Gestion de l’eau : comment font les autres métropoles ?

Régie publique ou délégation de service public ? Toulouse Métropole doit décider, avant la fin d’année, de son futur mode de gestion de l’eau et de l’assainissement pour ses 37 communes. Quelle gouvernance de l’eau est la plus pertinente entre publique ou privée ? Hervé Paul, président de la commission eau, assainissement et énergie de la Métropole Nice Côte d’Azur ainsi que du conseil d’administration de la régie Eau Azur et Tristan Mathieu, délégué de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) ont venté les mérites des entreprises qu’ils représentent lors d’un débat organisé par le Codev (instance d'expression citoyenne de Toulouse Métropole).
Les élus de la Métropole devraient trancher pour un mode gestion de l'eau public ou privé le 13 décembre prochain.
Les élus de la Métropole devraient trancher pour un mode gestion de l'eau public ou privé le 13 décembre prochain. (Crédits : Flickr/Cha già José)

Jusqu'ici, en terme d'eau et d'assainissement, chaque commune de la métropole pouvait sélectionner le mode de gestion qui lui convenait le mieux. Sur le territoire de Toulouse Métropole il y près de 14 différents choix de gestion. Par exemple, Brax, Tournefeuille, Pibrac, ou encore Colomiers disposent d'une régie publique tandis que d'autres font appel à des entreprises privées pour une délégation de service public (DSP) comme Toulouse avec Veolia et Balma avec Suez.

Cependant, la gestion de l'eau et son assainissement sont dorénavant des compétences métropolitaines qui doivent être gérées de façon unique dès 2020 pour l'ensemble des 37 communes du territoire métropolitain. Les élus devront ainsi trancher, mi-décembre prochain, entre un gestionnaire privé ou public. Ce nouveau mode de fonctionnement unique fera, entre autres, baisser les prix dans plusieurs communes et augmenter dans d'autres. Aujourd'hui, il existe une quinzaine de grilles avec des prix de l'eau et de l'assainissement qui vont de 3,13 euros à 4,75 euros TTC/m3, dont 3,73 euros TTC/m3 à Toulouse, d'après les chiffres relevés par le Codev. La décision pourrait également avoir des conséquences sur le niveau d'endettement de la collectivité. 

À l'occasion d'une conférence organisée par le Codev (instance d'expression citoyenne de Toulouse Métropole) le 24 octobre dernier, Hervé Paul, président de la commission eau, assainissement et énergie de la Métropole Nice Côte d'Azur ainsi que du conseil d'administration de la régie Eau Azur et Tristan Mathieu, délégué de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) ont débattu autour des deux modes de gestion.

 Lire aussi : Le prix de l'eau va-t-il augmenter à Toulouse Métropole ?

"Reprendre les rênes" avec une régie publique

Dans le cas niçois, le choix s'est porté pour une régie en 2013 pour une mise en service en février 2015. Dans ce contexte, a été créée Eau Azur, une entreprise publique dédiée qui s'occupe de la gestion et distribution d'eau des 49 communes que compte ce territoire "très disparate" où il y autant "de côtes et de littoral que de vallées et de montagnes". Hervé Paul, le président de la commission eau, assainissement et énergie de la Métropole Nice Côte d'Azur, explique que c'est le "facteur solidarité" qui a guidé ce choix de régie publique sur un territoire qui était une DSP "depuis plus d'un siècle". Pour cet élu, la régie a été le moyen pour la collectivité de reprendre les rênes.

"Pendant l'exploitation par Veolia, les élus avaient donné les clés de la maison. Il était important que l'on reprenne la main avec la nécessité d'une maîtrise d'ouvrage forte", raconte-t-il.

Pour Tristan Mathieu, délégué de la FP2E (Fédération professionnelle des entreprises de l'eau), le nœud du sujet est la gouvernance des services publics et l'autorité organisatrice. Pour lui, même lorsqu'elle délègue la gestion de l'eau et de l'assainissement à une entreprise privé, la collectivité reste pilote du projet. C'est à elle de fixer des objectifs de performance et de prix et de veiller à ce qu'ils soient atteints.

"C'est un sujet de refonte de l'autorité organisatrice. Un opérateur, ça se contrôle. Nous ne sommes plus dans les années 80/90 où déléguer voulait dire délaisser. La première des choses que l'on attend des élus est de savoir quels objectifs ils fixent pour les services de l'eau, comment ils souhaitent les organiser, quelle place on réserve aux citoyens, quelles actions sociales on veut mener, quel niveau d'investissement on va programmer pour les années suivantes et comment ce service d'eau et d'assainissement va interagir avec d'autres services publics et atteindre les niveaux de performance et de sécurité qu'on souhaite lui donner", explique ce représentant des groupes et entreprises d'eau et d'assainissement.

Des entreprises privées de prestige

Outre la reprise de la maîtrise de son réseau d'eau, le choix de la régie a eu pour répercussion de nombreux changements en faveur "de la qualité pour tous" sur la Métropole Nice Côte d'Azur. L'entreprise de régie publique, Eau d'Azur, a racheté l'ensemble des ateliers et bureaux de Veolia sur place. Par ailleurs, il y a eu une reprise de 40 salariés qui travaillaient chez l'ancien exploitant. Un plan de rattrapage dans lequel 25 millions d'euros ont été investis sur cinq ans a ainsi été voté afin d'avoir le même niveau de service sur l'ensemble du territoire.

"Nous avons mis à disposition du moyen et du haut pays des outils qui ne servaient qu'à la bande côtière puisque Veolia ne travaillait pas pour eux. Nous sommes en train de finir la pose de 8 000 compteurs puisque certaines communes n'en avaient pas, on a mis en place des usines de traitement de l'arsenic pour les sous-sols qui en contiennent naturellement ainsi qu'un système de chloration automatique, etc", se réjouit Hervé Paul.

Face à cela, Tristan Mathieu plaide le prestige des sept groupes et entreprises de l'eau adhérentes de FP2E telles que Veolia ou Suez.

"Ces entreprises font la fierté de notre pays. Ce sont 1 000 chercheurs et 120 millions d'euros de R&D chaque année. Elles ont du savoir-faire et des niveaux d'alerte importants, et ont développé des technologies. De plus, nous avons une excellente connaissance des réseaux sur laquelle les régies ont de gros progrès à faire. Quand les services de la Métropole toulousaine piloteront, je l'espère, un des leaders mondiaux ce sera vraiment une belle mission. C'est une vitrine du savoir-faire français qui apporte pour les élus locaux de la réflexion sur les datas, les donnés, la R&D, etc", se projette-t-il.

Des performances compatibles ?

Lorsque l'existence d'un dogmatisme politique dans la régie est abordé, Hervé Paul s'offusque :

"C'est le choix d'un projet politique au sens noble du terme pour l'organisation du service de l'eau. Nous avons des conditions d'acquisition, des outils, des prestations qui sont très proches de celles des grands groupes. La différence, c'est que lorsque vous payer un euro sur votre facture d'eau dans une régie, la Métropole ne dégage pas de bénéfice et ne paye pas d'impôt sur le bénéfice, on n'a pas de charge qui vient s'ajouter au coût d'exploitation."

Pour Tristan Mathieu, les performances d'une régie publique et d'une entreprise privée ne sont pas comparables sur plusieurs niveaux.

"Il y a 800 appels d'offres par an en France pour lesquels les entreprises se bâtent avec leurs concurrents européens, asiatiques et c'est de cette concurrence que naît le transfert de savoir-faire, de technologies et la prise de risque. Une entreprise publique n'est jamais mise en compétition. En cas de crise, face à des groupes qui opèrent 4 000 services d'eau et d'assainissement en France, aucune collectivité ne peut avoir la même gestion. En cas d'interruption de l'alimentation en eau, ils ont des stocks de bouteilles d'eau de l'ordre de 80 000 à 100 000 pièces. Lorsqu'il y a des problèmes en Corse on est capables d'envoyer  des unités de traitement mobiles de Lille. Face à la rareté de l'eau, avoir des boîtes qui gèrent des DSP en Espagne, ont construit une usine de dessalement d'eau de mer en Israël, sont appelées en Californie pour les problèmes de sécheresse, ça a de la valeur parce que demain, il y aura de la performance à avoir sur ces domaines."

Un taux d'investissement multiplié par deux en régie publique 

Il surenchérit en assurant que le rapport qualité-prix des DSP n'est égalable par aucune régie publique en France.

"Aujourd'hui il y a 800 contrats de DSP qui arrivent à échéance et dans 99% des cas, les élus renouvellent. C'est bien parce qu'ils ont conscience de la performance de cet outil."

Une affirmation qu'Hervé Paul a tout de suite contesté.

"Si on compare des grandes DSP en milieu urbain à de petites régies en milieu montagnard où il y a des difficultés sur la ressource en eau, évidemment que le privé est mieux. Il ne faut pas dire que la qualité c'est le privé et le bricolage ce sont les régies. Elles sont au moins aussi performantes que les leaders de l'eau. À Nice en investissements, là où dans une DSP avait 11 millions d'euros d'investis par an, la régie a investit 24,5 millions d'euros par an", rétorque-t-il.

La participation citoyenne

Le seul point sur lequel les deux hommes sont en accord est l'importance de la gouvernance partagée qui implique la participation citoyenne. "Par exemple, à Lille vous allez trouver des représentants de consommateurs dans les instances de l'opérateur", assure Tristan Mathieu. En ce qui concerne la régie publique de la Métropole Nice Côte d'Azur le conseil d'administration de la régie est composé de 20 élus, et de trois représentants du personnel, d'une association de consommateurs et de l'université.

Lire aussi : Gestion de l'eau : que choisira Toulouse Métropole ?

En ce qui concerne Toulouse Métropole, la consultation citoyenne n'est pas d'actualité pour le choix du mode de gestion de l'eau. Cependant, les communes de Brax et de l'Union ont organisé une consultation publique ainsi qu'une votation. Le Codev a rappelé sur le site du collectif du Ô Toulouse qu'il est possible pour les citoyens, si 20% de demandes d'électeurs il y a, de réclamer à leur maire l'organisation d'une consultation citoyenne au sein de leur commune.

Le mode de gestion choisi par Toulouse Métropole entrera en vigueur en 2020, et ce, pour une durée de 12 ans soit jusqu'en 2031. "Le conseil de Toulouse Métropole prendra une décision, sur la base d'une proposition que je lui ferai, le 13 décembre prochain. À cette date, le débat sera clos", a annoncé Jean-Luc Moudenc, lors de sa conférence de presse de rentrée lundi 10 septembre.

Lire aussi : Gestion de l'eau à Toulouse : verdict le 13 décembre

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