Énergie : "l’autoconsommation va se développer" (Gilles Capy, EDF)

Alors que le gouvernement prépare actuellement la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le débat sur l’avenir du nucléaire et le développement des énergies renouvelables (ENR) reste ouvert. Gilles Capy, délégué régional d’EDF sur la région Occitanie revient pour La Tribune sur les enjeux du mix énergétique qui doit être mis en place dans la région et en France. Il juge notamment ambitieux, sans dire difficile, l’objectif du Conseil régional d'Occitanie d’être la première région d’Europe à énergie positive en 2050. Entretien.
Pour Gilles Capy, délégué régional d'EDF en Occitanie, la stratégie énergétique de Carole Delga est un pari osé.

Actuellement, le gouvernement et plus particulièrement le ministre de la Transition Écologique et Solidaire Nicolas Hulot (l'entretien a été réalisé avant sa démission, ndlr) prépare la prochaine PPE de la France jusqu'en 2028. Selon vous, que doit garantir ce futur texte et quels doivent être ses objectifs ?

Gilles Capy : On limite souvent la problématique énergétique à l'électricité. Or, elle ne représente qu'environ 25% de l'énergie consommée en France. Le reste provient des hydrocarbures, du gaz, etc. La problématique de la France est de produire une énergie avec trois objectifs : une énergie propre, compétitive et une sécurité dans son alimentation.

Seulement, les énergies éoliennes et photovoltaïques sont des énergies intermittentes. Elles ne produisent pas à tout moment de la journée. Par conséquent, plus vous installez de la capacité éolienne ou solaire dans un pays, plus vous devez installer des mécanismes de secours. Les centrales thermiques avaient ce rôle de centrale d'appoint pour assurer une sécurité dans l'alimentation.

Faut-il réduire au maximum la contribution du nucléaire dans la production d'électricité en France ou arrêter tous les réacteurs comme l'a fait l'Allemagne récemment ?

Quand le programme électronucléaire français a été lancé, personne n'y prêtait attention. Désormais le garder ou non est devenu le débat. Mais le nucléaire, la France le gardera parce que vous ne pouvez pas vous passer d'un modèle industriel où 70 % de votre électricité est produite par le nucléaire et qui permet l'autonomie énergétique à la France, à zéro.

Il y a aussi la question du CO2. Si vous fermez les centrales nucléaires, vous allez émettre à nouveau des quantités importantes de dioxyde de carbone, ce qu'a fait l'Allemagne en fermant ses centrales nucléaires en relançant ses centrales à charbon à la place.

L'avenir énergétique se trouve dans l'électricité mais il faut innover. Il faut trouver des nouveaux moyens de production, des nouveaux moyens de stockage et des moyens pour économiser l'énergie également.

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Il émerge de plus en plus d'initiatives citoyennes développant l'autoconsommation énergétique. Comment peut-on l'expliquer ?

Il y a tout d'abord une démarche individuelle. Actuellement, il y a 20 000 habitants en France qui ont choisi une offre d'autoconsommation. EDF propose une offre où nous venons chez le particulier, on installe des panneaux solaires, avec des batteries et vous auto-consommez l'énergie que vous avez produite. Mais cela ne représente que 10 %, des usages donc le modèle économique de l'autoconsommation n'est pas encore là. Ceux qui y adhérent sont plutôt des personnes qui d'un point de vue militant disent qu'ils auto-consomment. Après, les technologies progressent et nous sommes donc en train de passer de démarches individuelles à collectives. Mais là encore ce type de démarche ne couvre que 20% des besoins du quotidien.

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Il sera difficile de se passer du réseau d'alimentation traditionnel. Le solaire fonctionne entre 10 et 12 % du temps dans les endroits les plus ensoleillés comme l'Occitanie et l'éolien environ 30 %. Ce qui veut dire que le reste du temps il faut prendre le relais avec le réseau d'alimentation classique. L'autoconsommation ne pourra jamais assurer 100 % des besoins de l'utilisateur. Mais ce mouvement va tout de même se développer.

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 Justement, la présidente de la Région Occitanie Carole Delga aimerait devenir la première région d'Europe à énergie positive d'ici 2050. Pour cela, il faudrait que la production d'ENR en Occitanie augmente de 250%. Est-ce jouable selon vous ?

Le principal avantage de la stratégie de la Région est qu'elle donne un cap en prenant acte des ressources existantes sur son territoire comme le vent et le solaire qu'on n'utilise pas encore à l'optimum. L'énergie hydraulique quant à elle est la première ENR dans la région Occitanie. Elle représente pas moins de 45 % de la puissance électrique totale que nous avons sur la région, tandis que le nucléaire ne représente que 22 %. Le reste est assuré par l'éolien et le solaire. Cependant, le nucléaire représente 55 % de la consommation régionale, l'hydraulique 30 %, l'éolien et le solaire pour le reste. Donc en Occitanie, nous sommes quasiment à l'objectif de la transition énergétique française, à savoir 50 % de nucléaire et 50 % en ENR dans la répartition de la consommation électrique.

Mais quels sont les principaux obstacles pour parvenir à cet objectif de première région à énergie positive d'Europe d'ici trente ans ?

Cette région a un problème à régler que d'autres n'ont pas : la croissance démographique. La région Occitanie est le territoire qui attire en France le plus d'habitants chaque année. Il va donc falloir mettre beaucoup de moyens pour faire baisser la consommation en énergie car l'hypothèse retenue dans le scénario de Carole Delga est une baisse de 30 à 40 % de la consommation électrique par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. C'est énorme.

Le second enjeu, c'est celui de l'acceptabilité. Aujourd'hui en France on met 6 ans pour installer un mât d'éolien et même parfois plus, soit pratiquement le double par rapport à certains pays européens. Il faut donc parvenir à faire accepter aux habitants l'éolien et le solaire sur des surfaces importantes afin d'éviter les recours juridiques.

Après, être une région positive qui vise à couvrir tous les besoins par la production locale, ce n'est pas possible.

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