COP28 à Dubaï : un Occitan capture l’eau dans l’air du désert, avec Hawa Water

Alors que s’ouvre ce jeudi 30 novembre dans les Émirats la COP 28, Jaufré Rouanet, né dans l’Aude, commercialise de l’eau extraite de l’air ambiant dans des bouteilles en verre consignées avec Hawa Water. Lui qui se voit comme un fermier du vent défend son système comme une solution aux sécheresses de plus en plus nombreuses et au réchauffement climatique. Reste à convaincre le monde que le changement est possible. Portrait.
À la veille de la COP28, Hawa Water espère faire parler d'elle avec son innovation qui concilie changement climatique et économie.
À la veille de la COP28, Hawa Water espère faire parler d'elle avec son innovation qui concilie changement climatique et économie. (Crédits : Hama Water)

C'est un gros coffre de la taille d'un réfrigérateur, un cube d'1m50, avec une partie ouverte. Il consomme d'ailleurs à peu près autant d'énergie qu'un frigo et fonctionne comme un système de climatisation à travers lequel passe l'air. Installé au milieu du désert, à quelques mètres au-dessus du sol, grâce au principe de la condensation (et à un compresseur qui permet d'atteindre le point de rosée), l'appareil extrait de l'eau depuis l'humidité contenue dans l'air, comme la buée qu'on essuie de la main sur une vitre.

« Savez-vous qu'il y a davantage d'eau douce dans l'air que dans tous les cours d'eau et les lacs sur terre ? nous questionne le Français. Que ce soit en plein désert comme ici ou ailleurs, l'eau est disponible partout, c'est une source intarissable ! On se voit comme des fermiers, on récolte l'humidité du vent. »

Le Français a monté son projet Hawa Water avec deux ingénieurs : Gregory Sauvage et Nabil Hamade. Leur système lui, est vieux comme le monde : les bédouins l'ont toujours utilisé en tendant la nuit des nattes lestées par des pierres pour récupérer l'eau condensée contenue dans l'air. « Il manque encore la volonté du consommateur, observe, lucide, Jaufré Rouanet. Tout le monde veut sauver la planète mais personne ne veut faire d'effort pour cela ! Le client préfère l'économie linéaire : on attrape, on consomme et on jette. Comme le cycle de la vie, les gens ont oublié le cycle de l'eau, que ce soit dans les cultures européennes ou comme ici, au Moyen-Orient. »

Jaufré Rouanet s'est lancé dans cette aventure entrepreneuriale en 2019 (Crédits : Hawa Water).

Quant à l'énergie utilisée par ses frigos du désert, le Français affirme que déjà 30 % de l'électricité produite aux Émirats est sans émission de carbone. Ce taux devrait encore augmenter grâce aux immenses champs de panneaux solaires installés là-bas.

La consigne remise au goût du jour

Et ce n'est pas tout. Chancre de l'économie circulaire, Jaufré Rouanet vend son eau potable dans des bouteilles de verre recyclables, remettant au goût du jour le vieux principe de la consigne. Contrairement aux grandes marques internationales dont les flacons, souvent à usage unique et en plastique, traversent la planète sur d'immenses porte-containers avant de finir brûlés dans des centres d'incinération ou en décharges, l'eau produite par le Français l'est localement et à destination d'un marché local.

« Ce qui consomme de l'énergie aujourd'hui, ce n'est pas l'eau, c'est le contenant », affirme le Français.

Dans un discours parfaitement marketé, il décrit son système en trois D : décarboné, décentralisé et digitalisé, avec l'idée d'éviter la production de masse et les stocks en s'alignant sur le besoin réel grâce aux outils numériques.

Problème : les gros opérateurs ne sont pas encore prêts à le suivre à la veille de la COP28: « On est allés les voir, assure le Français, pour leur parler de notre projet de consigne qui fait que le camion arrive à plein et repart avec des bouteilles vides. Mais cela demande une telle modification de la chaîne d'approvisionnement qu'on n'y est pas encore ! ».

Grâce à leurs budgets colossaux, ces multinationales lui ont même mis des bâtons dans les roues. Elles ont, par exemple, acheté tous les droits de l'Expo universelle en 2022 à Dubaï, empêchant de faire émerger une telle innovation qui pourrait les concurrencer. Résultat : sa société, baptisée « Hawa Water », dispose aujourd'hui d'une seule usine et le millier de bouteilles qu'elle produit chaque jour est distribué de façon sporadique uniquement dans de petits points de vente aux Émirats. « On cherche à casser ce plafond de verre et à faire du bruit », témoigne-t-il.

Un vignoble dans le Minervois

Installé à Dubaï, père de deux enfants, Jaufré Rouanet a monté son projet en 2019, quelques mois donc avant la Covid-19, alors que le monde entier allait rapidement s'interroger sur comment consommer local si les importations de biens et de denrées alimentaires étaient un jour stoppées du jour au lendemain !

Diplômé de l'école de commerce Néoma de Rouen, le jeune homme entame sa vie professionnelle par une expérience en Chine avant d'enchaîner par le Canada et les États-Unis. Financier de formation, Jaufré Rouanet a continué sa carrière au Moyen-Orient, en Afrique et Caucase dans le pétrole et le gaz en 2010. Six ans plus tard, il bifurque vers l'environnement, à un moment où l'or noir était tombé à vingt dollars le baril et où sa société avait périclité. Avant ses bouteilles d'eau consignées, il s'est  d'abord engagé sur le développement de sortes de mini-centrales électriques autonomes et hors réseau, logées dans de petits containers et alimentées par l'énergie solaire, abondante dans la région.

Originaire du Minervois, cette région viticole de l'Aude entre Carcassonne et Narbonne, Jaufré Rouanet a grandi à Pépieux, un bourg d'un millier d'habitants où il revient chaque année. « Mon grand-père avait vendu toutes ses vignes, mais depuis un an, avec un ami d'enfance qui est toujours resté à Pépieux, on a racheté un petit vignoble d'une dizaine d'hectares dans le village, raconte Jaufré Rouanet, âgé de quarante-cinq ans. On a aujourd'hui une exploitation, on vient de faire nos premières vendanges. On espère bien goûter notre première cuvée à Noël. » Signe de l'importance de ses racines, le Français tient d'ailleurs à l'accent de son prénom : « C'est un prénom occitan, explique-t-il, dans la langue des troubadours à l'époque cathare. » Son projet a remporté l'an dernier le trophée des Français du Moyen-Orient, option environnement.

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