Le Commandement de l'espace lance à Toulouse la construction de son futur outil de combat

REPORTAGE. A Toulouse, le Commandement de l'espace vient de lancer la construction de ses futurs bâtiments pour accompagner la montée en puissance de la France en matière de spatial militaire. En parallèle, les militaires profitent de l'exercice AsterX pour s'entraîner avec leurs homologues étrangers et expérimenter des technologies de pointe développées par les industriels et les acteurs du NewSpace.
Pendant dix jours, une centaine de militaires et de civils participent à la 4e édition de l'exercice spatial militaire AsterX.
Pendant dix jours, une centaine de militaires et de civils participent à la 4e édition de l'exercice spatial militaire AsterX. (Crédits : Rémi Benoit)

« La construction du futur Commandement de l'espace vient de commencer à Toulouse », a confirmé le Général Adam le 7 mars, en marge de la tenue de l'exercice spatial militaire AsterX. Sur un terrain de trois hectares sur la partie sud du CNES seront érigés, d'ici fin 2025, les futurs bâtiments du Commandement de l'Espace et du Centre d'excellence de l'OTAN. Un chantier à 80 millions d'euros qui permettra d'accueillir plus de 500 personnes et d'accompagner la montée en puissance de la France sur ces enjeux stratégiques.

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En attendant les bâtiments définitifs, les militaires continuent de s'entraîner pour monter en compétence sur ce nouveau champ de conflictualité. Le CNES héberge, pendant dix jours, la quatrième édition de l'exercice spatial militaire AsterX. Comme l'année dernière, il est question d'une grande puissance (Mercure) qui tente de déstabiliser un pays voisin, notamment en s'approchant trop près de ses satellites. Un scénario fictif mais pour autant crédible. En septembre 2018, la ministre des Armées Florence Parly avait dévoilé depuis Toulouse une tentative d'espionnage russe ciblant un satellite français, Athena-Fidus, mettant en évidence la vulnérabilité de l'infrastructure spatiale française et donnant l'impulsion pour la création du CDE. Plus récemment, en février 2022, une attaque sur l'entreprise américaine de télécommunications par satellite Viasat avait marqué l'un des premiers actes de la guerre en Ukraine.

Dans l'exercice AsterX, pour protéger un satellite de télécommunications ciblé, l'une des pistes de riposte testée est d'envoyer un satellite patrouilleur.

« Il va se positionner en orbite autour du satellite que nous souhaitons protéger. Et en parallèle, ce patrouilleur permet de surveiller les adversaires qui s'approchent afin de caractériser la menace », décrit le capitaine Charles.

Là encore, ce scénario se rapproche de la réalité puisque le Commandement de l'espace veut déployer, dès 2025, le démonstrateur de satellite patrouilleur Yoda, développé avec l'ETI toulousaine Hemeria pour veiller sur les satellites en orbite géostationnaire.

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15 nations participantes

A ses côtés dans la salle d'opérations, le capitaine Charles échange en anglais avec un militaire japonais spécialisé dans la surveillance de l'espace et venu à Toulouse spécialement pour l'exercice. Les Américains sont également venus en nombre et sont chargés de jouer les actions de la puissance étrangère Mercure, permettant un scénario non déterminé totalement à l'avance.

« Nous avons quinze nations participantes, soit trois fois plus que l'année dernière, et 27 joueurs à l'étranger (sur un total de 140 participants civils et militaires, ndlr) et 30 entités dont l'OTAN et l'Union européenne viennent en observateurs », indique le Général Adam.

commandement espace

Des Américains participent à l'exercice AsterX à Toulouse. (Crédits : Florine Galéron)

Le commandant de l'espace ajoute :

« Mis à part, les Américains qui ont le plus d'avance sur le sujet car ils y travaillent depuis longtemps, tous les autres pays sont, comme la France, en train de constituer leur commandement de l'espace. Les Italiens et les Allemands commencent en interne à mettre en place des exercices mais AsterX est pour le moment le seul exercice ouvert à l'international en Europe. Il faut que chacun définisse ses moyens d'action en fonction de la politique de son pays. Parfois aussi, nous ne mettons pas les mêmes concepts derrière certains mots, donc il faut apprendre à parler le même vocabulaire. Les défis de cette coopération internationale sont nombreux. »

Un exercice doté d'un budget d'un demi-million d'euros. Cette enveloppe est mise à profit notamment pour signer des contrats avec industriels et startups du secteur. C'est le cas, par exemple, d'ArianeGroup qui y voit l'occasion de tester son système de surveillance de l'espace Helix.

« Une vingtaine de télescopes sont répartis sur tous les continents et permettent de prédire les trajectoires des satellites. Cette année, nous simulons un nouveau type de télescopes pour observer les satellites non seulement de nuit mais également de jour. Cette technologie permet d'être plus réactif et de ne pas attendre la nuit pour recueillir des informations mais aussi d'avoir une vue sur les objets en orbite basse qui n'apparaissaient pas auparavant », avance Etienne Bosa, ingénieur en surveillance de l'espace chez ArianeGroup.

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Un peu plus loin, c'est un binôme de la startup Exotrail qui prend part à l'exercice. La société a développé un logiciel de caractérisation de la propulsion d'un objet.

« A partir d'une manœuvre, nous essayons de caractériser la propulsion d'un objet rouge (appartenant à la puissance étrangère Mercure, ndlr) pour anticiper ses mouvements futurs. Le logiciel réalise une détection automatique et envoie des alertes. Cela permet de tester la capacité opérationnelle de l'outil », expliquent Emilie Stival, cheffe de projet, et Colas Chevailler, développeur chez Exotrail.

Les équipes de la startup qui étaient, lors de l'édition précédente, en support technique de l'exercice sont, cette année, des participants à part entière de l'exercice.

Au-delà d'une cellule d'intégration commerciale composée d'industriels de référence pour expérimenter plus rapidement des solutions de spatial militaire lors de l'exercice, le Commandant de l'espace aimerait signer à terme des contrats avec des sociétés françaises pour l'épauler au quotidien dans ses missions.

Pleinement opérationnel à l'horizon 2030

Le CDE compte actuellement 350 spécialistes dont une centaine à Toulouse, pour l'instant hébergés dans des locaux provisoires au CNES, et le restant réparti entre les équipes du centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) de Lyon, le Centre militaire d'observation par satellites (CMOS) de Creil et l'état-major parisien.

général adam

Le général Adam (Crédits : Rémi Benoit).

« Nous espérons passer la première étape de qualification à la fin de l'année prochaine grâce au nouveau bâtiment qui va sortir de terre. Ce lieu permettra de concentrer pratiquement l'ensemble des effectifs du CDE et sera notre outil de combat. Le principal enjeu n'est pas dans les satellites, nous en avons déjà, mais dans notre capacité à commander nos opérations à partir de Toulouse dans ce bâtiment. Au-delà du bâti, il faudra que le réseau informatique et le stockage de données soient prêts », fait remarquer le Général Adam.

Le commandant de l'espace ajoute qu'il vise plutôt « la fin de la décennie 2030 pour arriver à pleine capacité opérationnelle avec des équipes mieux entraînées et notamment des permanences opérationnelles 24H/24 ».

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Commentaire 1
à écrit le 09/03/2024 à 9:34
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Bonjour, souvent ons se pose la question de savoir si ils y a une armée dans l'aire, alors dans l'espace s'est plus que difficile a constaté... Mais bon, pour les nouveaux bâtiments, j'espère qu'ils serons en bon bétons et assez profondément ente...

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