
« Cela fait trois ans que le rail français est ouvert à la concurrence et hormis deux acteurs étrangers sur des lignes précises, personne n'est parvenu à s'y faire une place », peste le président de Railcoop, Nicolas Debaisieux. « Nous nous battons depuis quatre ans pour entrer sur le marché et c'est très compliqué, malgré une législation favorable », ajoute-t-il. Entre les lignes, il faut comprendre que le nouvel opérateur ferroviaire lotois est freiné dans ses ambitions par la lourdeur du système SNCF. Dans les coulisses, certains proches du dossier estiment que le nouvel entrant n'a pas employé la bonne méthode face à la SNCF et qu'il aurait fait preuve d'une « stratégie trop frontale » avec l'opérateur historique français.
Bien qu'il y ait « encore des obstacles à franchir », la société coopérative Railcoop est parvenue à obtenir des sillons de circulation pour ses trains auprès de SNCF Réseau, après de très longues négociations. Pour mémoire, l'opérateur souhaite relancer l'exploitation d'une transversale ferroviaire de Bordeaux à Lyon, d'Ouest en Est.
Dès lors, il pourra faire circuler ses trains du 8 juin au 15 septembre 2024, entre Lyon et Limoges, à raison d'un aller-retour par jour les samedis, dimanches et jours fériés. De la mi septembre à fin novembre, le même trajet pourra être proposé, avec néanmoins par Vierzon et trois gares non desservies pour cause de travaux sur le réseau. Du 25 novembre au 14 décembre, le trajet entre Lyon et Limoges redeviendra normal, avec de plus un aller-retour quotidien. À partir du 15 décembre, le trajet Bordeaux-Lyon sera (enfin) disponible, avec un voire deux allers-retours quotidiens.
« C'est une bonne nouvelle, mais nous restons mitigés sur la nature des sillons. Sur le plan commercial, ce n'est pas idéal de proposer un service partiel. C'est une offre commerciale illisible. À contrario, sur le plan technique, nos équipes sont satisfaites car cela permettrait une montée en puissance progressive (...) Cela ne veut pas dire que nous lancerons la ligne le 8 juin. Notre objectif reste un lancement à l'été 2024 », relativise le président de la société.
Si Railcoop se réjouit de ne devoir aucune contrepartie à la SNCF Réseau en l'échange de l'obtention de ces sillons de circulation, comme la reprise des salariés en charge de l'entretien de la ligne en question, la société coopérative ne s'est pas étendue sur le coût du péage dont elle devra s'acquitter auprès de son « partenaire ». Par ailleurs, le nouvel opérateur discute déjà avec ce dernier pour les sillons de 2025.
Railcoop, trois sociétés et non plus une seule et unique
Surtout, Railcoop n'exploitera ses sillons qu'à l'unique condition de réaliser avec succès sa levée de fonds. Là encore, les inconnues demeurent. « Les investisseurs ont des difficultés à évaluer les risques et les intérêts d'entrer sur un tel marché car cela ne s'est jamais fait encore », ne cache pas le président Nicolas Debaisieux.
Malgré ces incertitudes, un fonds d'investissement européen aurait fait parvenir à la SCIC une lettre d'intention le 24 août dernier, avec la volonté d'apporter un quart de la cinquantaine de millions d'euros nécessaires au lancement de la ligne de transport de voyageurs entre Lyon et Bordeaux.
« Ce n'est pas un fonds purement financier, c'est un fonds qui investit sur les infrastructures industrielles (...) Nous allons désormais reprendre notre bâton de pèlerin pour solliciter à nouveau les premières structures financières sollicitées mais qui ne voulaient pas y aller seules. L'idée est de leur présenter le nouveau schéma financier », ajoute le dirigeant.
Pour tenter de voir aboutir son projet, Railcoop mise sur un nouveau schéma juridique. Si la SCIC restera l'entreprise ferroviaire du projet, une nouvelle entité, l'OPCO, sera créée et agira comme une agence de voyage en récoltant les recettes d'exploitation et en achetant une prestation ferroviaire à Railcoop. En parallèle, une autre structure doit voir le jour, la ROSCO, qui achète et entretient les rames tout en se rémunérant grâce ses locations de trains auprès de l'OPCO. Dans les deux cas, le fonds d'investissement en négociations avec la société ferroviaire sera l'actionnaire principal de ces deux entités et Railcoop minoritaire.
Pour obtenir la somme totale nécessaire, la société coopérative compte obtenir la moitié de la somme en dettes, au travers de prêts bancaires. Pour le moment, elle se rémunère toujours grâce à l'achat de parts sociales par ses sociétaires (dont 36 collectivités locales). L'entreprise lotoise est d'ailleurs toujours en levée de fonds afin de maintenir les emplois de ses 11 salariés et régler ses prestataires. Si elle a déjà réuni 350.000 euros, elle doit encore mobiliser pour atteindre son objectif de 500.000 euros d'ici la fin du mois de septembre.
En cas d'échec sur la négociation avec le voire les fonds d'investissements pour réunir les 49 millions d'euros nécessaires, la direction de Railcoop ne ferme pas la porte à cesser définitivement son activité ou à devenir à terme une association de défense du transport ferroviaire. « Il y a un vrai risque que nous n'y arrivons pas », met en garde Nicolas Debaisieux, souhaitant ainsi retenir la vigilance de ceux intéressés pour l'acquisition de parts sociales.
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