À Toulouse, deux projets s'affrontent pour l'avenir de l'université

Menacées de décrochage dans le paysage universitaire français cinq ans après la perte du label Idex, les universités toulousaines tentent de se regrouper pour obtenir des fonds dans la prochaine vague du PIA 4. Mais le projet collectif porté par l'Université fédérale est concurrencé depuis quelques jours par l'annonce d'une initiative alternative portée par TSE, l'université Paul-Sabatier et l'Isae-Supaero. Une réunion vendredi pourrait encore faire converger les deux projets.
Toulouse est la deuxième ville universitaire de France avec plus de 100.000 étudiants.

L'affaire a fait grand bruit dans l'écosystème universitaire. Le 8 janvier, Christian Gollier, le directeur général de la Toulouse School of economics (TSE), école créée par le Prix Nobel d'économie Jean Tirole, rend public via son compte Twitter un projet de création d'une nouvelle université toulousaine regroupant la TSE et l'université Paul-Sabatier, en partenariat avec l'école Isae-Supaéro et qui serait baptisée Toulouse Tech University. Il met en avant le "déclassement académique annoncé de Toulouse" sur la carte des sites d'excellence. "La Toulouse Tech University a vocation a rejoindre le top 100 du classement de Shanghai, en assemblant les meilleures pépites scientifiques du site, plus de 80% des chercheurs du CNRS à Toulouse", ajoute-t-il.

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 "Les mêmes erreurs que lors des deux tentatives avortées de reconquête de l'Idex"

Cette annonce intervient alors que les universités toulousaines travaillent depuis un an pour présenter un projet collectif pour décrocher des fonds lors de la prochaine vague du PIA 4 (programme d'investissements d'avenir). L'initiative portée par l'Université fédérale de Toulouse et qui embarque derrière elle la quasi-totalité des disciplines universitaires de la Ville rose vise à décrocher 40 millions d'euros et surtout s'imposer parmi les sites d'excellence de la recherche française.

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Deuxième ville universitaire de France avec 107.000 étudiants, Toulouse a subi un sérieux camouflet en 2016 en perdant son label d'excellence (Idex) et ses 25 millions d'euros de financements annuels. En 2018, elle échoue à reconquérir le précieux sésame. Le jury international estimait notamment qu'il n'y avait "pas de réelle adhésion de tous les acteurs à une démarche de transformation". À l'Université Jean-Jaurès, le rapprochement des universités prévu dans le projet Idex ne faisait pas l'unanimité auprès de certains élèves et membres du personnel qui avaient multiplié les grèves et les blocus craignant notamment une hausse des frais d'inscription. Toulouse est désormais la seule métropole en France avec Rennes et Lyon à ne pas avoir ce label.

Cinq ans plus tard, l'Université fédérale de Toulouse s'est remontée les manches pour porter un nouveau projet collectif pour "créer une grande université de recherche". Mais pour Joël Echevarria, directeur général des services de TSE, le compte n'y est pas : "La trajectoire proposée risque de ne pas être conforme aux standards exigés par le jury international et reproduit les mêmes erreurs que lors des deux reconquêtes avortées de l'Idex". À l'automne dernier, Jean Tirole lui-même a publié une tribune pour dénoncer la direction prise par le projet toulousain. "Cette tribune n'a généré aucune réponse des parties prenantes, poursuit Joël Echevarria. Depuis un an, nous alertons sur la gouvernance trop floue d'un projet qui veut à tort intégrer tout le monde sur des bases scientifiques du plus petit dénominateur commun."

"La richesse des disciplines est une ressource"

Une vision contestée par le président de l'Université fédérale de Toulouse, Philippe Raimbault.

"Les enjeux scientifiques de demain sont essentiellement la réponse à des enjeux de société. À partir de là, il faut avoir la capacité à faire de l'interdisciplinarité. C'est la raison pour laquelle nous voulons construire un projet large avec une représentation de la quasi totalité des disciplines. Toulouse est une des rares villes universitaires en province où il y a une telle richesse de disciplines et il faut savoir l'utiliser comme une ressource."

Il alerte aussi sur le fait que déposer deux dossiers (pour le PIA 4) ne serait pas "une bonne manière de présenter le site" toulousain. Avec le risque en cas d'échec "de ne pas apparaître dans la carte des grandes universités et surtout ne pas avoir accès aux financements qui sont aujourd'hui réservés à certaines de ces grandes universités de recherche". Une discorde qui inquiète jusqu'aux plus hautes sphères de la recherche au sein du CNRS ou de l'Inra (institut national de la recherche agronomique) où l'on joue les médiateurs pour calmer les tensions.

Les représentants des universités toulousaines doivent se rencontrer lors d'une réunion vendredi 14 janvier pour arriver à converger vers un seul projet. TSE compte proposer comme compromis une communauté universitaire "en deux cercles". "En Europe, vous avez l'Union européenne et la zone euro. Cette dernière a permis à certains pays d'aller plus loin avec par exemple une monnaie commune. Nous voulons créer un noyau dur qui rassemble ceux qui acceptent d'aller plus loin, plus vite et différemment", lance Joël Echevarria. Le temps presse. Les universités ont jusqu'au 1er février pour déposer leur projet qui devra avant être adopté dans les conseils d'administration de chaque établissement.

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