La question des déchets agite aussi l'industrie de la cosmétique. Afin de réduire l'usage du plastique dans les emballages, de plus en plus de marques font le choix du verre. Cependant, les différents contenants faits à partir de ce matériau réutilisable à l'infini deviennent à usage unique faute de solutions de réemploi. Installée à Montauban dans le Tarn-et-Garonne, Ibbeo Cosmétiques, marque de produits cosmétiques à base d'ingrédients naturels, décide d'y remédier.

Elle vient de lancer Coveco, sa filiale spécialisée dans le réemploi et la consigne du verre cosmétique. Ce dispositif industriel de lavage éco-performant vise à laver en grande série et remettre en circuit les packagings cosmétiques en verre d'Ibbeo Cosmétiques ainsi que d'autres acteurs du secteur.

Les bénéfices du lavage et du réemploi sont nombreux : diminuer le nombre d'emballages, préserver les ressources en eau et en énergie, réduire les déchets et favoriser l'emploi local. De plus, ce concept de réutilisation des contenants en verre s'inscrit dans un modèle économique circulaire, proche du fabricant, du distributeur et du consommateur et qui répond aux nouveaux usages de consommation.

« Cela fait dix ans que nous nous améliorons en permanence afin de réduire notre impact environnemental et nos émissions de CO2. L'idée est née en 2019 lorsque nous avons répondu à l'appel à manifestation d'intérêt national sur le réemploi des emballages en verre de l'Ademe et Citeo. C'est là que nous avons monté une solution de lavage du verre performante et respectueuse de l'environnement », raconte Vincent Bobo, cofondateur de Coveco et d'Ibbeo Cosmétiques.

Une machine qui s'adapte à tout contenant

La PME est alors récompensée en 2021 par l'Ademe, Citeo et la Région Occitanie qui décident de l'accompagner dans le développement de ce projet révolutionnaire, unique en France. En effet, si des outils de lavage existent déjà pour les contenants alimentaires en verre, la solution de Coveco est une première en cosmétique, domaine qui doit répondre à de nombreuses exigences réglementaires en matière de traçabilité, d'hygiène et de microbiologie. Ainsi, après deux ans de R&D et de tests et près d'un million d'euros d'investissement, la solution technique Coveclean voit le jour en 2023.

Cette machine, protégée par un brevet, jamais vue sur le marché, a été pensée pour laver différentes tailles et formes d'emballages cosmétiques en verre. Elle peut aussi bien laver des flacons de parfum que des pots de crème allant de 15 à 500 ml. Pour développer Coveclean, l'entreprise montalbanaise s'est associée à Microsemi, société toulousaine spécialisée dans les solutions de nettoyage pour pièces industrielles.

« Dans notre métier, la forme est une identité de marque forte donc chacun développe des contenants d'aspects différents à l'inverse du Bordelais où tous les producteurs ont la même bouteille. La standardisation est donc impossible. Notre plus grand challenge a été de mettre au point une technologie qui puisse laver correctement tous types d'emballages quelles que soient leur forme et taille. Avant nous, cela n'existait pas », explique le dirigeant.

Une capacité de 400.000 pièces par an

Le fonctionnement de Coveclean est assez simple. En amont, avant lavage, les différents couvercles, bouchons, pompes et étiquettes sont retirés à la main des contenants. Ensuite, ils sont placés dans des caissons où ils passent par des étapes d'aspersion, d'immersion dans des solutions détergentes et de nettoyage par ultrasons avant d'être séchés à la vapeur. Un cycle dure en moyenne une quinzaine de minutes.

« Selon le type de flacon, un lavage peut se faire jusqu'en 24 étapes. L'aspersion, l'immersion et les ultrasons sont très efficaces et permettent d'éliminer toutes traces et résidus des produits cosmétiques que ce soit des textures huile, gel ou crème. »

Inaugurée mi-octobre dernier, l'unité pilote de lavage Coveco est dotée d'une capacité de 400.000 contenants en verre par an. Ibbeo Cosmétiques ayant un besoin de 100.000 pièces par an, l'outil devrait également assurer les prestations de lavage d'autres marques. Cinq contrats avec des clients, tenus secrets, ont déjà été signés. Dès janvier 2024, la société commencera à honorer ses contrats. L'unité engendrera la création d'une dizaine d'emplois.

« La totalité de la filière a des questions, étudie ou tend à se lancer vers le réemploi. Nous avons beaucoup de discussions en cours avec des marques intéressées, de toutes tailles en France et en Europe. »

Un cadre légal favorable

Le succès de ce projet de réemploi repose en grande partie sur la participation des consommateurs à retourner leurs flacons vides dans les lieux de collecte partenaires. « Les consciences s'éveillent. De plus en plus de personnes savent que la situation environnementale n'est plus tenable et veulent changer leur mode de vie pour agir, mais peu d'initiatives existent. Coveco en est une », estime Vincent Bobo.

Côté professionnel, la législation pourrait lui donner un coup de pouce. En effet, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec), fixée par le ministère de la Transition écologique, prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d'ici 2040. Toutes les entreprises sont concernées et celles qui ne répondent pas aux exigences de la loi s'exposent à de lourdes amendes.

Dupliquer le modèle partout en France

Soucieuse d'améliorer les pratiques environnementales de son marché tout en générant de l'emploi, la PME veut dupliquer son unité de lavage partout en France, dans les années à venir. Afin d'automatiser les étapes annexes, en amont du lavage (retirer les bouchons et étiquettes), Coveco est à la recherche de partenaires financiers. Des discussions sont en cours afin d'évaluer le meilleur moyen de réunir des fonds.

En attendant de créer de l'emploi et de générer du chiffre d'affaires via sa filiale Coveco, le formulateur et fabricant de produits cosmétiques naturels, fondé en 2011 par Vincent et Pascale Bobo emploie sept personnes et génère 300.000 euros de chiffres d'affaires notamment à travers un réseau de distribution de 200 points de vente en France.

« Coveco est complémentaire d'Ibbeo. Dès 2019, nous avons supprimé les étuis en carton et les flacons en plastique de nos produits et fait le choix du verre et des étiquettes en papier. Nous espérons que beaucoup d'acteurs voudront faire partie de cette démarche environnementale qui peut révolutionner le secteur. Nous ne pouvons pas continuer à avoir des emballages à usage unique. Le 7ème continent de plastique est une réalité. Toutes les industries devront se mettre à la réutilisation et la réparation », conclut le chef d'entreprise.