Les anciens salariés de la fonderie SAM attaquent Renault et Jinjiang aux prud'hommes

Plus de six mois après leur licenciement suite à la liquidation de la fonderie SAM (Aveyron), près de 300 de ses anciens salariés ont décidé d'attaquer au conseil des prud'hommes l'industriel Renault et Jinjiang. Il est demandé à l'unique client du site et au dernier propriétaire de la société réparation du préjudice subi. Dans nos colonnes, le groupe automobile au losange réagit à cette annonce, tandis que l'avocat des salariés lâche ses coups. En parallèle, selon nos informations, le projet de reprise de la fonderie par le lotois MH Industries avance. Les détails.
Dans l'Aveyron, des anciens salariés de la fonderie SAM ont saisi les prud'hommes contre le groupe Renault et l'industriel Jinjiang.
Dans l'Aveyron, des anciens salariés de la fonderie SAM ont saisi les prud'hommes contre le groupe Renault et l'industriel Jinjiang. (Crédits : Pierrick Merlet)

"Après ce qu'ils ont enduré, ce n'est pas un, deux ou trois ans de bataille judiciaire supplémentaire qui va leur faire peur", met en garde Me Renaud Frechin. Cet avocat du cabinet toulousain Denjean & Associés va défendre les intérêts de 283 anciens salariés de l'ancienne fonderie aveyronnaise SAM. Ils viennent de déposer collectivement, auprès du conseil des prud'hommes de Rodez (Aveyron), autant de requêtes pour demander réparation du préjudice subi.

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Par cette démarche judiciaire, les anciens salariés visent le constructeur automobile Renault, et sa filiale APO (Alliance Purchasing Organization) qui centralise une grande partie des achats de l'industriel.

"Ce sont des salariés avec souvent beaucoup d'ancienneté, qui ont travaillé toute leur vie pour la fonderie SAM. Par salarié, on est à plusieurs dizaines de milliers d'euros en demande d'indemnités. Cela fait un total minimum de 15 millions d'euros pour l'ensemble du collectif", précise Me Renaud Frechin, joint par La Tribune.

Avec le déclenchement de cette procédure, l'avocat espère recevoir une convocation pour une audience de conciliation entre octobre et novembre 2022, puis pour les premières plaidoiries entre mars et mai 2023. Contacté par La Tribune, le groupe Renault dit "avoir pris bonne note de l'information appris dans les médias", mais ne souhaite pas davantage s'étendre sur le sujet pour le moment étant dans l'attente de la notification officielle par les instances juridiques.

"Certains voulaient la peau de la SAM"

Si tout cela ressemble à un bras de fer, maître Frechin fait tout de même savoir que ses clients "sont toujours ouverts à une négociation, mais qui a pour but de réparer le préjudice subi". En l'occurence, il s'agit d'indemniser ces anciens salariés qui ont perdu leur emploi à la fin du mois de novembre dernier, après la liquidation et l'arrêt d'activité prononcés par le tribunal de commerce de Toulouse, provoquant leur licenciement. Cette décision radicale faisait suite à celle de Renault, unique client du site industriel placé en redressement judiciaire alors, de ne pas soutenir l'unique projet de reprise porté par l'ancien dirigeant de la SAM, Patrick Bellity et son groupe Sifa.

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"C'est une petite gué guerre d'égo entre Patrick Bellity et certains hauts cadres dirigeants de Renault qui a causé la perte de plus de 350 emplois ! Certains, au sein du constructeur automobile, voulaient la peau de la SAM, ils l'ont eu. Maintenant, nous avons des preuves que Renault a fait des erreurs dans ce dossier. Si on y va, c'est qu'il y a possibilité d'obtenir satisfaction par voie judiciaire", explique l'avocat des salariés.

En début d'année 2022, Renault a pourtant proposé un accompagnement financier de 25.000 euros à chaque salarié de l'ancienne fonderie SAM, installée sur le bassin Viviez-Decazeville. La concrétisation d'une promesse faite fin 2021 par l'intermédiaire de Jean-Dominique Senard, le président du conseil d'administration du constructeur automobile français, qui avait alors promis "un accompagnement financier" et un accompagnement dans "leur reconversion". Mais selon nos informations, le versement de cette somme était conditionné au fait que cet arrangement soit accepté de tous les salariés sans exception.

Désormais, Renault, jugé comme "co-employeur" par le défenseur des ex-salariés, se retrouve avec un adversaire qui s'annonce déterminé à démontrer "ses erreurs". Celui-ci évoque la "reproduction clandestine des moules détenus par la SAM avant de les envoyer chez des sous-traitants en Espagne et Roumanie", ou encore "l'absence d'étude de viabilité économique sur le projet Bellity-Sifa". Mais le professionnel souhaite garder ses preuves et arguments pour la procédure et ne veut en dire davantage.

Le projet de reprise avance par un groupe lotois avance

À noter, la procédure devant le conseil des prud'hommes ne met pas au ban que Renault. Elle concerne aussi la société chinoise Jinjiang, dernier propriétaire en date de la fonderie SAM. Le géant de l'aluminium en Chine s'est porté acquéreur du site industriel à l'issue d'un premier redressement judiciaire en décembre 2017. Seulement, la société n'a pas réalisé la vingtaine de millions d'euros d'investissements promis pour la fonderie et a contraint les administrateurs judiciaires à reprendre le contrôle de la SAM, délogeant ainsi Jinjiang. Cela a entraîné un nouveau redressement judiciaire en 2019 pour l'industriel aveyronnais, avant de mener à sa liquidation trois ans plus tard, faute d'un repreneur désigné par les organes de la procédure.

"Nous demandons à Jinjiang réparation du fait des fraudes et des fautes de gestion", complète maître Frechin.

Selon nos informations, le conseil régional d'Occitanie serait sur le point d'acquérir, auprès de Jinjiang, les actifs immobiliers de l'ancienne fonderie. L'objectif ? Les entretenir et surtout les louer au porteur d'un projet industriel qui pourra relancer son exploitation.

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Le bénéficiaire de cette opération pourrait être le groupe lotois MH Industries, engagé depuis plusieurs mois dans la construction d'un business plan afin de reprendre la fonderie et une partie de ses anciens salariés. Toujours selon nos informations, un accord entre cette entité et les mandataires en charge de la procédure de liquidation serait sur le point d'être trouvé pour le rachat des outils industriels de la SAM. Le chèque pourrait aller de deux à trois millions d'euros.

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