"Il y a urgence à agir", "il faut respecter la dignité des 18-24 ans", "nous sommes face à une détresse sociale de la jeunesse". Le président socialiste du conseil départemental de Haute-Garonne, Georges Méric, ne manque pas de formules pour justifier l'intérêt du revenu de base pour les jeunes qu'il veut expérimenter sur son département dès le début du mois de mars 2022.
C'est ainsi que les élus du conseil départemental, réunis en assemblée plénière mardi 14 décembre, ont approuvé la délibération plantant le cadre de cette future expérimentation. D'une durée de 18 mois, celle-ci va coûter neuf millions d'euros à la collectivité sur ses fonds propres. 1.000 jeunes de 18 à 24 ans - ainsi tirés au sort grâce à des bases de données internes - seront contactés pour être volontaires et ainsi bénéficier d'un revenu de base de 350 à 500 euros par mois, en fonction des revenus fiscaux de référence du foyer de résidence du jeune en question.
"En Haute-Garonne, nous avons 150.000 jeunes de 18 à 24 ans. Parmi eux, 37% ne recourent pas aux aides financières dont ils ont le droit. Versé automatiquement, ce revenu de base et d'existence peut être un complément qui permettra de répondre à tous les besoins primaires comme le logement, l'alimentation ou l'énergie", explique Arnaud Simion, le vice-président du conseil départemental de Haute-Garonne, en charge de l'action sociale de proximité.
Bien que tirés au sort, les volontaires devront être représentatifs de l'ensemble des situations existantes sur le territoire départemental, aussi bien au niveau géographique, financier que professionnel. Par ailleurs, la collectivité compte élaborer "un règlement" pour arrêter les derniers détails d'attribution d'ici début mars, mais aussi les conditions d'exclusion d'un jeune bénéficiaire qui ne jouerait pas le jeu de l'expérimentation...
Questionnaires et entretiens approfondis
Pour mener à bien celle-ci, le conseil départemental a engagé un travail depuis deux mois avec six chercheurs du laboratoire interdisciplinaire Solidarités, Sociétés et Territoires (LISST) de l'université Jean-Jaurès de Toulouse. C'est ainsi que les chercheurs ont conseillé Georges Méric et ses équipes d'expérimenter un revenu de base entre 350 et 500 euros par mois, alors qu'initialement la collectivité imaginait descendre jusqu'à 150 euros.
Georges Méric et son vice-président Arnaud Simion ont présenté les derniers détails de leur future expérimentation d'un revenu de base pour les jeunes de 18 à 24 ans (Crédits : Rémi Benoit).
Par conséquent, dans le cadre de ce partenariat, il est demandé aux jeunes bénéficiaires d'être "accessibles" pour les chercheurs. "La seule contrepartie est que nous leur demanderons de jouer le jeu et de donner suite aux diverses sollicitations des chercheurs au cours de l'expérimentation", fait savoir Arnaud Simion. "Nous voulons vraiment étudier la chose et voir quelles conséquences ce dispositif a sur cette tranche d'âge, sans contrepartie attendue en retour pour en bénéficier", ajoute le président Georges Méric.
Dès lors, cette expérimentation fera l'objet d'un suivi en double aveugle. Concrètement, un groupe de 1.000 jeunes tirés au sort bénéficiera de ce revenu de base expérimental, tandis qu'un second groupe de 1.000 sera aussi tiré au sort mais n'en bénéficiera pas quant à lui.
"Pour suivre les jeunes au quotidien, nous avons appliqué une méthode mixte. Nous les interrogerons avant l'expérimentation, à mi-parcours, à la fin et certainement un peu de temps après pour suivre l'évolution. Il y aura une enquête sous forme de questionnaires, mais aussi avec des entretiens approfondis", détaille François Sicot, professeur des universités en sociologie et membre du laboratoire LISST.
Le préfet va-t-il bloquer l'expérimentation ?
Bien que très avancée et quasiment calée, cette expérimentation pourrait ne jamais voir le jour. Comme annoncé, le conseil départemental de Haute-Garonne passe en force dans ce dossier et agit en dehors de tout cadre légal, la collectivité n'ayant pas d'autonomie d'action sur ce sujet. Par conséquent, le préfet du département, Étienne Guyot pourrait faire annuler cette délibération dans les prochains jours.
"J'espère que le préfet aura un discernement d'utilité sociale et prendra ses responsabilités, ou il nous l'interdira et nous contesterons. Mais quoi qu'il se passe, nous respecterons la loi", promet Georges Méric, qui compte s'entretenir avec le préfet à ce sujet.
De plus, l'élu départemental (et socialiste) s'oppose sur ce sujet au gouvernement et son initiative de Contrat d'engagement jeune. Celui-ci consiste à bénéficier d'un revenu mensuel de 500 euros en l'échange de l'inscription à une formation, un parcours d'insertion, ou à la recherche active d'un emploi.
"Le revenu d'engagement présenté par le gouvernement est une annonce publicitaire. Il est annoncé pour mars 2022 et pourtant ce dispositif ne figure pas dans le budget 2022. Il est donc repoussé aux calendes grecques", peste le président du conseil départemental.
Par ailleurs, le département de Haute-Garonne n'a pas souhaité s'associer à l'initiative du conseil régional d'Occitanie et son revenu écologique jeune, qui demande lui aussi une contrepartie. Ce dernier, qui doit voir le jour en 2022 conditionne l'obtention d'une indemnité mensuelle en l'échange de l'inscription à une formation en vue d'exercer un métier vert.
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