
C'est une grande première mondiale accomplie grâce au savoir-faire toulousain. Le Cnes et la Nasa viennent de dévoiler, mercredi 10 mars, les premiers sons de l'atmosphère martienne. Une prouesse technologique réalisée grâce au microphone de la Supercam embarqué à bord du rover Perseverance. Ce micro a été conçu et fabriqué dans la Ville rose par l'Isae-Supaero en collaboration avec l'Irap (l'Institut de recherche en astrophysique et planétologie).
L'idée d'écouter Mars n'est pas nouvelle mais les dernières tentatives ont échoué. "Plusieurs missions ont essayé de mettre un microphone sur Mars. La première était Mars Polar Lander mais elle s'est écrasée. La deuxième mission, Phoenix, a bien atterri mais le micro n'a pas été allumé puisque les interférences risquaient de créer un court-circuit", explique David Mimoun, enseignant-chercheur à l'Isae-Supaero et responsable scientifique du microphone.
Bruits du vent et du laser heurtant les roches martiennes
Le rover Perseverance embarque deux micros, celui de Supercam et un autre installé sur le côté du rover. Ce dernier était censé enregistrer l'entrée, la descente et l'atterrissage de Perseverance mais en raison de difficultés techniques seule une captation difficilement audible a pu être diffusée par la Nasa.
De son côté, le micro de Supercam a parfaitement fonctionné. Dès le premier jour, (le 19 février), une première captation du vent a pu être enregistrée.
Crédits : NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/CNRS/IRAP/ISAE-SUPAERO
Le quatrième jour, un nouvel enregistrement du vent martien a été dévoilé. "Ces sons vont permettre aux scientifiques de mieux connaître l'atmosphère martienne. En faisant des parallèles avec ce qui se passe sur Terre, nous pourrons aussi mieux comprendre notre planète. C'est ce qu'on appelle de la planétologie comparée", poursuit David Mimoun.
Crédits : NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/CNRS/IRAP/ISAE-SUPAERO
Et pour finir, au douzième jour, le micro a capté le bruit du laser (mis au point par Thales) sur les roches martiennes.
"Pour le grand public, ce son ne dit rien. Mais pour les scientifiques, il est possible en étudiant les caractéristiques fines du son d'en déduire la dureté de la roche. La caméra-laser Supercam ne peut connaître ce taux de dureté des roches autrement qu'en écoutant le bruit du laser", décrit David Mimoum.
Grâce à ces sons, la communauté pourra déterminer si les échantillons détectés sont plutôt de l'argile (une roche plus molle et qui a été en contact avec de l'eau), ou de basaltes (des roches volcaniques qui n'ont pas été en contact avec de l'eau). Avec l'espoir de découvrir des traces de vie passée sur la Planète Rouge.
Crédits : NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/CNRS/IRAP/ISAE-SUPAERO
Le troisième objectif du micro est d'écouter les bruits du rover pour vérifier qu'il n'y ait pas d'anomalie au niveau des roues, de la pompe à oxygène, de la foreuse et bientôt de l'hélicoptère. "Pour l'instant, tout se passe exactement comme nous l'avions prévu. C'est extrêmement satisfaisant", réagit David Mimoun.
L'atmosphère martienne atténue les sons aigus
Pour convaincre la Nasa d'embarquer un micro à bord de Perseverance, l'Isae-Supaero avait réalisé dans ses locaux des simulations pour montrer à quoi pourraient ressembler les sons sur la Planète rouge.
"Le premier élément est qu'il y a beaucoup moins d'atmosphère sur la Terre que sur Mars. Sur notre planète, c'est mille millibars contre seulement six sur Mars, autrement dit comme si vous étiez à 50 km d'altitude sur Terre. Émettre un son est beaucoup plus difficile. Deuxièmement, l'atmosphère martienne est composée essentiellement de dioxyde de carbone qui a la mauvaise idée de filtrer les hautes fréquences. Le bruit d'un oiseau sur Mars serait très atténué comme si nous l'entendions de très loin. Et puis, la vitesse de propagation du son est de 250 mètres par seconde sur Mars contre 350 m/s sur Terre. Le son se diffuse un petit peu moins vite sur la Planète rouge", explique le responsable scientifique de l'instrument.
Retrouvez tous nos articles sur la mission et les contributions des chercheurs et industriels français dans notre dossier éditorial "Perseverance et la French touch".
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