Le Cnes dévoile les cinq startups qui vont envoyer leur prototype sur la Lune

Le Cnes et l'incubateur toulousain Nubbo ont sélectionné la première promotion de TechTheMoon, le premier incubateur au monde dédié à l'économie lunaire. Parmi les cinq startups lauréates figurent un projet d'habitat lunaire gonflable, des modules pour optimiser la culture de végétaux avec un minimum de ressources ou encore une caméra capable de détecter des défauts sur les équipements embarqués dans l'espace.
Spartan Space a mis au point un habitat lunaire gonflable.
Spartan Space a mis au point un habitat lunaire gonflable. (Crédits : Spartan Space)

Des hommes de retour sur la Lune, c'est pour très bientôt ! Avec le programme Artemis, la NASA espère poser un équipage sur le sol lunaire en 2024. De leur côté, la Chine et la Russie veulent construire ensemble une station sur la Lune.

Porté par cet engouement, le Cnes et l'incubateur toulousain Nubbo ont annoncé en juin dernier dans La Tribune la création de TechTheMoon, le premier incubateur au monde dédié à l'économie lunaire. Objectif : dénicher quelques pépites qui contribueront à des solutions pour développer des ressources lunaires, au bon fonctionnement des infrastructures et au support vie des hommes et des femmes travaillant dans une base lunaire.

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À l'issue de la sélection, cinq startups viennent d'intégrer l'incubateur. Ce dernier disposera de locaux au coeur même du Cnes à Toulouse dans l'unité du Cadmos, chargée de piloter les expériences de Thomas Pesquet dans l'ISS. "Les entrepreneurs auront accès aux experts du Cnes pour affiner leur projet. Ils pourront également suivre des formations en matière de droit du spatial et participer à une grande conférence au printemps prochain à Toulouse avec des acteurs nationaux et internationaux du NewSpace", détaille Thomas Fouquet, conseiller du directeur en charge de l'innovation, des applications et de la science au sein du Cnes. Les startups pourront également travailler dans les locaux de Nubbo dans La Cité.

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Au bout des douze mois du programme, chaque startup devra présenter un prototype pour la Lune mais également des applications marché pour la Terre. L'idée est également que chaque projet soit présenté devant des investisseurs pour réaliser une levée de fonds de pré-série A (pour combler un besoin de financement entre un et trois millions d'euros). De son côté, le Cnes pourrait continuer à soutenir dans la durée les startups les plus prometteuses.

L'habitat lunaire gonflable de Spartan Space

Fondée par l'ancien directeur de la branche espace de la société marseillaise Comex spécialisée dans les travaux sous-marins, Spartan Space a développé EuroHab, un prototype d'habitat lunaire gonflable.

"Les prochaines missions habitées sur la Lune vont atterrir sur des zones très plates, très sures pour ne surtout pas risquer l'accident, mais ces zones ne sont pas forcément les plus intéressantes sur le plan scientifique. Les astronautes devront s'en éloigner et notre habitat pourrait servir de relais, de camp de base pour rallier des zones plus éloignées", décrit Peter Weiss, le créateur de Spartan Space.

L'idée est d'intégrer cet habitacle comme une charge utile d'un atterrisseur lunaire. La startup a pris comme véhicule de base le EL3 (European large logistic lander) de l'Agence spatiale européenne. Une fois l'atterrisseur posé sur la surface de la Lune, l'habitat va se gonfler. Le module fera sept mètres de diamètre et sept mètres de hauteur avec l'atterrisseur, dont trois mètres de hauteur dédié à l'habitat.

Un premier prototype est actuellement en fabrication à Grenoble auprès de la société Air Liquide et une maquette sera présentée dans les prochains jours lors de l'exposition universelle de Dubaï. La pépite a également remporté le prix de la fondation Jacques Rougerie et est suivie de près par l'ancien astronaute Jean-François Clervoy. La startup est soutenue financièrement par le Cnes et l'Agence spatiale européenne. Au-delà du  prototype lunaire, Spartan Space réfléchit à décliner le concept en station sous-marine modernisée.

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Les productions végétales optimisées d'Orius Technologies

Après 10 ans d'expérience dans l'agriculture indoor (en intérieur), Paul-Hector Oliver a eu l'idée de fonder Orius Technologies. La startup veut envoyer sur la Lune des modules compartimentés pour produire des plantes, des légumes et de fruits avec un maximum de rendement et un minimum de ressources.

"Aujourd'hui, les agences spatiales utilisent d'énormes serres qui produisent tout type de culture. Nous nous posons en rupture par rapport à ce modèle. Nous pensons que pour optimiser la production, il faut plutôt compartimenter ces cultures avec par exemple un module pour les tomates, un module pour les plantes, un autre pour les carottes, etc. Cela permettra d'arriver à de meilleurs rendements en termes de quantité et de qualité tout en limitant l'électricité et les nutriments nécessaires", décrit l'entrepreneur.

Le tout sera couplé avec des capteurs pour gérer à distance le surveillance des plantes et envoyer des alertes de maintenance. La startup compte s'appuyer sur la présence à Toulouse des équipes du Medes (médecine spatiale) et celles chargées de concevoir des plats pour les astronautes de l'ISS pour affiner les futurs besoins alimentaires sur la Lune.

L'innovation de Orius Technologies pourrait également trouver plusieurs champs d'application sur Terre. "Ces modules standardisés délivrent des unités de production de moins de 4m2 qui peuvent intervenir en support à des équipes de recherche en agriculture pour accélérer les fonctions de sélection variétale ou mener des essais sur les plantes. Ce type d'expérience est aujourd'hui réalisé sous serre avec moins de précision. Nos modules pourraient aussi intéresser les industries cosmétique et pharmaceutique", ajoute Paul-Hector Oliver.

Des véhicules spatiaux réutilisables

Fondée par des anciens d'ArianeGroup et du programme Orion piloté par Airbus, la société franco-allemande The Exploration Company développe des véhicules spatiaux réutilisables.

"Ce véhicule permettra de rester en orbite autour de la Terre trois à six mois pour 10% des coûts des coûts de l'ISS (qui demande trois milliards de maintenance par an), puis d'aller sur la Lune et de revenir sur Terre pour 30% du coût actuel des startups américaines. Ce véhicule sera complété par un Space Store, qui permettra de mettre en open source certaines technologies développées pour le véhicule et de proposer à la vente les logiciels de navigation afin de pouvoir équiper les multiples robots qui peu à peu viendront explorer la Lune", décrit Hélène Huby, cofondatrice de la startup.

La jeune société mise sur des engins réutilisables et capables d'être ravitaillés avec un carburant produit depuis l'espace. Pour réaliser des économies d'échelle, le véhicule sera standardisé et d'envergure plus modeste que ceux développés actuellement par les startups américaines. "Nous prévoyons de poser sur la Lune un engin de 500 kg et non pas de 100 tonnes comme la fusée Starship de Space X", conclut la dirigeante.

Un outil portable pour mesurer la performance des antennes

De son côté, la startup Anyfields développe un engin portable capable de visualiser les rayonnements électromagnétiques et de mesurer la performance des antennes. Cet outil s'appuie sur une technologie développée depuis une dizaine d'années au sein de l'Onera.

"Tous les systèmes actuels de mesure des antennes reposent sur des machines complexes et volumineuses. Notre système sera compact et pourra donc être emporté sur la Lune. Il sera très rapide : en une minute l'image du champ électromagnétique s'affichera", détaille Stéphane Gemble, directeur général de la startup. Parmi les deux autres cofondateurs figurent Nicolas Capet, le président d'Anywaves qui développe des antennes taillées pour le New Space et Daniel Prost qui a développé la technologie au sein de l'Onera. Sur Terre, le système d'Anyfields pourrait être utilisé par des ingénieurs pour tester une nouvelle antenne ou pour réaliser rapidement le contrôle qualité d'une série d'antennes.

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Des caméras pour détecter la contamination d'une surface

La startup Metis planche pour sa part sur un système d'imagerie pour détecter des défauts sur des composants ou des équipements spatiaux de manière mobile quelque soit l'environnement.

"Nous travaillons sur deux prototypes. Une caméra ultraspectrale qui va scanner la surface étudiée et fabriquer un cube d'image fournissant des centaines de longueurs d'ondes, de l'ultraviolet jusqu'à l'infrarouge. Et ensuite, il sera possible de retracer certains spectres, autrement dit les signatures de certains matériaux ou de reconnaître leur répartition géographique. La deuxième caméra permettra de se concentrer sur un matériau spécifique et de le visualiser de façon dynamique", indique Frédéric Bourcier, cofondateur de Metis et ancien du Cnes.

Les caméras pourront servir sur la Lune à localiser par exemple des dépôts de colle sur un satellite durant le voyage spatial ou à détecter des panneaux solaires ou des équipements défaillants. Sur Terre, ce système d'imagerie pourrait être utilisé pour repérer une contamination radioactive lors du démantèlement d'installations nucléaires ou dans l'exploitation de mines. L'innovation servira à analyser sans la toucher une oeuvre d'art. "Le marché de l'art a besoin de nouveaux outils de diagnostic, de quantification, de traçabilité pour garantir les transactions", conclut Philippe Walter, cofondateur de Metis et par ailleurs directeur de recherche au CNRS dans un laboratoire spécialisé dans l'étude des matériaux du patrimoine.

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