Menacé d'expulsion, un cuisinier aveyronnais peut rester au Canada après la mobilisation de son village

C’est tout le village de Saint-Ferdinand, au Québec, qui s’est mobilisé jusqu’à rassembler plus de 2 000 signatures pour exiger qu’il reste ! Menacé d’expulsion à cause d’un imbroglio administratif post-Covid, le cuisinier Lorenzo Favilli vient d’obtenir in-extremis une prolongation de deux ans de son permis de travail. Le coup de fil est arrivé la veille de la date prévue de son retour en France.
Aux côtés d'un journaliste canadien, l'Aveyronnais Lorenzo Favilli, à droite, a suscité un certain engouement autour de sa situation.
Aux côtés d'un journaliste canadien, l'Aveyronnais Lorenzo Favilli, à droite, a suscité un certain engouement autour de sa situation. (Crédits : DR)

C'est la belle histoire du jour. Il serre des mains, pose pour des selfies. Lorenzo Favilli est devenu une vedette dans le village de Saint-Ferdinand, 2.000 âmes, perdu dans la campagne et les forêts d'érables entre Montréal et Québec. Il faut dire que le Français revient de loin.

Après des études au lycée hôtelier de Mende, en Lozère, Lorenzo Favilli, originaire du village de Prades-d'Aubrac, dans le nord de l'Aveyron, enchaîne les expériences gastronomiques comme au Château de la Caze, dans les gorges du Tarn, puis à Laguiole en Aubrac avec le chef étoilé Michel Bras.

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Mais il trouve que la situation générale se dégrade en France en particulier au niveau de l'emploi et choisit en 2017 de s'envoler pour le Canada pour aller voir si l'herbe y est plus verte. L'Aveyronnais intègre alors l'école hôtelière de Québec. Quelques jours seulement après son arrivée, il trouve du travail : « Je me suis présenté dans un restaurant, sans CV, mais j'avais vu qu'il cherchait un cuisinier. J'ai demandé à voir le chef pour postuler et 30 secondes plus tard j'étais embauché ». Lorenzo Favilli passe alors la semaine à l'école et les week-ends dans ce restaurant du Vieux-Québec.

Perdu dans les méandres de l'administration

Le jeune homme obtient donc un permis de travailler au Canada pendant trois ans, jusqu'en 2020, grâce à ses études en alternance. C'est alors que survient la pandémie de Covid-19. « Tous les restaurants ont fermé du jour au lendemain, témoigne-t-il, c'était vraiment le couvre-feu, et je me suis retrouvé sans emploi. » Après une première demande de résidence permanente déposée et refusée cette année-là, le jeune homme âgé aujourd'hui de trente-trois ans, cheveux longs, queue de cheval, en dépose une deuxième l'année suivante.

Manque de chance, comme des milliers d'autres, celle-ci se perd dans les méandres et les limbes de l'administration fédérale post-pandémie. « J'ai essayé de prendre contact avec les autorités d'Ottawa (la capitale du Canada, ndlr), se souvient-il, j'appelais mais personne ne répondait. Je tombais toujours sur une messagerie vocale. » A partir de 2020, le Français est donc considéré comme un immigrant légal, mais sans statut ni autorisation de travailler.

Un coup de pouce bienvenu

Lassé de la ville, Lorenzo quitte à ce moment-là Québec et atterrit un peu par hasard dans le village de Saint-Ferdinand fin 2021. Sans un sou, il se tourne alors vers les Chevaliers de Colomb, un mouvement catholique de bienfaisance présent dans toute l'Amérique du Nord. Benoît Brais, le secrétaire local, le prend sous son aile. Il promet de combattre ce qu'il considère comme une injustice. Il confie d'ailleurs au journal le Devoir son étonnement : « C'est un immigrant qui parle français, qui a étudié ici, qui veut rester ici. Tout ce que l'on demande aux autorités, c'était de lui redonner sa dignité et le pouvoir de rester dans son pays d'adoption. »

À Saint-Ferdinand, la situation du Français est rapidement de toutes les conversations. C'est l'incompréhension qui domine. Le maire, Yves Charlebois, enfonce le clou : « Il travaille en restauration, un domaine où il manque cruellement de main-d'œuvre. Si nous le pouvions, nous en ferions trois copies pour pouvoir le faire travailler dans trois restaurants différents tellement la demande est grande ! » De fil en aiguille, tout le village, et même au-delà, se mobilise pour garder son cuisinier. Une soirée de charité permet notamment de lui remettre 400 dollars. Une pétition lancée dans la commune recueille au total plus de 2.000 signatures ! « J'ai une pile entière, je les ai toutes gardées, s'amuse aujourd'hui le Français. Des personnes venaient de partout dans le Québec. Il y a des noms de villages que je ne connaissais même pas. Il y a vraiment eu un engouement. »

Tohu-bohu médiatique

Le Français reprend alors espoir mais il est vite douché. Quelques semaines plus tard, il reçoit de la part de la douane de Sherbrooke son avis de renvoi vers la France. Non seulement le cuisinier n'a toujours pas l'autorisation de travailler au Canada mais il est en plus désormais prié de déguerpir au plus vite. « J'étais renvoyé alors que je n'avais commis aucune infraction. Il n'y avait pas une tache à mon dossier ! » s'agace-t-il encore aujourd'hui. Lorenzo Favilli reconnaît alors qu'il s'est mis à « broyer du noir : les coups de blues et la déprime commençaient à poindre sérieusement. C'est l'entraide générale qui m'a permis de tenir.»

Car la tournure que prend l'affaire commence à faire grand bruit dans les médias. Les reportages à la TV, dans les journaux et à la radio s'enchaînent. Devant ce tohu-bohu, le député conservateur local saisit le ministre canadien de l'immigration, Marc Miller. Il prend directement l'affaire en main et finit par octroyer au Français son précieux sésame. Sans aucune explication, la veille de la date prévue de son départ vers Paris, Lorenzo Favilli reçoit donc un coup de fil du député lui assurant qu'un nouveau permis de travail pour deux ans lui était accordé.

« C'est comme un bouchon de champagne qui sautait, se souvient-il, surtout à ce stade-ci où je me préparais à mon retour en France. Le député Luc Berthold lui-même était surpris. Il m'a avoué qu'il était très rare de réussir à surseoir une décision de renvoi quand le billet d'avion est déjà émis. »

Lorenzo Favilli va donc pouvoir être cuisinier à plein temps et tout-à-fait légalement au « William », un bar-restaurant de Saint-Ferdinand. Au total, le Français aura la moitié des six ans qu'il a passés au Canada à se battre pour avoir le droit d'y travailler.

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