L'industrie aéronautique fait appel aux femmes pour pallier ses difficultés de recrutement

En proie à d'importantes difficultés pour trouver des candidats sur les postes à pourvoir, l'industrie aéronautique accentue ses opérations auprès du public féminin. Reportage au coeur d'une initiative menée par le réseau d'agences d'intérim Adéquat qui a connecté un groupe d'une quarantaine de femmes, demandeuses d'emploi, avec des entreprises du bassin toulousain dans la filière.
Une quarantaine de femmes ont rencontré, mardi 13 septembre à Toulouse, des entreprises de l'industrie aéronautique à la recherche de ressources humaines.
Une quarantaine de femmes ont rencontré, mardi 13 septembre à Toulouse, des entreprises de l'industrie aéronautique à la recherche de ressources humaines. (Crédits : Rémi Benoit)

Au centre de formation de l'AFPA, dans la zone Gramont de Balma (Haute-Garonne), le rendez-vous est fixé en début de matinée, ce mardi 13 septembre. Dans une grande salle de cet établissement dédié à l'apprentissage de métiers industriels, des rangées de chaises vides tiennent compagnie à une poignée de recruteurs de l'industrie aéronautique ou de représentants des ressources humaines du secteur. Au fil des minutes, les premiers occupants des sièges arrivent et prennent place dans les rangs... ou plutôt les occupantes. En l'espace de quelques instants, une quarantaine de femmes  (uniquement) font face aux professionnels de l'aéronautique. Elles sont de toutes âges, ont chacune un parcours professionnel différent, ont des situations de vie uniques, mais elles partagent toutes un point commun.

Elles sont à la recherche d'un emploi. Et ce face-à-face de quelques heures doit offrir à ces femmes des opportunités professionnelles. "L'idée est de trouver des femmes intéressées par les métiers en ateliers au sein de l'industrie aéronautique comme peintre, chaudronnier, ajusteur-monteur ou intégrateur cabine car ce sont des métiers en tension dans la filière. Nous tentons d'apporter des solutions aux employeurs en manque de ressources humaines tout en renforçant la mixité de ces métiers. En 2022, sur 100 personnes placées dans la production par mon agence, seulement une dizaine étaient des femmes", regrette Audrey Isus, la responsable d'agence Toulouse-Blagnac du réseau Adéquat, spécialisée sur l'industrie aéronautique.

C'est pour essayer d'établir un certain équilibre que son employeur a pensé cette matinée de rencontres entre des femmes sans emploi ou formation et des recruteurs du premier secteur d'activité - par son poids économique - en Occitanie. "Au-delà de la féminisation des métiers de l'aéronautique, le véritable sujet c'est l'accès à l'emploi", tient à souligner Annie Brinet, la directrice des centres AFPA sur l'agglomération toulousaine.

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Ainsi, après une séquence de présentation, les participantes à cette matinée ont été invitées à découvrir les ateliers de formation du centre dans lesquels se trouvent de véritables morceaux d'avions qui ont servi par le passé. Aucune d'elles n'a d'expérience dans l'univers industriel. Alors, tout sans exception est nouveau pour elles :  des métaux aux outils utilisés en passant par l'appellation des composantes d'un avion...

recrutement aéronautique

Pour beaucoup, c'était la première fois qu'elles approchaient au plus près le monde industriel (Crédits : Rémi Benoit).

Un contexte favorable

Mais l'enjeu face à ces demandeuses d'emploi vaut bien un apprentissage rapide. "Vous avez de la chance, tout le monde recrute en ce moment", lance à l'assemblée Dimitri Tulasne, le responsable Occitanie d'IFI Peinture, un organisme spécialisé sur la formation au poste de peintre industriel, dont peintre aéronautique. Dans les faits, rien que l'agence Adéquat de Toulouse-Blagnac propose actuellement 350 postes à pourvoir immédiatement en intérim rien que chez Airbus et 180 chez ses sous-traitants CDI et intérim confondus.

"C'est vrai que nous que nous n'avons pas assez de vivier féminin et pourtant les opportunités sont là du moment que la personne a les compétences. Chez Airbus Opérations, nous avons rentré 550 intérimaires depuis le début de l'année 2022 et nous avons encore des besoin à hauteur de 250, tous métiers confondus. Recruter des femmes serait une bonne chose. Par exemple, sur notre usine de Saint-Éloi, seulement 8% des effectifs sont des femmes mais nous voulons monter ce chiffre à 30%", détaille Laurent Raynaud, le responsable du recrutement par intérim chez Airbus Opérations à Toulouse, associé à l'opération menée par Adéquat.

Chez les partenaires de l'avionneur européen, la volonté est partagée. "Nous recrutons des hommes, mais pas assez voire pas du tout de femme. Nos postes leur sont aussi ouverts", martèle aux candidates une responsable RH de la société ariégeoise Récaero, spécialisée dans la production de pièces de rechange pour l'industrie aéronautique qui emploie 600 personnes. D'autres sociétés, comme Satys, Airbus Atlantic, AviaComp, le Groupe Rossi Aéro ou encore le Groupe ADF étaient associées à cette matinée de rencontres et partagent toutes ce même constat.

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Pendant plus de deux heures, les demandeuses d'emploi ont découvert des métiers de l'industrie aéronautique (Crédits : Rémi Benoit)

Les opérations de la sorte se multiplient

Mais avec cette alliance Afpa - Adéquat - Pôle Emploi et les entreprises, l'idée est d'engager ces femmes dans des filières qui recrutent à travers des formations de quelques mois, avec quasiment une promesse d'embauche à la clé. Jusqu'à ce but ultime, certains obstacles demeurent sur la route des intéressées. "Les pré-requis pour intégrer les formations sont d'avoir une grosse motivation et un vrai savoir-être", met en garde Annie Brinet de l'Afpa, une manière de rappeler à l'ordre celles qui ont un important retard pour cette matinée d'échanges. Par ailleurs, du côté des candidates ce sont les horaires de travail qui interpellent. La majorité des questions porte sur l'organisation du temps de travail, pour lesquelles les professionnels ne cachent pas le fait de travailler en "deux-huit" voire "en trois-huit" avec des horaires décalées. "C'est un gros frein", reconnait Audrey Isus dans nos procédés de recrutement, qui malgré tout est parvenue à placer plus de 300 personnes chez les acteurs toulousains de l'industrie aéronautique.

Malgré ces points de blocage, beaucoup de recruteurs dans l'industrie aéronautique sont conscients que le vivier féminin peut être un moyen de renflouer les effectifs après la saignée qu'a connu la filière ces 24 derniers mois. Pour preuve, les opérations similaires se multiplient. Le groupement d'employeurs spécialisé dans la peinture aéronautique, le GIEQ Occitanie, a lancé il y a quelques semaines une promotion d'apprentis peintre aéronautique uniquement féminine. Un exemple que le réseau Adéquat espère imiter avant la fin de l'année sur un métier en tension. De la même manière, le sous-traitant gersois Air Support a mené il y a quelques mois dans ses locaux une opération de présentation de ses métiers avec Pole Emploi spécifiquement réservée aux femmes, complétée d'un job dating le même jour pour les intéressées sur des postes de préparatrice aéronautique notamment.

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"Recruter des femmes, c'est bien, il en faut dans les ateliers. Il faut apporter de la diversité et de la mixité, mais pas n'importe comment. Recruter des femmes parce que ce sont des femmes et pour des questions d'indicateurs ce n'est pas une bonne chose. Chez Nexteam, nous recrutons des femmes mais pour leurs compétences ou leur aptitude à apprendre quand il s'agit d'une formation", estime au contraire Ludovic Asquini, le président de Nexteam et nouveau vice-président du bureau Aéro-PME au sein du Gifas, le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales.

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L'industrie aéronautique parie sur les femmes pour gonfler ses effectifs (Crédits : Rémi Benoit).

Une mobilisation qui se justifie pourtant par les besoins du secteur face à son redémarrage d'activité suite à la crise sanitaire. Selon le Gifas, les avionneurs et leurs sous-traitants de toutes tailles auront besoin de recruter environ 15.000 personnes, majoritairement en CDI, et ce sur l'ensemble du territoire français, en 2022 et début 2023. Preuve de l'urgence, le Gifas a lancé l'opération "L'Aéro recrute", qui consiste surtout à mettre en lumière les métiers en tension et les offres à pourvoir dans l'industrie aéronautique.

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