Avec sa nouvelle usine, Map Space Coatings veut devenir leader mondial des revêtements spatiaux

La PME Map Space Coatings a investi 5,5 millions d'euros pour construire une nouvelle usine de 4 600 m2 dans l'Ariège. La société spécialisée dans les revêtements pour les satellites et les lanceurs, qui va jusqu'à fabriquer ses propres matières premières, compte sur son indépendance industrielle pour s'imposer sur la scène internationale.
Olivier Guillaumon, directeur général de la société Map Space Coatings.
Olivier Guillaumon, directeur général de la société Map Space Coatings. (Crédits : Rémi Benoit)

Depuis quelques semaines, les salariés de Map Space Coatings ont investi une nouvelle usine flambant neuve construite dans une zone industrielle de Pamiers (Ariège). 4.600 m2 de locaux qui ont nécessité 5,5 millions d'euros à la PME en pleine croissance et bientôt à l'étroit dans les 2.800 m2 de son site historique de Mazères, au sud du département.

Spécialisée dans les revêtements pour les satellites et les lanceurs, Map Space Coatings n'a pas attendu la crise de la Covid-19 pour se préoccuper de son indépendance industrielle. Sa création dans les années 80 est survenue en pleine Guerre froide.

"À l'époque, la fabrication des revêtements spatiaux était uniquement maîtrisée par les États-Unis et la Russie. Notre société a été créée sous l'impulsion du Cnes et des grands donneurs d'ordre du spatial qui souhaitaient avoir une entreprise au niveau local à même de pouvoir industrialiser la fabrication des revêtements destinés aux satellites et aux lanceurs. L'idée était d'avoir un industriel indépendant capable de fournir ces éléments", se remémore Olivier Guillaumon, directeur général de la société.

Résister aux changements de température et aux radiations

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Les revêtements doivent résister aux changements thermiques et aux radiations spatiales (Crédits : Rémi Benoit).

Depuis, la PME ariégeoise a bien grandi et fournit des revêtements pour les satellites d'Airbus Defence and Space, de Thales Alenia Space et pour les lanceurs Ariane 5,  Vega ou encore le sud-coréen KSLV-2. Map a également travaillé sur la Supercam du rover Perseverance lancé par la Nasa en juillet 2020. Il ne s'agit pas de simples peintures mais de revêtements conçus pour répondre aux exigences thermiques d'une mission dans l'espace.

"Le satellite est confronté à de grands écarts de température, de + 200 °C quand il est face au soleil à - 200 °C à l'ombre de la Terre. Pourtant, tous les équipements électroniques installés à l'intérieur du satellite doivent être maintenus à 20°C. Nous réalisons donc des revêtements blancs à l'extérieur des satellites pour rejeter la chaleur. En revanche, à l'intérieur ce sont des revêtements noirs qui sont pulvérisés pour absorber la chaleur émise par les équipements électroniques à bord", vulgarise le dirigeant.

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Nouvelle usine de Map Space Coatings à Pamiers (Crédits : Rémi Benoit).

Les revêtements doivent aussi résister aux diverses radiations et frottements de l'air pour rester opérationnels durant toute la durée de vie du satellite (jusqu'à une vingtaine d'années) ou du lanceur. "Nous fabriquons des revêtements conducteurs capables d'éliminer les charges électrostatiques générées par les flux solaires et qui sont insensibles à l'oxygène atomique risquant de grignoter les matériaux des satellites. Sur les lanceurs comme Ariane 5, envoyés en orbite depuis la Guyane, à une latitude proche de l'équateur, les revêtements sont conçus pour ne pas être altérés par les taux d'humidité très élevés, ni par les embruns qui contiennent une forte concentration de chlorure de sodium, un élément très corrosif", ajoute le dirigeant.

Des matières premières made in Ariège

Outre les revêtements, Map Space Coatings produit des adhésifs pour coller les cellules solaires des satellites ou encore des vernis silicone permettant de protéger les boîtiers électroniques des lanceurs. Surtout, la PME a entamé dès 2005 des travaux avec l'université Toulouse Paul-Sabatier pour produire ses propres matières premières et renforcer son indépendance industrielle. "Nous prenons des pigments élémentaires pour les transformer en pigments semi-conducteurs. À partir de monomères, nous sommes aussi capables de fabriquer des macromolécules de silicone, qui permettent de produire des liants. Ces liants sont mélangés aux pigments pour créer les revêtements", décrit Olivier Guillaumon. Du made in France, auquel est sensible un nombre grandissant de pays.

"Les macromolécules de silicone qui étaient utilisées dans le spatial provenaient essentiellement des Etats-Unis. Et les Américains ont limité à travers la loi Itar (International Traffic in Arms Regulations) la diffusion de leurs produits vers des pays qui pourraient les utiliser comme des armes contre eux. D'autre part, très peu de revêtements peuvent sortir des frontières de la Russie. Notre indépendance technologique a été un vecteur d'accroissement d'activité notamment à l'export. Nous sommes devenus très attractifs pour certains pays comme l'Inde, le Japon, le Brésil, la Corée du Sud, la Chine et même le Canada. 40 à 45 % de notre chiffre d'affaires est réalisé à l'étranger", souligne Olivier Guillaumon.

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La société produit ses propres matières premières depuis son usine (Crédits : Rémi Benoit).

Des revêtements plus écologiques

Map Space Coatings veut aller plus loin et ambitionne de devenir leader mondial pour les revêtements spatiaux. Face à la concurrence, la PME ariégeoise compte se démarquer notamment grâce à une offre plus écologique. La société a été pionnière dans la fabrication de revêtements en phase aqueuse pour les satellites. Autrement dit, les peintures ne contiennent quasiment plus de solvants mais sont fabriquées à partir d'eau. Le deuxième lanceur coréen s'est envolé à l'hiver dernier avec pour la première fois uniquement des peintures en phase aqueuse. L'innovation ariégeoise est également qualifiée pour le futur lanceur européen Ariane 6.

Et puis, Map Space Coatings a déjà commencé à remplacer les substances toxiques de ses produits."Nous avons intégré un groupe de travail auprès de l'ESA, l'Agence spatiale européenne, autour du règlement européen Reach visant à limiter dans les cinq à dix ans l'usage de produits qui ont un impact sur l'environnement et sur la santé. Nous substituons d'ores et déjà toutes ces matières premières potentiellement à risque dans nos formules. Cela assure une pérennité à nos produits qui ne contiennent pas de molécules risquant d'être interdites dans les prochaines années", fait savoir Olivier Guillaumon.

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L'entreprise réalise près de 45% de son chiffre d'affaires à l'export (Crédits : Rémi Benoit).

Des algorithmes pour estimer la durée des tâches

Le chef d'entreprise a également profité de la construction de la nouvelle usine pour mettre en place une approche lean. "Les bâtiments ont été conçus pour réduire les déplacements inutiles, éviter que les salariés aient besoin de traverser l'usine pour travailler", fait-il observer. Une zone de contrôle des pièces a été installée au centre de l'usine, à portée des unités d'application des revêtements sur les satellites. La société en a également profité pour renforcer son virage numérique. Elle s'est dotée d'un nouvel ERP (progiciel de gestion intégré) et compte intégrer la CAO (conception assistée par ordinateur) sur la partie services de son activité "pour monter en qualité et réduire les délais des prestations".

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Map Space Coatings a profité de sa nouvelle usine pour prendre un virage numérique (Crédits : Rémi Benoit).

La PME a également mis en place des algorithmes de calcul pour mesurer avec précision ses délais de fabrication. "Lorsque nous recevons une pièce de satellite, nous pouvons déterminer le temps nécessaire pour réaliser les 300 tâches élémentaires et les quantités consommées. Nous avons fait une analyse sur un an d'activité et les algorithmes ont fourni une estimation avec un écart de seulement quatre heures avec ce qui a été effectivement réalisé. Sur 18.000 heures de travail, c'est vraiment un bon résultat", se réjouit Olivier Guillaumon.

En pleine croissance, Map Space Coatings a recruté six nouveaux collaborateurs depuis le mois de mars, faisant passer son effectif de 24 à 30 personnes.

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