Bosch suspend la diversification vers l'hydrogène de son usine à Rodez, le site à nouveau menacé ?

EXCLUSIF. Dans les colonnes de La Tribune, la direction de Bosch annonce la suspension du projet de diversification vers l'hydrogène de son usine à Rodez (Aveyron). Or, c'est cette production de pile à combustible pour les remorques frigorifiques qui devait garantir l'avenir à long terme du site industriel, déjà fragilisé par la suppression de 700 emplois et la fin d'activités en lien avec le diesel. L'équipementier allemand promet d'identifier une nouvelle activité d'ici fin 2023. Les syndicats se disent prudents, sinon « la fermeture de l'usine est programmée ». Les détails de ce nouveau chapitre social dans l'Aveyron.
La mutation vers l'hydrogène de l'usine Bosch de Rodez est suspendue. Son avenir est désormais incertain.
La mutation vers l'hydrogène de l'usine Bosch de Rodez est suspendue. Son avenir est désormais incertain. (Crédits : Pierrick Merlet)

L'usine Bosch de Rodez, dans l'Aveyron est-elle à nouveau en danger ? La direction du groupe allemand annonce auprès de La Tribune sa décision de suspendre la conversion des activités industrielles de son usine ruthénoise vers l'hydrogène. « Le projet Fresh 2 est suspendu, et nous pensons que cela durera plusieurs années », précise la direction du groupe Bosch.

Cette décision a été prise à l'issue d'une réunion qui s'est tenue le mercredi 21 juin à Stuttgart, au sein du siège monde de Bosch, avec sa direction France, la direction des activités R&D et les représentants du personnel des sites de Rodez et Vénissieux (métropole de Lyon), aussi impliqué dans ce projet.

« C'est un gros coup dur pour nous. Mais nous ne sommes pas surpris par cette annonce, nous nous y attendions. Depuis plusieurs mois, le projet Fresh 2 battait de l'aile », commente Cédric Belledent, représentant du syndicat Sud au sein du site industriel qui a participé à cette réunion.

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Lancé en 2021, le projet Fresh 2 devait mener à la mise sur le marché d'une pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène pour le transport frigorifique. Avec ce nouveau produit développé à Rodez et fabriqué par ce même site, l'idée était de remplacer les générateurs du transport frigorifique qui utilisent du diesel.

« C'est évidemment une déception pour le groupe (...) Depuis avril dernier, nous travaillions sur l'industrialisation du produit. Mais nous restons persuadés que cela reste une bonne technologie et que le marché à terme en aura besoin (...) Seulement, nous faisons face à un manque de visibilité du développement de la mobilité hydrogène et encore plus quand il s'agit des remorques frigorifiques. Nous avons des quantités de production potentielles bien inférieures à ce que nous avions prévu. Ce n'est pas viable pour le moment », a notamment justifié Bosch auprès de La Tribune, malgré un partenariat avec un client pilote suite à des essais sur route concluants.

Un produit qui arrive trop tôt sur le marché ?

Cette décision pourrait-elle avoir des conséquences sociales ? La question mérite d'être posée puisque ce projet devait dès 2025 concerner la moitié des effectifs de l'usine de Rodez (sur 513 salariés) selon l'accord de transformation signé entre les syndicats et la direction en 2021, et 30 personnes à Vénissieux.

Pour mémoire, jusqu'au début des années 2020, ce site industriel était dépendant du marché du diesel et sa production d'injecteurs pour ce type de moteurs lui permettait de nourrir encore plus de 1.200 personnes. À son apogée, cette usine employait même plus de 3.000 personnes. Mais la baisse des ventes de véhicules diesel et le choix de Bosch de délocaliser certaines activités en Turquie et d'autres pays plus attractifs sur les coûts de production a fragilisé le site ruthénois. Pour maintenir une partie des emplois et donc éviter la fermeture de « La Bosch », les pouvoirs publics français et les élus locaux, ainsi que les salariés, avaient ainsi convaincu à l'époque la direction allemande de lancer le développement de ce projet Fresh 2 en plus d'autres activités.

Lire aussiUsine Bosch de Rodez : le site maintenu avec 700 emplois supprimés (sur 1.200)

« Ce projet devait donner un avenir à notre usine au-delà de 2028. Mais nous avions dit à la direction que ce projet ne marcherait pas avant 2030, tandis qu'eux ils étaient persuadés que cela pourrait décoller d'ici 2027 ou au plus tard 2028. Maintenant, il faut vite trouver une solution », remémore Cédric Belledent.

Il est vrai qu'au cours des négociations de l'accord de transformation, les syndicats avaient demandé des activités supplémentaires autres que celle sur l'hydrogène pour ne pas faire de l'usine de Rodez un site une nouvelle fois dépendant d'une énergie alors que le marché de celle-ci est naissant.

Sur ce point, la direction du groupe met en avant de « bons résultats ». Sur sa nouvelle activité des services industriels, une centaine de missions a été réalisée et sept productions de produits différents ont été internalisées à Rodez. « Ces nouvelles activités emploient une centaine de personnes et ont généré 23 millions d'euros d'investissements sur le site depuis deux ans, dont la moitié rien que sur Fresh 2 », précise Bosch.

« Un nouveau combat »

Désormais, l'heure n'est plus au bilan mais à la réflexion dans l'état-major de la direction de Bosch. On se veut néanmoins rassurant pour la suite face aux inquiétudes causées par cette annonce, qui a engendré un débrayage à Rodez pendant la réunion décisive. « Le groupe a annoncé aux représentants du personnel lors de cette réunion de mercredi son engagement à chercher une alternative avec l'objectif de l'identifier d'ici fin 2023 », fait savoir la direction du groupe. Jusqu'à cette échéance, plusieurs réunions permettront de faire un point sur la situation de l'usine et ses productions. « L'accord de transformation de l'usine Bosch de Rodez comprend, en cas de décalage de l'activité hydrogène sur le site, une sécurisation de l'emploi avec l'apport de productions tampons. Nous nous y sommes engagés » assure l'équipementier. Les syndicats estiment qu'il faut aller vite, sous peine d'arriver à une issue irrémédiable.

« La direction doit tenir ses engagements. L'accord de transformation a une valeur juridique et nous n'hésiterons pas à nous en servir pour obtenir gain de cause. Maintenant, il n'y a plus de temps à perdre. Cinq ans dans l'industrie (qui mènent à 2028 et la fin de l'accord, ndlr), cela va très vite. Il faut identifier le produit, puis deux à trois pour l'industrialiser... Si rien n'est fait, cela signifie que la fermeture de l'usine est programmée. Pour nous, c'est un nouveau combat », témoigne le syndicaliste Cédric Belledent.

Autre point sensible, l'avenir du projet Fresh 2, suspendu pour au moins plusieurs années.Dans les rangs des salariés, on souhaite aussi un engagement écrit de la part de la direction pour sécuriser à Rodez la production de la pile à combustible à hydrogène en cas de relance du projet. « C'est notre bébé, c'est à nous de l'industrialiser », clame le représentant du syndicat Sud. Comme pour les injecteurs de moteur diesel, les 513 salariés de l'usine dans l'Aveyron ne veulent pas que l'histoire se répète à nouveau avec une délocalisation à l'étranger de cette production stratégique. « En attendant, nous sommes prêts à accueillir une ligne de production transitoire », promet le représentant du personnel. C'est un nouveau chapitre social complexe qui s'ouvre dans l'Aveyron.

Lire aussiLa reprise manquée de la fonderie SAM par MH Industries : raisons d'un échec annoncé

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Commentaires 4
à écrit le 23/06/2023 à 11:42
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Malheureusement, combien de ces projets annoncés à grand renfort de publicité, risquent de capoter ? Surtout d'ailleurs ceux liés à l'hydrogène liquide, qui impliquent 1°) De pouvoir produire de l'hydrogène de façon économiquement rentable 2°) De pou...

à écrit le 23/06/2023 à 7:48
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Aux papeteries de condat où les actionnaires vont fermer une ligne de production et donc supprimer 180 emplois, il y a 6 ou 7 ans un directeur polonais de l'usine, parlant pas très bien le français ça doit être pour ça certainement, ils se succèdent,...

à écrit le 22/06/2023 à 19:48
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Malheureusement, combien de ces projets annoncés à grand renfort de publicité, risquent de capoter ? Surtout d'ailleurs ceux liés à l'hydrogène liquide, qui impliquent 1°) De pouvoir produire de l'hydrogène de façon économiquement rentable 2°) De...

à écrit le 22/06/2023 à 14:16
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Si on n'arrive pas à décarboner les camions frigorifiques en France, il vaut mieux considérer que la France doit être rayée de la carte du monde.

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