LA TRIBUNE - Quel poids représente la filière drones dans le Sud-Ouest ?
ARNAUD RIMOKH - Le Sud-Ouest a toujours été une terre fertile pour les drones. C'est ici qu'a été organisé le premier salon professionnel, l'UAV show, qu'est né le premier cluster drones, etc. La création de cette filière s'est faite sur ce terreau de la filière aéronautique et spatiale. En Occitanie, 90% des acteurs du drone sont implantés dans un rayon de 50 km autour de Toulouse. Du côté de la Nouvelle-Aquitaine, les acteurs sont très éclatés du Nord de la Rochelle, à Bidard, en passant par Bordeaux et Pau, en suivant là aussi l'implantation géographique des principaux acteurs aéronautiques.
Actuellement, 156 adhérents du pôle de compétitivité sont portés sur la thématique drones. Ce sont des acteurs pour qui le drone pèse 5 à 100% de leur chiffre d'affaires. Parmi eux, nous comptons 60% de PME, dont 80% de TPE. La filière est très atomisée, peu consolidée, elle n'est pas structurée comme la filière aéronautique avec des donneurs d'ordre, des équipementiers de rang 1 et 2. L'autre spécificité de la filière drones est qu'elle demande la complexité du marché spatial en adressant des centaines de cas d'applications. Il existe plus de 650 cas d'usage des drones répertoriés.
Comment structurer cette filière et faire en sorte qu'elle se démarque face à la concurrence asiatique ?
Ce phénomène de structuration est similaire à ce qu'a connu la filière aéronautique. Il n'existe plus 60 ou 80 constructeurs aéronautiques comme dans les années 1900. Cet effort de consolidation ne s'est pas encore fait pour les drones. Nous avons 30 constructeurs de drones sur les deux régions, soit la taille d'un pays comme l'Autriche. Mais l'atout du grand Sud-Ouest est de pouvoir fournir l'ensemble de la chaîne de valeur : la construction de plateformes aériennes, la liaison de données avec la station sol et le traitement de la donnée.
Beaucoup d'acteurs, de TPE, se lancent encore dans la construction de plateformes mais la réalité, c'est que le client final attend une solution clé en main. Un opérateur d'infrastructures vitales voudrait avoir un fichier Word stipulant les points de faiblesse de ses principales infrastructures plutôt qu'un disque dur avec 400 giga octets de données brutes non traitées. Les clients finaux n'ont pas forcément les compétences, ni le temps pour analyser la totalité des données aériennes. Une société comme Delair a continué à avoir une activité de construction mais a développé une activité plus aval jusque dans la production de dossiers de renseignement ou de traitement de la donnée. Les constructeurs seuls vont avoir de plus en plus de mal à trouver leur place sachant que le client attend plus que la simple fourniture d'heures de vol.
Tout le monde connaît le succès du fabricant chinois DJI. La Chine compte plus de 7.000 fabricants de drones mais cela ne veut pas dire qu'il existe 7.000 vendeurs de plateformes drones. La proposition de valeur de la plateforme ne suffira pas. Le drone est un outil au service du numérique autour de 3D (dull, dirty and dangerous), autrement dit pour toutes les actions laborieuses ou dangereuses. Dans l'inspection des forêts par exemple, les drones servent à inspecter les cimes des arbres là où il fallait auparavant des grimpeurs, en mettant des personnes en danger. Le drone est l'intermédiaire entre le piéton et le satellite, il combine la proximité du sol et la capacité à avoir une vue de haut avec une revisite plus fréquente.
Vous êtes en poste depuis un an au sein d'Aerospace Valley. Quels sont vos chantiers prioritaires pour soutenir la filière drones ?
Nous avons mis en place une feuille de route stratégique autour de quatre axes. Le premier concerne les drones civils professionnels où l'idée est de renforcer les liens avec les autres secteurs utilisateurs de drones comme l'énergie, la croissance verte, la croissance bleue, le monde agricole. Nous développons des liens aussi avec les autres pôles et des fédérations professionnelles. Le deuxième axe porte sur la mobilité aérienne. Notre mission est de faire émerger des briques pour répondre aux besoins des nouvelles mobilités, du transport logistique, des taxis volants. Il faut penser au véhicule en lui-même mais ce n'est que la partie immergée de l'iceberg, il faut imaginer les liaisons de données entre ces plateformes et le sol, des stations de supervision et l'atterrissage de ces drones dans des drones ports et enfin l'insertion des drones dans le transport aérien (UTM). Notre mission est d'amener les briques technologiques de nos membres vers cette mobilité aérienne. Il y a un projet à Toulouse Métropole "Ville agile" pour redynamiser l'aéroport de Francazal et en faire de l'expérimentation de mobilité aérienne. Côté Nouvelle-Aquintaine, la société occitane Setec a remporté l'appel d'offres pour aider la région Nouvelle Aquitaine et Bordeaux Métropole pour construire une stratégie en mobilité aérienne.
Le troisième axe cible les drones d'État et militaires avec un accompagnement de programmes pour répondre à des enjeux de sécurité civile. Il existe des initiatives dans la région nîmoise en la matière. Le dernier axe est la promotion de nos adhérents pour un rayonnement national, le renforcement de la coopération internationale. Par ailleurs, Aerospace Valley va contribuer au projet Tindair coordonné par la PME toulousaine Innov'ATM. Quatre millions d'euros de fonds européens vont être alloués au projet pour travailler sur l'intégration de la mobilité aérienne en milieu urbain.
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