Comment Milc Industry s'apprête à rapatrier en France la production de cadres de vélos

DOSSIER RÉINDUSTRIALISATION. Dans les Hautes-Pyrénées, Milc Industry prépare un tour de table financier pour rapatrier en France la production de dizaines de milliers de cadres de vélos, notamment cargos, aujourd'hui majoritairement réalisés en Asie. Nom de code de l'opération ? V-Mooc. Mais ce projet n'est que la suite logique d'une aventure entrepreneuriale débutée une douzaine d'années plus tôt. La PME va produire 2.000 véhicules rien qu'en 2023.
À terme, Milc Industry souhaite produire 25.000 cadres de vélos français chaque année.
À terme, Milc Industry souhaite produire 25.000 cadres de vélos français chaque année. (Crédits : Milc Industry)

« En France aujourd'hui, nous savons construire un sous-marin nucléaire ou un Rafale, mais nous ne savons plus faire un dérailleur de vélo ou un cadre », pestait le député (LREM) de la sixième circonscription du Val-de-Marne, Guillaume Gouffier Valente, dans son rapport sur la filière économique du vélo présenté en début d'année 2022. Un constat auquel se propose de répondre l'entreprise Milc Industry. Installée à La Barthe-de-Neste, dans les Hautes-Pyrénées, et spécialisée dans la chaudronnerie et l'usinage de cadres, de châssis de vélos et de petits véhicules légers de la mobilité douce, le tout en très petites séries, elle entend ainsi rapatrier la production de cadres pour les vélos en France.

« À terme, nous voulons produire 25.000 cadres de vélos par an en séduisant des marques de vélos françaises comme Moustache Bikes ou Galian Cycles, en proposant un approvisionnement local et des services associés », présente Thomas Lecompte, le cofondateur de Milc Industry.

Ces derniers temps, quelques marques comme Mercier ont, en effet, opté pour une relocalisation en France d'une partie de leur production, pour beaucoup installée actuellement à Taïwan et en Chine. « Dans les années 1980, notre pays était pourtant un des leaders mondiaux dans ce domaine. Tout s'est écroulé en l'espace de quelques années basculant vers une dépendance quasi-totale envers les pays asiatiques », soulignait le député Guillaume Gouffier Valente dans son rapport. Selon lui, sur les 2,685 millions de vélos vendus en France, seuls 690.000 y sont assemblés. Une proportion qui ne risque pas de s'améliorer face à l'usage grandissant du vélo dans l'Hexagone et la demande croissante des consommateurs pour l'acquisition d'un tel mode de transport, sauf si les capacités industrielles nationales de la filière s'améliorent.

« Le coût ne doit pas être le seul levier pour convaincre de relocaliser la production en France. Face à un contexte géopolitique incertain, il est nécessaire de ne plus dépendre de fournisseurs à l'autre bout du monde. Enfin, les châssis des vélos sont de plus en plus gros, cela mobilise donc de plus en plus de besoins de fonds de roulement pour les marques françaises qui commandent des conteneurs entiers pour tenter d'amortir le coût du transport. Notre vision est aussi de soulager les marques françaises de cycles de ces contraintes », analyse l'entrepreneur.

4.000 véhicules fabriqués en 2024

Cette volonté de bâtir une usine pour produire en marque blanche des cadres pour les marques françaises de vélos classiques haut de gamme, vélos cargos, ou vélos à assistance électrique, est le fruit d'un projet entrepreneurial construit brique par brique.

Milc Industry, c'est tout d'abord l'histoire d'une rencontre entre trois hommes au sein de l'entreprise qui produit la marque de vélo Sunn. Devant les difficultés économiques de leur employeur de l'époque, Thomas Lecompte, Alexandre Guiral et Frédéric Bernard changent de selle et lancent ensemble le bureau d'études Antidote Solutions. L'idée est alors d'accompagner les entreprises et professionnels dans leurs projets de mobilité douce, et tout particulièrement le vélo cargo. « Certains de nos clients viennent avec des idées, d'autres avec des débuts de prototype. Nous concevons avec eux le véhicule, nous les accompagnons dans la phase d'homologation et puis dans celle de l'industrialisation », détaille Thomas Lecompte.

Ce n'est qu'en 2013 que Milc Industry voit le jour afin d'internaliser le prototypage et la production de toutes les premières séries de chaque projet quand cela correspond à la demande du client. « Nos deux structures, Milc Industry et Antidote Solutions, sont complémentaires et la demande monte en puissance depuis la crise sanitaire », constate l'entrepreneur occitan. Cet ensemble a réalisé un chiffre d'affaires cumulé de 1,6 million d'euros l'année passée, dont rien que 1,2 pour Milc Industry. En 2022, celle-ci a sorti de ses ateliers 500 véhicules. Le quadruple est attendu pour l'année 2023 et les trois cofondateurs misent sur 4.000 engins sur 2024.

Vers une société à mission

« Les clients nous demandent des volumes de plus en plus élevés aujourd'hui face à l'explosion de la mobilité douce », fait savoir Thomas Lecompte. C'est de ce constat qu'ils ont imaginé le projet V-Mooc (pour vélo made in Occitanie), afin de produire local, en partenariat avec le Gersois Vélofactory qui porte un projet complémentaire à L'Isle-Jourdain.

Au-delà d'avoir un nom, ce projet V-Mooc a un prix : quatre millions d'euros. Les trois porteurs de projet comptent en récupérer une grande partie via de la dette bancaire et cherchent un million d'euros en equity. « Nous avons déjà sécurisé une partie de la somme. Nous poursuivons les discussions avec de potentiels partenaires », précise Thomas Lecompte. De plus, Milc Industry a déjà obtenu le soutien du plan France Relance, en 2021, à hauteur de 300.000 euros, pour enclencher le projet d'usine qui va se dérouler en deux étapes.

« Dans un premier temps, nous allons intégrer en interne tous les procédés mécaniques de soudure et de soudage essentiels à la production des cadres après avoir bouclé l'aspect financier d'ici fin 2023. Cette étape va nous amener jusqu'en novembre 2025. Puis la seconde phase sera l'installation dans un nouveau bâtiment, avec des capacités de production nouvelles et l'intégration du découpage des tubes, chose que nous sous-traitons aujourd'hui », projette le dirigeant.

Lui et ses associés comptent transformer Milc Industry en une société à mission à l'occasion de ce projet, qui devrait générer 30 embauches d'ici 2028. Les 22 collaborateurs actuels de Milc Industry et Antidotes Solutions devraient aussi bénéficier d'une nouvelle stratégie en interne sur la rémunération et le partage de la valeur grâce à cette transformation.

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