La presse avait rendez-vous à proximité du stade Ernest-Wallon, à Toulouse jeudi 15 décembre, pour le démarrage du premier chantier de génie civil de la ligne C. Le nouveau nom de la future troisième ligne de métro. Pour le symbole, le maire de Toulouse et président de la Métropole, Jean-Luc Moudenc, a appuyé sur un bouton qui a enclenché la grande foreuse présente sur le chantier. Avec l'espoir d'y trouver du pétrole ? "Cela nous permettrait de régler une partie des surcoûts", répond-t-il avec ironie.
Si en façade la situation semble sous contrôle, les temps sont durs pour l'autorité organisatrice des transports en commun toulousaine, Tisséo, et Toulouse Métropole. Principaux soutiens financiers de cette future troisième ligne de métro, ils viennent de voir la facture de ce projet s'envoler. Initialement estimée à 2,3 milliards d'euros, puis 2,7 milliards, avant les 2,9 milliards et un énième calcul, cette infrastructure devrait finalement coûter 3,44 milliards d'euros.
Les élus locaux avaient rendez-vous ce jeudi 15 décembre pour le lancement des travaux de génie de civil (Crédits : Rémi Benoit).
La veille, mercredi 14 décembre, Tisséo était réunit en conseil syndical et a alors attribué les lots des chantiers de génie civil. Bien que les porteurs du projet s'attendaient à d'importants surcoûts, c'est seulement à la fin de la consultation des entreprises et la signature des contrats qu'un montant final a pu être dégagé. Au total, en quelques dizaines de minutes, Tisséo a distribué environ 1,1 milliard d'euros de marché public et c'est ce segment qui a subi une forte augmentation.
"C'est un chantier hors norme qui est financé sur 50 ans, et non pas trois ans comme un collège ou un lycée. Mais on retrouve ce même ration d'inflation de 20% comme il existe actuellement sur ces infrastructures scolaires. C'est le problème des matériaux, le problème de l'inflation, le problème de l'énergie...Tout cumulé...", commente Jean-Michel Lattes, le vice-président de Toulouse Métropole en charge des transports en commun et président de Tisséo.
Un plan de financement présenté en janvier
Au final, cela fait environ un surcoût de 500 millions d'euros à combler (contre les 300 millions imaginés dans un premier temps) et pour lequel des solutions de financements doivent être trouvées. Sur le papier plusieurs solutions sont sur la table pour boucler le financement de ce projet annoncé en décembre 2013 par Jean-Luc Moudenc, alors en campagne pour conquérir le Capitole.
Le protocole a eu lieu non loin de la future station des Sept Deniers (Crédits : Rémi Benoit).
Tout d'abord, le maire de Toulouse a fait appel à l'État, avec d'autres homologues, pour obtenir une aide exceptionnelle de plusieurs milliards d'euros sur ces projets de transport collectif. Une demande qui n'a pas encore reçu de réponse satisfaisante à ce jour. Par ailleurs, l'Europe pourrait venir apporter quelques millions en 2023 au projet, mais pas de quoi inverser la tendance de manière notable (autour de 10 millions d'euros). Toulouse Métropole pourrait également décider de répercuter ces surcoûts sur la fiscalité locale. "Il n'y a pas de lien entre les impôts locaux et le chantier. Les taux d'imposition n'ont pas bougé cette année par exemple", se défend Jean-Michel Lattes. Le prix des tickets sur le réseau Tisséo pourrait aussi être un levier, au-delà des prêts et autres solutions bancaires existantes.
"Sacha Briand (le vice-président de Toulouse Métropole en charge des finances, ndlr) est en train de prévoir des solutions. L'enjeu est de trouver des dispositifs d'étalement par exemple et/ou de renforcement de la part de Toulouse Métropole en particulier dans le financement, etc", commente Jean-Michel Lattes.
Tisséo et Toulouse Métropole donnent rendez-vous en janvier pour la présentation de la... 5ème version du plan de financement de la troisième ligne de métro à Toulouse. Les voeux à la presse de Jean-Luc Moudenc, fixés au 5 janvier, pourraient être une première fenêtre de tir.
L'opposition appelle à la mise en place d'un RER
Depuis l'annonce de ces surcoûts, l'opposition ne cesse d'attaquer Jean-Luc Moudenc sur son "obstination du tout-métro" devant une facture qui ne cesse de s'étirer, notamment dans les rangs de l'opposition municipale. À l'occasion de la cérémonie entourant le lancement de ce premier chantier de la future ligne de métro et les nombreux discours associés, certains n'ont pas hésité à remettre une pièce dans la machine. "La maîtrise du plan de financement reste posée... Seulement, la troisième ligne de métro est nécessaire mais ne sera pas suffisante", a notamment déclaré devant une assemblée de 300 personnes Martine Croquette, la vice-présidente du conseil départemental de Haute-Garonne en charge des mobilités.
La ligne C est la nouvelle appellation de la troisième ligne de métro à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).
La collectivité, tenue par les socialistes face à un maire toulousain de droite, a financé en partie ce futur métro pour près de 200 millions d'euros et appelle de ses voeux aussi le lancement d'un RER métropolitain. "En complémentarité de ce futur métro, on devra développer l'étoile ferroviaire", a insisté Thierry Cotelle, conseiller régional de la région Occitanie, aussi à la main des socialistes. Pour ces collectivités, et les oppositions politiques à Jean-Luc Moudenc, le contexte pour l'émergence d'un RER à Toulouse est plutôt favorable, notamment après la sortie médiatique d'Emmanuel Macron sur le sujet. Certains élus d'opposition demandent même au maire de Toulouse d'arrêter le chantier et de flécher les financements vers le RER, jugé plus utile selon eux.
De son côté, la majorité installée au Capitole doute de l'intérêt d'un RER et émet des réserves sur son coût réel, bien que la troisième ligne de métro ait été pensée pour être connectée à cinq gares métropolitaines.
"Est-ce-que tous les grands chantiers de France s'arrêtent quand ils prennent 20 % de hausse ? Je ne crois pas", répond Jean-Michel Lattes. "Nous faisons face à une conjoncture terrible, mais nous avançons, nous croyons en l'avenir et nous avons confiance. Il serait irresponsable de différer cet investissement ou le phaser, comme je l'entends souvent. Nous allons trouver des solutions pour générer des recettes et des économies et absorber ce surcoût", conclut Jean-Luc Moudenc.
Quel calendrier ? Après les travaux de préparation des sols, comme les études archéologiques et la déviation des différents réseaux, la journée du 15 décembre a été marquée par le début des gros travaux de génie civil. Pendant un an, les "trous" des futures stations vont apparaître tout au long du tracé déterminé. Les tunneliers entreront ensuite en action à partir de fin 2023, avec un avancement de 250 mètres par mois en moyenne. Le second oeuvre interviendra à partir de 2026 et à partir de fin 2027, la ligne C du métro à Toulouse sera prête pour une marche à blanc de six mois. Si tout se passe comme prévu, Jean-Michel Lattes parie sur une entrée en service "fin 2028".
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