Destinus, ce pari fou d'un avion hypersonique à l'hydrogène liquide

La startup suisse Destinus a présenté au dernier Salon du Bourget son troisième prototype devant lui permettre de réaliser un vol supersonique avec de l'hydrogène liquide en 2024, depuis l'aéroport de Rochefort (Charente-Maritime). La jeune entreprise, qui dispose d'une équipe à Toulouse et du général Friedling à son bord, ambitionne de faire voler le Destinus S dès 2027, un avion capable de réaliser des vols hypersoniques jusqu'à 6.000 km/h avec 25 passagers à son bord.
Destinus rêve d'un début d'exploitation commercial de son avion hypersonique Destinus S au début des années 2030.
Destinus rêve d'un début d'exploitation commercial de son avion hypersonique Destinus S au début des années 2030. (Crédits : Destinus)

Faire mieux que le Concorde, sur le plan technique, avec de préférence une meilleure issue que cet avion mythique. Voilà l'ambition de la startup suisse Destinus. Fondée en 2021, la jeune pousse rêve et travaille sur un avion capable de réaliser un vol avec une vitesse de croisière proposée de Mach 5 à partir d'un système de propulsion à hydrogène liquide. « Nous pourrons aller jusqu'à 6.000 km/h, soit faire un Paris-New York en 1 heure et 30 minutes », se projette Jean-Philippe Girault, le directeur général de Destinus France.

Cet avion nouvelle génération, déjà nommé Destinus S, devrait avoir son premier prototype entre 2027 et 2028, avant son premier vol commercial en 2032, selon le calendrier établi par la startup. Cette dernière mise une aéronef de 25 places, ou bien sur une capacité d'emport de deux à trois tonnes.

« Nos potentiels clients sont les compagnies aériennes et les opérateurs de services aériens. Nous sommes en discussion avec eux et à leur écoute. Ces capacités intéressent particulièrement le fret express. C'est un marché de 50 milliards de dollars sur lequel nous pourrions rentrer », analyse le dirigeant.

En se basant sur la technologie de l'hydrogène cryogénique, qui sera stocké à - 250 degrés dans les réservoirs de l'avion, cette source d'énergie sera aussi bien utilisée pour la propulsion que le refroidissement des éléments techniques, l'hydrogène ayant une chaleur de combustion trois fois supérieure à celle du kérosène. Par ailleurs, les moteurs du futur Destinus S s'organiseront ainsi autour d'un statoréacteur. « Dans les faits, il n'y a pas de nouvelles technologies utilisées. L'innovation repose dans la capacité à intégrer cette technologie dans un avion, avec un véritable défi sur la postcombustion», commente Jean-Philippe Girault.

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Déjà des vols réussis

Pour développer ses briques technologiques adaptées au transport aérien, la startup Destinus, qui dispose d'une équipe à Toulouse, a déjà quelques vols concluants à son actif. Au dernier Salon du Bourget, l'entreprise a notamment présenté Destinus 1 (un véhicule de quatre mètres de long) et Destinus 2 (un véhicule de dix mètres de long).

C'est avec le premier cité que la startup a réalisé le 24 mai, non loin de Munich (Allemagne), trois vols subsoniques successifs. Avec un système de pilotage sans pilote à bord, le prototype était équipé d'un système de postcombustion à l'hydrogène conçu par Destinus. Le turboréacteur est une turbine à gaz ordinaire alimentée par du kérosène et la postcombustion est alimentée par de l'hydrogène.

« Chaque vol a duré environ cinq minutes et ont permis de déclencher la postcombustion à hydrogène en vol pour accélérer jusqu'à près de 250 km/h (...) La technologie révolutionnaire d'afterburner à hydrogène a été testée avec succès », fait savoir l'entreprise basée en Suisse.

L'entreprise dispose également de bureaux en Allemagne, Espagne et aux Pays-Bas, avec des domaines de compétences variés pour chaque bureau. L'entité française s'occupe ainsi principalement du segment sol et de la question de l'avitaillement en hydrogène des aéroports sur lesquels opérera Destinus.

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Un premier vol supersonique dans 18 mois

Désormais, la jeune pousse qui emploie déjà 140 salariés va se concentrer sur la préparation du premier vol de son prochain prototype, Destinus 3. Ce prototype a été présenté au dernier Salon du Bourget et affiche un certain volume avec dix mètres de longueur pour un poids de deux tonnes.

« Jusqu'à présent, nous avons utilisé l'hydrogène gazeux. Désormais, nous allons faire avec Destinus 3 de la propulsion liquide. Nous visons un vol supersonique dans 18 mois. Si nous y arrivons, cela sera une première mondiale, à notre connaissance. Ce vol d'essai durera une vingtaine de minutes, dont 10 à une vitesse supersonique et toujours sans pilote à bord. Nous embarquerons moins de 100 kgs d'hydrogène liquide », détaille Jean-Philippe Girault.

Destinus 3 sera précisément équipé d'un moteur turbojet « alimenté au kérosène en conjonction avec un afterburner alimenté à l'hydrogène liquide ». « Nous développons également des plans pour tester un système entièrement basé sur l'hydrogène pour le turbojet et l'afterburner », fait savoir Mikhail Kokorich, le fondateur et PDG de Destinus. Pour tester ses avancées technologiques, la startup aéronautique européenne compte se déployer sur l'aéroport de Rochefort (Charente-Maritime). « C'est un aéroport en bord de mer, ce qui nous permettra de tester nos équipements au-dessus de l'eau. Il y a du foncier disponible sur la plateforme, ainsi que des temps de vol car il y a peu de trafic aérien », justifie le directeur général.

Si ce futur test en vol venait à être réussi, cela serait un pas de plus vers l'objectif final de la startup, à savoir concevoir Destinus L, un avion capable de transporter 300 à 400 personnes à une vitesse de Mach 6 dans les années 2040. Pour y parvenir, Destinus a déjà levé 50 millions d'euros et obtenu plus de 10 millions d'euros de la Commission européenne via l'appel à projets Horizon 2020 pour développer un banc d'essais moteur à Madrid (Espagne). Au-delà de financements, la jeune pousse peut aussi s'appuyer sur un bord qualifié et composé de l'investisseur Conny Boersch, l'homme politique allemand Philipp Rösler, du politique espagnol et ingénieur aéronautique de formation Pedro Duque, ainsi que du général français Michel Friedling qui s'est récemment lancé dans l'entrepreneuriat avec Look Up Space.

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