Autoroute Toulouse-Castres : les opposants saisissent le Conseil d'État et proposent une nouvelle alternative

Nouveau chapitre judiciaire autour du projet d'autoroute Toulouse-Castres. Les opposants, déboutés par le tribunal administratif de Toulouse au début du mois d'août, viennent de saisir le Conseil d'État avec l'espoir de suspendre les travaux. Dans le même temps, ils viennent de dévoiler un projet alternatif qui reposerait sur un aménagement de la RN 126 actuelle, et surtout une « Véloroute Nationale ». Un scénario façonné par un urbaniste et paysagiste local. Les détails.
Plus de 5.000 personnes ont manifesté contre le projet, sur son tracé, au cours du mois d'avril dernier à Saix (Tarn).
Plus de 5.000 personnes ont manifesté contre le projet, sur son tracé, au cours du mois d'avril dernier à Saix (Tarn). (Crédits : Rémi Benoit)

Les opposants au projet d'autoroute A69, entre Toulouse et Castres, n'ont pas dit leur dernier mot. L'association « La Voix Est Libre » a annoncé, dans la matinée du mardi 29 août, avoir saisi le Conseil d'État. Cette décision fait suite à celle du tribunal administratif de Toulouse, le 2 août dernier, de rejeter un recours suspensif mené par les conseillers juridiques de cette association et d'autres. Ces dernières remettent en cause l'intérêt public majeur du projet d'autoroute au regard de ses conséquences économiques et écologiques.

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En plus d'un recours juridique sur le fond dédié à l'autorisation environnementale, l'association « La Voix Est Libre » relance donc ce combat juridique supplémentaire. « Nous espérons une décision dans la période de Noël », précise Geoffrey, un représentant de la structure. « Maintenant, nous devons aussi préparer l'après car nous savons que ce projet d'autoroute n'ira pas au bout. Il faut proposer une alternative », poursuit le bénévole.

Une route nationale dédiée aux vélos

Ainsi, depuis plusieurs mois, un jeune urbaniste et paysagiste local, Karim Lahiani, a proposé ses services à l'association pour structurer cette alternative.

« La RN 126 (route nationale qui relie actuellement les deux villes, ndlr), c'est la route de mon enfance pour aller chez mes grands-parents non loin de Castres. Atosca (le concessionnaire chargé de mener les travaux de l'autoroute A69) y propose un projet du 20 ème siècle qui ne répond pas aux enjeux d'aujourd'hui. L'autoroute Toulouse-Castres va détruire 366 hectares de terres agricoles et 120.000 m3 d'eau vont être utilisés pour la construire... Nous, nous souhaitons impulser un changement radical en proposant un projet novateur et pionnier », expose le jeune professionnel qui a lancé son atelier.

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Ce projet alternatif et « novateur » repose principalement sur une Véloroute Nationale 1, une voie rapide dédiée aux vélos, un réaménagement « partiel » de la RN 126 et plusieurs centaines d'hectares dédiés à la transition agricole.

Cette grande artère dédiée aux déplacements à vélo n'a pas vocation à laisser penser que le trajet est possible en mobilité douce de manière quotidienne. « Elle appelle surtout à tenir compte des trajets d'une courte distance et surtout, elle sera reliée aux gares ferroviaires proches pour effectuer des trajets longues distances », commente Karim Lahiani. Ainsi, l'urbaniste propose la construction totale de 62 kilomètres de pistes cyclables nouvelles d'ici 2027 et 87 d'ici 2030. Cette nouvelle infrastructure absorberait, selon ses projections, 4.000 déplacements par jour en 2030. Cette nouvelle offre aurait dès lors pour conséquence dé réduire le trafic routier. « Baisser le nombre de véhicules sur cet axe est nécessaire (...) Nous passerions de 7.500 véhicules par jour en 2020 à 5.500 en 2030 avec notre alternative », précise le professionnel.

Le long de la RN 126 réaménagée et le long de cette Véloroute Nationale 1 qui, elle, viendrait alors remplacer l'autoroute Toulouse-Castres, 250 hectares dédiés à la transition agricole et 50 hectares de zones humides viendraient revitaliser le territoire, tout comme une soixantaine de mares. Tout cela dans l'espoir d'attirer à nouveau certaines espèces d'animaux et d'insectes dans le secteur.

Par ailleurs, l'opposant, soucieux de préserver ces terres mais aussi de les revitaliser, a imaginé sept lieux d'intérêts sociétal et économique (des existants et des nouveaux) le long de la RN 126 avec la promesse de créer plusieurs centaines d'emplois directs et de l'attractivité touristique. Parmi le listing, l'urbaniste a ainsi imaginé de rénover une usine de textile des années 1920 située aux portes de Castres pour la transformer en une grande « Cité du Vélo ». Elle abriterait, en plus d'un bar et d'une auberge, un musée du vélo et une grande manufacture du vélo made in France.

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Une SEM à la tête du projet alternatif

Si l'aménagement de la VéloRoute Nationale 1 est estimé à 30 millions d'euros, la facture totale du projet dans son ensemble est encore à l'étude. « Ce chiffre est encore à affiner », ne cache pas Karim Lahiani. Ce dernier a néanmoins déjà identifié une centaine de millions d'euros pour le démarrer. Tout d'abord, 24 millions d'euros pourraient venir de la réaffectation de financements locaux prévus sur l'A69, une cinquantaine de millions pourraient venir de politiques publiques déjà existantes (France 2030, Plan Vélo, Biodiversité 2030, de programmes divers et variés du conseil régional d'Occitanie, de l'Europe et certains ministères français, etc.) et 26 pourraient provenir de « nouveaux financements locaux ».

Selon la feuille de route de l'urbaniste et de l'association « La Voix Est Libre », l'ensemble du projet pourra être porté par une société d'économie mixte (SEM) détenue à 85% par les collectivités locales et chacun des sept projets structurants le long de la RN 126 pourront être portés par des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC).

« Nous tendons la main aux collectivités publiques (...) Nous avons une alternative 1.000 fois plus crédible que ce projet d'autoroute Toulouse-Castres et nous offrons là l'occasion à Clément Beaune (le ministre des Transports, ndlr) de faire un coup politique en adéquation avec l'avenir », estime Karim Lahiani.

Le membre du gouvernement a pourtant répété à plusieurs reprises avant l'été que cette autoroute sortira bien de terre, tout en précisant avoir demandé « quelques aménagements » sur le plan environnemental à Atosca. Cette position est en partie justifiée par le fait que casser le contrat de concession autoroutière signé entre les deux parties obligerait l'État à indemniser à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros le détenteur du marché.

Quant à Atosca, la société se dit « déterminée à poursuivre le dialogue avec les parties prenantes, notamment dans le cadre du Comité de suivi des mesures compensatoires. Cette concertation réunissant l'État, les collectivités, les syndicats de bassin et des associations de protection de la nature, se déroule pendant toute la durée du chantier puis se poursuivra après la mise en service de l'infrastructure ». L'entreprise prévoit une mise en service de l'autoroute Toulouse-Castres en 2025.

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