Au Sénégal, une société toulousaine donne une deuxième vie aux huiles de friture

Installée près de Toulouse, une société - SARL Développement Durable - spécialisée dans la valorisation des déchets alimentaires vient de décrocher une aide de 500.000 euros de l’État pour un projet innovant et ambitieux de collecte et de valorisation d’huiles usagées. Elles seront transformées en biocarburant pour alimenter en électricité une partie de l’agglomération de Dakar (Sénégal) dès cette année 2023.
La société toulousaine SARL Développement Durable a développé des unités de revalorisation de déchets graisseux facilement exportables.
La société toulousaine SARL Développement Durable a développé des unités de revalorisation de déchets graisseux facilement exportables. (Crédits : SARL Développement Durable)

Nous sommes à Rufisque, une commune d'un demi-million d'habitants dans la banlieue est de Dakar, la capitale du Sénégal. C'est la mairie qui a elle-même sollicité la société SARL Développement Durable, installée à Corronsac, dans le sud de Toulouse, pour un projet de valorisation de ses déchets alimentaires gras.

« L'idée est de produire localement du biocarburant grâce aux huiles de friture récupérées dans les hôtels-restaurants, les cantines, chez les particuliers ou auprès des industries agroalimentaires, détaille Hugues de La Bardonnie, le directeur de l'entreprise. On les purifie et cela devient un combustible. On va mettre en place toute une filière de collecte et de valorisation, comme il en existe en Europe depuis vingt ans. »

Dans les pays africains, en revanche, tout reste à faire. L'entreprise de Corronsac va fournir le procédé VEGX200 (photo) qu'elle a développé et le matériel nécessaire, comme ses bacs séparateurs de graisses BAGT. Trois autres partenaires sont engagés dans le projet au Sénégal : S3D Ingénierie à Nantes, un bureau d'études spécialisé dans la valorisation énergétique des déchets et les carburants alternatifs, la « Carmausine de récupération », dans le Tarn, dont le métier est la collecte d'huiles usagées, et qui servira de modèle au projet. Une startup complète le tour de table. Elle développe une application pour smartphone baptisée « Teoola » qui permettra la mise en relation des différents acteurs de la future filière.

Car « sans collecte, pas de valorisation, précise Hugues de La Bardonnie. Il faut des gens qui mettent de l'huile dans des bidons, d'autres qui les récupèrent en camion et les apportent à la future installation qui deviendra à terme propriété de la commune de Rufisque. »

Une énergie renouvelable

Le biocarburant produit alimentera principalement des moteurs qui vont générer de l'électricité. Le lieu lui-même n'a pas été choisi au hasard : « On est dans une zone industrielle où on va pouvoir faire circuler des camions et utiliser l'huile. La commune de Rufisque mettra à disposition le terrain et le personnel. » L'électricité sera produite sur les sites existants, l'huile sera un combustible additionnel.

L'usage de cette technologie permettra de réaliser des économies d'énergie, de réduire le rejet de CO2, et une réduction du coût de gestion de la commune. L'impact environnemental est également très important, argumente M. de La Bardonnie : « Ces huiles recyclées, c'est une énergie renouvelable, moins polluante et moins chère que le fioul. Et comme elle est produite sur place, elle va rémunérer des gens localement plutôt qu'acheter du pétrole qui va coûter à la collectivité. De plus, ces huiles ont déjà servi une première fois, c'est donc la deuxième vie des huiles de friture. Cela évite aussi que ces déchets soient rejetés dans la nature. En les valorisant, on évite une pollution. »

La collecte aura lieu avec l'aide de groupements de femmes pour lesquelles cette activité constituera un appoint de revenu ou une rémunération sous forme d'huile neuve utilisable en cuisine. Le projet aura donc aussi un impact sur la santé.

Un démarrage dès 2023

Le dossier de Rufisque a mûri pendant plus d'un an jusqu'à cette opportunité d'aide financière. Présenté à l'été 2022, il a donc obtenu en fin d'année l'une des six aides distribuées par l'État français dans le cadre de son appel à projets « Plan de résilience » promouvant des solutions innovantes pour l'autonomie énergétique dans les pays en développement.

« Ces aides sont destinées au rayonnement de la France, précise M. de La Bardonnie. L'idée est que cette filière fonctionne sur le long terme et perdure. Au bout de la phase pilote (qui doit durer 15 mois, ndlr), nous espérons collecter 20 tonnes d'huile par mois, sachant qu'à terme, l'installation est dimensionnée pour en recevoir trois fois plus. Ce tonnage sera atteint après trois à cinq ans de fonctionnement.»

La collecte démarrera en juin pour constituer un stock suffisant lors du démarrage de l'installation prévu lui en décembre. Elle commencera sur la commune de Rufisque et doit être étendue peu à peu à l'agglomération autour de Dakar. Dans tout le Sénégal, le gisement de ces déchets gras alimentaires est pour sa part estimé à 20.000 tonnes chaque année, ce qui signifie qu'un certain nombre de projets d'autres centres de collecte et de valorisation pourront être réalisés dans le pays et aussi dans les pays limitrophes.

« Développement Durable » : une SARL en mode startup

Mise en lumière grâce à ce projet au Sénégal, une première pour elle hors d'Europe, l'entreprise a choisi dès ses débuts de se consacrer à la valorisation des huiles et graisses alimentaires usées. La société emploie cinq personnes à Corronsac. Depuis sa création en 2004, elle est spécialisée dans ce secteur spécifique de la valorisation des déchets gras alimentaires. « C'est l'ADN de l'entreprise, affirme M. de La Bardonnie, C'est une niche, et nous travaillons avec la plupart des petites et moyennes entreprises françaises dans ce secteur. » Hugues de La Bardonnie, soixante ans, né à Cahors et diplômé de l'école d'ingénieurs Ensiaset de Toulouse dans le domaine du génie des procédés industriels, est passé par le ministère de l'Environnement et l'agence de l'Eau avant de créer sa société. Parmi ses clients, on citera « Allo à l'huile », une entreprise qui collecte dans toute la France des huiles usagées, ou encore l'entreprise Rios à Villarcayo en Espagne, important producteur de boudins qui alimente depuis huit ans sa chaudière vapeur à partir de graisses rejetées à l'égout.

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