La filière aéronautique bien préparée au Brexit ?

Alors que de nombreux secteurs industriels sont inquiets des conséquences du Brexit, la filière aéronautique semble être prête à y faire face pour éviter l’accident économique. Décryptage.
L'avionneur européen Airbus emploie pas moins de 14 000 personnes au Royaume-Uni.
L'avionneur européen Airbus emploie pas moins de 14 000 personnes au Royaume-Uni. (Crédits : Hannibal Hanschke)

Depuis leur intégration en 1973 au sein de l'actuelle Union européenne (UE), une partie des représentants du Royaume-Uni a toujours aspiré à la quitter. Cet événement politique inédit est arrivé le 23 juin 2016, par le biais d'un référendum où plus de 51 % des électeurs britanniques ont voté en faveur de la sortie de l'UE. Afin de préparer au mieux ce "Brexit", et donc la sortie de l'union douanière, il était prévu que l'Europe des Vingt-Huit passe à 27 membres le 29 mars 2019. Cette période transitoire devait permettre de négocier l'acte de divorce avec l'UE, mais également un traité élaborant les futures relations commerciales entre cette nouvelle Europe et le "déserteur" britannique. Theresa May, la Première ministre britannique, est alors parvenue à un accord avec les institutions européennes et leur négociateur en chef, Michel Barnier, à la fin de l'année 2018.

Seulement, elle n'a pas réussi à le faire ratifier par son Parlement après plusieurs tentatives, provoquant un report du Brexit au 31 octobre 2019. Ces multiples revers l'ont contrainte à la démission le 7 juin, mais à l'heure où nous mettons sous presse, son successeur n'est pas encore connu et aucun accord pour mettre en œuvre la sortie du Royaume-Uni n'est encore trouvé. Ainsi, des deux côtés, on craint un Brexit dur, sans accord.

Préparer les entreprises locales

Si tel est le cas, les relations commerciales entre la France et le Royaume-Uni risquent de subir les conséquences de cette mésentente politique, malgré les mesures d'urgence prévues par le gouvernement pour limiter la casse.

"Le Brexit ne concerne que les flux entre la communauté européenne et la Grande Bretagne. Donc une société anglaise qui exporte en Asie n'est pas impactée par le Brexit, au contraire d'une société anglaise qui travaille avec des entreprises européennes", tient à rappeler Philippe Robardey, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse Haute-Garonne.

Face à l'inquiétude générale suscitée par cet événement, la CCI a tenu, le 18 mars, entre ses murs, une réunion de sensibilisation à destination des 7 850 entreprises d'Occitanie qui commercent avec le Royaume-Uni, dont 4 000 se trouvent dans la région toulousaine.

"Recréer une frontière est tout sauf anodin quand on a passé des dizaines d'années à les démanteler. Mais le Brexit reste avant tout un rendez-vous entre le Royaume-Uni et la France, pays par lequel pas moins de 80 % de la marchandise britannique à destination des 27 pays de l'UE transitent", avait alors déclaré Jean-Michel Pillon,
le directeur régional des douanes à Toulouse.

Cette précision illustre l'importance de la mission qui attend tous les acteurs de ce dossier politique périlleux, comme ceux qui devront s'y adapter.

"C'est très pénible d'être dans cette incertitude depuis de longs mois et cela n'est pas près de s'arrêter. Quoi qu'il en soit, cet épisode aura coûté de l'argent à la filière aéronautique et spatiale, mais les relations commerciales ne seront que très peu impactées car les grands acteurs se sont déjà préparés à un "no deal"", analyse Yann Barbaux, le président du pôle de compétitivité Aerospace Valley, qui réunit près de 900 entreprises du spatial et de l'aéronautique, dont une majorité de PME.

En effet, la filière et ses principaux acteurs ont déjà préparé les conventions de certification et d'homologation des deux côtés de la Manche afin que les flux de marchandises entre les deux rives ne s'arrêtent pas le 31 octobre pour une durée indéterminée.

Airbus en meneur

 "Dans l'optique d'un Brexit dur, Airbus a mis en place en interne des mesures d'accompagnement avec ses principaux sous-traitants. Nous essayons de vérifier si l'avionneur européen fait bien son travail pour les aider, mais nous accompagnons davantage les sous-traitants de rang 2, voire les petites entreprises du secteur aéronautique. Nous les sensibilisons sur les mesures à prendre et organisons des ateliers avec la douane pour éviter toute la tracasserie administrative qui pourrait toucher l'import et l'export", explique Jean-Marc Dessapt, le directeur chargé de l'international à l'agence dedéveloppement économique de la Région Occitanie, Ad'Occ.

Malgré ce relatif optimisme à propos de la gestion du Brexit dans le secteur aéronautique, l'inquiétude se fait sentir au sein même d'Airbus qui a pris les choses en main. Sollicité, l'avionneur européen ne veut pas s'exprimer davantage que son ancien patron, Tom Enders (remplacé depuis avril par Guillaume Faury), dans une courte vidéo de trois minutes : "S'il y a un Brexit sans accord, chez Airbus nous devrons prendre des décisions potentiellement très douloureuses pour le Royaume-Uni", avait alors prévenu le numéro un du groupe qui emploie 14 000 salariés au Royaume-Uni, à travers 25 sites. "De nombreux pays seraient ravis de construire les ailes des avions Airbus", avait-il même ajouté, tout en précisant que les usines britanniques ne seraient pas fermées
du jour au lendemain. Parallèlement, Airbus a volontairement gonflé en quantité plus que nécessaire ses stocks sur place afin de tenir "quelques semaines" en cas de no deal.

"Nous travaillons avec l'avionneur, au Royaume-Uni, via l'une de nos filiales britanniques. S'il venait à diminuer son empreinte géographique là-bas, cela constituerait pour nous inévitablement une baisse de marché, où on réalise 7 millions d'euros de chiffre d'affaires chaque année", regrette Philippe Robardey, aussi dirigeant de la société Sogeclair, spécialisée dans l'ingénierie de haute technologie, notamment pour l'aéronautique qui représente 87 % de son chiffre d'affaires.

Mais ce scénario catastrophe devrait prendre des années pour se produire, et Airbus tient ferme la barre pour perturber le moins possible ses partenaires industriels, qui doivent déjà faire face à la montée en cadence.

Lire aussi : Bourget 2019 : Airbus et ses sous-traitants en quête d'un modèle XXL

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Commentaire 1
à écrit le 19/06/2019 à 9:15
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"pour éviter l’accident économique." Vu que c'est l'UE qui est un accident économique les gars il va être difficile à éviter hein...

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