Spatial : "L'économie lunaire est déjà une réalité" (Géraldine Naja, ESA)

INTERVIEW. Le sommet spatial de Toulouse a débouché sur l'adoption d'une future constellation européenne de connectivité, des engagements en faveur d'une meilleure régulation du trafic dans l'espace et la création d'un groupe d'experts sur l'exploration humaine. Ces décisions politiques vont générer de nombreuses retombées économiques pour la filière. Entretien avec Géraldine Naja, directrice de la commercialisation, de l'industrialisation et de l'approvisionnement au sein de l'Agence spatiale européenne.
Géraldine Naja est la directrice de la commercialisation, de l'industrialisation et de l'approvisionnement de l'Agence spatiale européenne.
Géraldine Naja est la directrice de la commercialisation, de l'industrialisation et de l'approvisionnement de l'Agence spatiale européenne. (Crédits : ESA)

LA TRIBUNE - Les ministres européens de l'Espace réunis à Toulouse ce mercredi 16 février ont adopté l'idée d'une constellation souveraine de connectivité notamment pour l'Internet à très haut débit. Quelles retombées économiques en attendre pour la filière ?

GÉRALDINE NAJA - L'ambition du commissaire Breton et qui est la nôtre aussi, c'est de développer cette constellation différemment. Il est question de considérer une constellation hybride où il y aura des éléments qui seront développés évidemment par des industriels traditionnels du secteur mais aussi d'impliquer des acteurs du New space européen.

C'est une approche que nous avons déjà sur Copernicus. Nous ajoutons aux satellites Sentinel des missions dites contributrices où des PME ou des startups peuvent être mobilisées. La startup finlandaise Iceye a ainsi décroché une mission contributrice. De la même manière, cette future constellation va certainement faire appel à des acteurs bien établis mais aussi à de nouveaux acteurs en contribuant à leur développement, en générant des emplois. C'est très positif pour l'économie européenne de manière générale.

Le deuxième point, c'est que la nouvelle direction de l'ESA veut pousser des approches contractuelles différentes et des outils innovants pour passer des contrats avec les entreprises. Nous achetons de plus en plus de services au-delà de simplement acquérir des satellites. L'agence spatiale européenne va se positionner en client, en déterminant les services dont elle a besoin. Et puis, de la même manière que Copernicus ou Galileo ont fait émergé de nouvelles applications, cette future constellation va certainement donner des idées à des entrepreneurs pour créer de nouveaux services.

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L'autre grand sujet abordé lors du sommet européen a été la gestion du trafic spatial. Face à la profusion de nouveaux satellites en orbite, les risques de collision et de débris se multiplient. Dans ce domaine, vous voyez également émerger des nouveaux business ?

Avec l'essor de l'investissement privé dans le spatial, nous avons vraiment besoin de protéger et de sécuriser les satellites. Le déploiement de la constellation Starlink d'Elon Musk, c'est un peu le Far west. Des investisseurs me disent qu'ils ne mettront pas d'argent pour développer des constellations s'ils n'ont pas la garantie que le projet sur lequel ils misent ne va être explosé par des débris. Au-delà d'une réglementation commune, il faut des solutions techniques.

Ces idées ne viendront pas uniquement des acteurs établis. Beaucoup de startups européennes y réfléchissent déjà en imaginant des services anti-collision, mais aussi des remorqueurs pour retirer des débris et de moyens de surveillance renforcée. L'ESA travaille justement via la mission Clearspace sur l'enlèvement des débris depuis l'orbite. Le projet est né à l'École polytechnique fédérale de Lausanne et a débouché sur la création d'une startup.

En septembre dernier, six jeunes entreprises du New Space ont lancé un syndicat pour mieux intégrer les contrats institutionnels en Europe, s'estimant pénalisées par des critères d'expérience dans les appels d'offre. Cela peut changer ?

En ce moment, cela fait partie de mon travail quotidien. Je ne dis pas que nous ferons des missions de science sur Jupiter avec des startups. En revanche, beaucoup de missions de l'ESA peuvent se prêter à l'implication de PME, de plus petits acteurs. Nous voulons mettre moins de poids sur le critère de l'ancienneté, de l'expérience de l'entreprise mais davantage nous intéresser à l'équipe managériale.

L'Agence spatiale européenne mise sur des approches différentes avec par exemple, comme le fait d'ailleurs la NASA, ce qu'on appelle des gates. Autrement dit, signer un premier contrat à l'issue duquel la PME ou la startup doit avoir accompli un petit développement technique. Nous devons le valider et en cas d'échec, la collaboration s'arrête. Sinon, nous renouvelons le contrat. Cela nous permet de minimiser les risques et aux entreprises de se développer au fur et à mesure.

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En matière d'exploration, l'ESA a annoncé lors du sommet la création d'un groupe consultatif de haut niveau sur l'exploration spatiale humaine pour l'Europe". Quel impact économique anticipez-vous concernant les futurs programmes d'exploration, notamment vers la Lune ?

En matière d'exploration, beaucoup de startups s'intéressent à l'économie lunaire. Le développement de l'économie lunaire est déjà une réalité. L'ESA veut déployer en vue de ces missions sur la Lune un réseau de télécommunications et de navigation à destination de ces initiatives portées par les entreprises. Si une société veut développer une activité lunaire, elle pourra utiliser nos services de télécoms et de navigation lunaire. Ce type d'infrastructures peut être également un puissant moyen d'encourager au développement économique des entreprises.

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