Un Montalbanais aux commandes du métro de Doha

À neuf mois du coup d’envoi du Mondial de football au Qatar, les transports seront un maillon essentiel à la réussite de cet événement au retentissement planétaire. Né à Montauban et diplômé de l’Isae-Supaéro de Toulouse, où il a commencé sa carrière, Thierry Couderc dirige depuis quatre ans ce métro, le plus rapide du monde. Rencontre.
Thierry Couderc (au centre de l'image) est à la tête du métro de Doha depuis 2019, après avoir débuté sa carrière à Toulouse.
Thierry Couderc (au centre de l'image) est à la tête du métro de Doha depuis 2019, après avoir débuté sa carrière à Toulouse. (Crédits : DR)

En mettre plein la vue ! Gratte-ciel, stades, autoroutes... Comme pour chacun de ses chantiers, le Qatar n'a pas regardé à la dépense pour construire son métro ! L'émirat voit le Mondial de football de novembre prochain comme une vitrine qui lui donnera la stature internationale après laquelle il court, à l'instar de celle qu'ont acquise de longue date ses sœurs ennemies Dubaï et d'Abu Dhabi.

Signe de cette course à la démesure : à la surface, les stations, déjà, ressemblent plus à des palais ou à des musées qu'à des bouches de métro ! Le design a d'ailleurs été confié à une agence néerlandaise. Les architectes se sont notamment inspirés des tentes traditionnelles des Bédouins du désert. Avec des quais extra-larges, l'intérieur correspond lui aux standards des halls d'aéroport les plus récents. Marbre, murs blancs, hauteur sous plafond impressionnante, tout est fait pour offrir au métro de Doha une image de grandeur.

Recherche artistique

Cela fait un peu plus de quatre ans que Thierry Couderc est à la tête de la joint-venture (coentreprise) qui gère ce super-métro de Doha. Fruit de la collaboration entre les groupes français RATP et Keolis et une société propriété de l'émir du Qatar, elle emploie 4.000 personnes au total.

Métro Doha

Les stations du métro de Doha ont fait l'objet d'un important travail architectural (Crédits : Qatar Rail).

"Les Qataris ont toujours besoin de faire du beau, reconnaît le Français. C'est la même chose quand vous vous promenez sur le front de mer à Doha, au pied de bâtiments magnifiques, il y a des chefs d'œuvre signés des plus grands architectes internationaux. Bien sûr, ils veulent de l'efficacité mais ils sont dans la recherche artistique permanente pour leurs constructions, d'autant qu'ils ont les moyens de s'offrir cela".

Emprunter le métro de Doha, c'est vivre une expérience unique et faire un saut dans le futur. Le train est rapide, silencieux et la cabine futuriste. À chaque extrémité de la rame, deux places permettent aux titulaires d'un billet de classe "Gold" (l'équivalent de 2,5 euros contre cinquante centimes en seconde classe !) de s'asseoir comme s'ils étaient aux commandes du métro.

Jusqu'à 100 km/h

Ce jour-là, Thierry Couderc nous reçoit au poste de commandement du métro, un grand bâtiment blanc anonyme et ultra-sécurisé à la sortie de Doha. "C'est d'ici que l'on gère l'ensemble des trois lignes, détaille-t-il en montrant les murs d'écrans face à nous. On se retrouve dans une immense salle avec trois postes différents, un pour chaque ligne, et beaucoup de moyens pour travailler dans les meilleures condition". Côté sécurité, on n'a pas lésiné non plus : les autorités ont pris pour modèle "Qatar Airways", la compagnie aérienne nationale, et les sociétés d'extraction pétrolières et gazières.

"Aujourd'hui, vous avez un métro toutes les deux minutes et demie sur la ligne rouge, cinq minutes sur les autres lignes, avec une fiabilité proche de 100 %, se félicite Thierry Couderc. Toutes les stations sont équipées de moyens redondants de lutte contre l'incendie pour permettre la continuité du service".

Une bonne partie du tracé est aérien et la vitesse peut atteindre 100 km/h sur certaines portions, ce qui en fait le métro automatique le plus rapide au monde ! Lancé il y a huit ans, ce projet pharaonique a coûté plus de 17,5 milliards d'euros. Le réseau dessert six des huit stades de la Coupe du monde. La RATP et Keolis vont également exploiter le tramway de Lusail (avec Vinci pour les stations), une ville nouvelle sortie de terre en quelques années et où est implanté le plus grand stade de la Coupe du monde, une enceinte ultra-moderne de 80 000 places, où se joueront le match d'ouverture et la finale.

Métro Doha

Le métro de Doha sera l'un des éléments de la réussite ou non de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar (Crédits : Emmanuel Langlois).

4x4 au garage

Ouvert en 2019, le métro de Doha est l'un des plus modernes au monde. 110 rames circulent aujourd'hui sur un réseau maillé de 37 stations. Comme tous les investissements lancés par l'émirat, l'enjeu n'est pas seulement de faciliter la vie de ses habitants, mais aussi d'impressionner le reste du monde. Le métro est dimensionné pour transporter 600.000 voyageurs chaque jour (à comparer à la capacité de 200.000 voyageurs quotidiens de la future troisième ligne de métro à Toulouse).

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Problème : on est encore très loin de cette jauge, mais Thierry Couderc garde espoir : "Je suis convaincu que les Qataris vont finir par laisser leurs gros 4x4 au garage et prendre le métro. C'est vrai qu'ici, c'est le monde de la grosse voiture, du Toyota Land Cruiser, c'est ancré dans leur culture. Mais il y a beaucoup de femmes qui prennent déjà le métro. C'est important pour elles de pouvoir se déplacer sans leur chauffeur. On y croise aussi des expatriés et des universitaires". L'émir du Qatar, cheikh Tamim bin Hamad al-Thani a d'ailleurs lui-même donné de sa personne. Au moins une fois, on l'a vu prendre le métro et on croise parfois sa famille dans ces couloirs souterrains climatisés. Voilà qui pourrait décider les Qataris à franchir le pas !

Thierry Couderc, une carrière sur de bons rails

: Il est loin d'être un inconnu dans l'univers des transports. Né à Montauban, fils d'un couple de parents agriculteurs, étudiant à l'université Toulouse III-Paul-Sabatier puis diplômé d'un doctorat à l'école d'ingénieurs Isae-Supaéro, Thierry Couderc démarre son parcours professionnel en 1991 à la Semvat, qui gère alors le réseau de transport en commun de Toulouse. Il est d'abord en charge de la maintenance des systèmes automatiques. Deux ans plus tard, lui et les équipes qu'il a recrutées et formées mettent en service la première ligne du métro de la Ville rose ! En 2002, il entre chez Keolis, filiale de la SNCF, en s'expatriant une première fois à... Brest pour diriger les bus, métros et tramways de la métropole bretonne. Il supervisera ensuite le métro lyonnais avant de participer au lancement réussi de la première ligne du tramway de Tours. Nourri de cette expérience unique, Thierry Couderc, marié et père de deux enfants de 27 et 24 ans, est appelé par le Qatar en 2019.

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