Le prix de l'eau va-t-il augmenter à Toulouse Métropole ?

D'ici la fin de l'année, Toulouse Métropole va décider du mode de gestion unique de l'eau sur ses 37 communes. Elle devra trancher entre régie publique et délégation de service public. Ce choix va-t-il entraîner une hausse de la facture d'eau des Toulousains ? Éléments de réponse avec Rémi Barbier, spécialiste des questions de gouvernance de l'eau.
Le mode de gestion de l'eau qui sera choisi par Toulouse Métropole pourrait avoir des conséquences sur la facture d'eau des habitants.

Au 1er janvier 2020, tous les habitants des 37 communes de Toulouse Métropole seront soumis au même mode de gestion de l'eau. Les élus vont-ils opter pour une régie publique ou renvoyer cette mission à des entreprises privées (Veolia, Suez) dans le cadre d'une DSP (délégation de service public) ? Le choix sera réalisé en décembre prochain. Jusqu'ici, chaque commune de la métropole pouvait sélectionner le mode de gestion qui lui convenait le mieux. Par exemple, Tournefeuille, Colomiers, Brax et Pibrac ont actuellement une régie publique alors que la DSP prévaut à Toulouse (concession auprès de Veolia) et Balma (contrat d'affermage avec Suez)...

Derrière ces termes techniques, il y a un enjeu de taille puisque l'une des options choisies pourrait avoir des conséquences sur la facture d'eau des Toulousains ou le niveau d'endettement de la collectivité. À l'occasion d'une conférence organisée par le Codev (instance d'expression citoyenne de la métropole) le 14 juin dernier, Rémi Barbier, spécialiste des questions de gouvernance de l'eau, a donné des éléments pour en comprendre les implications.

DSP ou régie, un choix qui fait débat depuis le XIXe siècle

L'expert explique déjà que le choix entre garder la gestion de l'eau entre les mains de la collectivité ou la donner à des acteurs privés fait débat depuis le XIXe siècle.

"C'est à cette époque que naissent les grandes entreprises françaises comme la Générale des eaux (qui deviendra Veolia) et la Lyonnaise des eaux (ancêtre de Suez). L'Europe connaît alors un premier mouvement de privatisation des services de l'eau. Au Royaume-Uni, huit entreprises privées se partagent le marché. Mais des résistances surgissent, certains estiment que l'eau doit être un bien public et par conséquent gratuit. Des associations de consommateurs se forment, des procès sont lancés contre les compagnies privées, décrit Rémi Barbier en montrant une affiche de l'époque où il est inscrit "Refuse to pay rates" (refusez de payer les taxes).

Face au mécontentement de la population et aussi parce que l'exploitation de l'eau s'avère un business pas si rentable pour les acteurs privés, un mouvement de "remunicipalisation" de l'eau s'opère au début du XXe siècle au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne et en France où les concessions sont rachetées. "C'est aussi la période des premières élections des conseils municipaux", note le conférencier.

Au tournant libéral des années 80 avec l'arrivée au pouvoir de Margareth Thatcher ou Ronald Reagan, la délégation aux acteurs privés revient en force. Mais depuis les années 2000, la régie publique a la cote à nouveau. "180 cas de "remunicipalisation" dans 35 pays ont été identifiés mais il y en a sûrement plus", observe Rémi Barbier.

Le prix de l'eau plus cher avec la DSP

En France actuellement, seulement 25% des communes ont opté pour la délégation de service public mais cela représente 61% des usagers. Une chose est sûre : les communes ayant opté pour la DSP ont des tarifs de l'eau supérieurs à ceux placés en régie publique.

"D'après les chiffres du ministère de l'Agriculture, en France le tarif moyen est de 3,92 euros le mètre cube, avec une moyenne de 3,71 euros/m3 pour celles en régie et 4,11 euros/m3 pour celles en DSP (soit 10% de plus, ndlr)", détaille Rémi Barbier.

Au sein de Toulouse Métropole, on retrouve le même phénomène (voir carte ci-dessous). Parmi les communes où les tarifs les plus bas (entre 3,20 et 3,50 euros le m3) sont pratiqués on retrouve Pibrac, Colomiers et Cornebarrieu en régie publique alors que les tarifs les plus élevés (entre 4,40 et 4,80 euros/m3) sont appliqués à Fenouillet, Mondouzil et Drémil Lafarge, en DSP. Mais ce constat n'est pas vérifié partout. Brax, autre commune en régie publique, se situe dans la fourchette moyenne entre 3,80 et 4,10 euros/m3. De même, Toulouse qui est en concession avec Veolia pratique des tarifs plutôt modérés (entre 3,50 et 3,80 euros/m3).

prix eau toulouse metropole

À la suite de la publication de cet article Pierre Trautmann, vice-président de Toulouse-métropole en charge des délégations de service public précise que "les prix de l'eau ont augmenté du même pourcentage dans toutes les communes de la métropole depuis 2009. Cela peut expliquer que dans une commune le tarif de l'eau était initialement très bas, même avec 30% d'augmentation du tarif, il reste à celui d'autres communes voisines".

Les coûts cachés de la régie publique

Autre nuance à apporter selon Rémi Barbier : "les acteurs privés gèrent l'eau de certaines communes en DSP parce que cela coûterait trop cher aux collectivités de le prendre à leur charge".

C'est le cas par exemple quand il faut beaucoup de kilomètres de canalisations pour raccorder une proportion faible d'habitation en zone rurale par exemple où la rentabilité est moindre. Cela fait partie "des coûts cachés de la régie publique".

Le spécialiste reprend aussi l'économiste Simon Porcher. Ce dernier estime qu'il faudrait prendre en compte le niveau d'endettement des communes et savoir si l'on préfère une augmentation de la facture des habitants avec une gestion privée ou augmenter la dette de la municipalité avec une gestion publique.

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