique », ajoute la dirigeante.

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Une situation qui tourne actuellement à l'avantage de la startup toulousaine Ascendance Flight Technologies, qui développe un VTOL hybride à décollage et atterrissage verticaux.

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« À notre création, nous avons fait le choix fort de l'hybridation. Par rapport à nos concurrents, qui ont misé sur le tout électrique, cette hybridation est un avantage. Elle nous offre un range d'au moins 400 kilomètres (...) Notre installation récente sur l'aérodrome de Muret est un choix fondateur car nous voulions un bâtiment dédié à cette nouvelle aviation. Nous avons déjà installé tous nos bancs d'essais sur place et nous avons un mégawatt de disponible sur place (...) Notre premier prototype à l'échelle un doit voler fin 2024 voire début 2025 », décrit Jean-Christophe Lambert, le CEO de l'entreprise qui emploie déjà 120 collaborateurs.

Au dernier salon du Bourget, ce nouvel acteur a officialisé un partenariat avec Daher pour installer sa propulsion hybride sur des petits aéronefs de cette référence mondiale de l'aéronautique. « Le VTOL est un catalyseur technologique qui initie une feuille de route plus globale, dans l'aéronautique, afin d'avoir un retour opérationnel. Les investissements réalisés jusqu'à présent sont faits pour mener un certain défrichement technologique et a pour bénéfice de faire travailler des acteurs ensemble. Avec Daher, nous allions nos forces pour aller plus loin. La décarbonation se fera dans la coopération de tous les acteurs », analyse Jean-Christophe Lambert. La startup, titulaire de 15 brevets et forte de 555 intentions d'achats pour son VTOL, propose à ses clients de collaborer sur certains choix stratégiques de l'appareil. Symbole de la filière aéronautique de demain. « L'aviation de demain se dessine aujourd'hui, mais elle passe par une collaboration de tous. Je pense qu'il est super important de travailler sur la collaboration entre les différents acteurs. L'avion nouvelle génération ne pourra se faire sans les fournisseurs et les compagnies aériennes », conclut Éléanor Sohier, étudiante en fin de cursus à l'Enac, future pilote professionnelle et étudiante chez Aura Aéro.

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