Cette spin-off d'Airbus va fabriquer à Toulouse des respirateurs autonomes pour les soins intensifs

En pleine crise sanitaire, des ingénieurs d'Airbus ont eu l'idée de fabriquer en France des respirateurs artificiels à partir de briques technologiques utilisées dans l'aéronautique. La startup Hilum Healthcare cherche désormais à lever trois millions d'euros pour produire depuis Toulouse d'ici quatre ans ses premiers respirateurs. Grâce à l'intelligence artificielle, ils seront en partie autonomes.
Damien Lozach, ancien ingénieur au sein d'Airbus à Toulouse est aujourd'hui directeur des opérations de Hilum Healthcare.
Damien Lozach, ancien ingénieur au sein d'Airbus à Toulouse est aujourd'hui directeur des opérations de Hilum Healthcare. (Crédits : Rémi Benoit)

En 2020, Mulhouse devient l'épicentre de l'épidémie de la Covid en France. Ingénieur chez Airbus en Allemagne, Alexandre Jaeg reçoit les témoignages de ses grands-mères qui voient passer depuis leur fenêtre les corbillards et le balai d'hélicoptères. Avec la fermeture des frontières, la France a de grandes difficultés à s'approvisionner en respirateurs artificiels auprès de ses voisins européens ou américains.

Puiser dans les technologiques utilisées dans l'aéronautique

L'ingénieur a alors l'idée de proposer au géant aéronautique de plancher en interne sur la fabrication dans l'Hexagone de tels équipements médicaux. Le projet mobilise jusqu'à 30 ingénieurs au sein du ProtoSpace, le FabLab d'Airbus et en lien étroit avec le CHU de Toulouse. Il débouche sur la réalisation éclair d'un premier prototype en douze jours et un second en trois mois à partir des briques technologiques utilisées dans l'aéronautique.

« Un avion agrège énormément de technologies : de l'oxygène, de la gestion d'air, de l'électronique de pointe, du logiciel embarqué pour des fonctions critiques... Autant de compétences disponibles en interne au sein d'Airbus qui étaient utiles pour développer de zéro un respirateur. L'idée avec ces prototype était de montrer que nous avions les compétences techniques pour y parvenir », se remémore Damien Lozach, ancien ingénieur au sein d'Airbus à Toulouse et aujourd'hui directeur des opérations de Hilum Healthcare.

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 En 2021, les deux associés fondent à Toulouse la startup Hilum Healthcare avec l'ambition de créer le premier respirateur artificiel de soins intensifs fabriqué en France. Aujourd'hui, les principaux producteurs de ces équipements sont basés en Allemagne (Dräger), en Suède (Getinge) ou aux Etats-Unis (General Electric). Cette idée de relocalisation de la fabrication de ces équipements critiques a tapé dans l'oeil de l'Etat qui a accordé une enveloppe globale de cinq millions d'euros dans le cadre de France 2030. Les machines seront produites dans l'ouest toulousain, à Cornebarrieu, grâce à une ligne de fabrication mise à disposition par le groupe Serma Ingénierie.

L'intelligence artificielle pour faciliter l'usage des respirateurs

Mais au-delà des enjeux de souveraineté, Hilum Healthcare souhaite se démarquer de la concurrence par de grandes avancées d'autonomie permises par l'intelligence artificielle.

« Aujourd'hui, les fabricants de respirateurs sont engagés dans une course à l'ingénierie pour créer des machines encore plus complexes avec des modes encore plus experts. Nous avons de notre côté la volonté que le plus grand nombre de personnes aient accès à des soins de qualité. Il faut savoir que seulement 18 % des patients sous respirateur sont correctement ventilés en raison de la complexité d'utilisation de ces machines. L'intelligence artificielle apporte des briques d'autonomie pour optimiser leur utilisation », avance Damien Lozach.

La machine pourra détecter des changements notables de réponse du patient à la quantité d'air envoyée par le respirateur, notamment durant la phase de sevrage au cours de laquelle la ventilation mécanique diminue progressivement. « Il reste encore beaucoup d'optimisations à faire sur cette phase des soins intensifs. Aujourd'hui, le médecin passe voir chaque patient une à deux fois par jour. Mais il peut arriver beaucoup de choses dans l'intervalle. Notre innovation permettrait d'envoyer des alertes au médecin en cas de changement important de comportement du patient », commente le directeur.

Levée de trois millions d'euros avant l'été

Des travaux menés en étroite collaboration avec le CHU de Toulouse mais aussi l'IRT Saint-Exupéry qui développe des projets pour certifier des algorithmes d'intelligence artificielle et les utiliser un jour dans des systèmes critiques des voitures ou des avions. « Si l'algorithme de Netflix se plante dans la recommandation d'un programme, ce n'est pas grave. Mais dans le médical comme dans l'aéronautique ou l'automobile, il faut que tout soit ultra sécurisé », remarque Damien Lozach. L'un des autres challenges sera de limiter les fausses alertes pour ne pas mobiliser pour rien le personnel médical.

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Après de premiers tests sur des animaux dès cette année puis des tests cliniques, la startup envisage de commercialiser dès 2028 un premier respirateur de soins intensifs équipé de cette fonctionnalité d'autonomie et d'ajouter progressivement d'autres applications pour atteindre un respirateur autonome dans quinze ans. La jeune société, qui emploie neuf collaborateurs, entend boucler une levée de trois millions d'euros d'ici l'été pour accélérer son développement.

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