
C'est une véritable bombe lâchée par The Telegraph, jeudi 14 mai. Sans préciser l'origine de ses informations, le quotidien britannique annonce que l'avionneur européen envisagerait un plan de réduction de ses effectifs de 10 000 postes, voire jusqu'à 10% de ses effectifs dans le monde (sur un total de 136 500). Si son concurrent Boeing a déjà annoncé une mesure similaire, Airbus n'a pas tardé à réagir en évoquant "des spéculations".
Autrement dit, circulez il n'y a rien à voir. Pour autant, dans un courrier adressé aux salariés du groupe à la fin du mois d'avril, le CEO Guillaume Faury avait prévenu ses collaborateurs : "la survie d'Airbus est en jeu si nous n'agissons pas maintenant", avait-il écrit. Alors qui dit vrai ? Selon La Dépêche Du Midi, un plan de restructuration "pire que Power 8" serait en préparation.
Entre 20 000 et 40 000 emplois directs menacés
Pour mémoire, ce plan lancé en 2007 par le président de l'époque, Christian Streiff, avait consisté à supprimer pas moins de 5 000 emplois chez Airbus sur trois ans, dont près de 3 300 rien qu'à Toulouse. Autant d'emplois avaient volé en éclats dans la sous-traitance aéronautique. Avec cette rumeur donc, la supply chain retient son souffle, et plus particulièrement la région toulousaine, qui abrite environ 90 000 emplois dédiés à la filière.
"J'ose espérer que les bruits de couloirs concernant Airbus, qui circulent depuis ce matin, ne sont que des bruits (...) S'il ne faut pas jouer à se faire peur, il faut néanmoins être réaliste. L'industrie aéronautique est conditionnée à la demande, qui émane des compagnies aériennes. Or, on sait qu'elles vont perdre 300 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2020 et les avionneurs s'attendre à recevoir zéro commande cette année. Dans ce contexte, je ne vois pas comment on éviterait une restructuration chez Airbus", lâche Alain Di Crescenzo, le président de la CCI Occitanie et vice-président de la CCI France.
Ce potentiel Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) viendrait alors s'ajouter à tout un tas de mesures déjà prises par Airbus, comme l'instauration du chômage partiel pour 3 000 de ses salariés en France (qui pourrait être étendu à toute la division Aviation Commerciale prochainement), mais surtout à la réduction des cadences de production d'au moins 33% jusqu'à une date indéterminée. Un aménagement de la charge de travail qui prend à la gorge tous les sous-traitants, comme Derichebourg Aeronautics qui prépare un PSE.
"Dans un avion, 20% de sa production se fait en interne et les 80% restants par la sous-traitance. Donc ce qui m'inquiète le plus c'est bien l'avenir de la supply chain. 20 000 à 40 000 emplois directs dans la filière sont menacés et c'est un impact de la crise extrêmement réaliste. Désormais, la question à laquelle nous devons tenter de répondre est comment minimiser l'impact", ajoute celui qui est aussi le patron de l'éditeur de logiciels IGE+XAO.
Un plan Ader exceptionnel en construction
Hasard du calendrier, la présidente du Conseil régional d'Occitanie, Carole Delga, a publié, en même temps que les rumeurs sur un potentiel PSE à Airbus, une tribune dans le journal Le Figaro dans laquelle elle appelle la filière, la France et l'Europe à maintenir le leadership dans ce domaine en se tournant vers l'avion plus vert pour demain.
"Nous savons qu'il y a une forte attente sociétale autour de la transition écologique. Je souhaite donc que l'on développe un avion plus vert, plus léger, hybride, moins énergivore car nous avons besoin de redonner confiance et ce mode de transport, nous avons besoin de nous rencontrer et je veux que l'avion perdure. Il faut défendre la filière aéronautique, tout en étant engagé dans la R&D pour la rendre plus verte", justifie l'élue régionale et ancienne ministre.
Pour accompagner la filière dans cette direction, le Conseil régional a annoncé la construction d'un "Plan Ader exceptionnel" (déjà quatre plans de ce nom ont existé pour soutenir la sous-traitance), qui serait potentiellement présenté en juin et qui aurait une durée de vie de 24 mois minimum. Selon nos informations, en plus de la Région, le Gifas, l'Aerospace Valley, Bercy et les grands donneurs d'ordres comme Airbus sont autour de la table pour construire ce plan. Si ce dernier pourrait avoir deux volets (un régional et un national), ils devraient contenir des mesures autour de la formation, l'accompagnement financier, de l'innovation et de la recherche, et des budgets pour rapatrier certaines productions. "L'argent injecté dans la filière devra rester en France et son déblocage doit aller vite", prévient même Alain Di Crescenzo.
Sujets les + commentés